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Actualités - OPINION

Trait d’union

À l’heure où son avortement se pratique au quotidien par un pouvoir-pieuvre tout entier dévoué à sa double tâche – la destruction systématique des institutions libanaises et le viol collectif, répété, programmé, calculé, des valeurs républicaines – le dialogue (son urgence, ses vertus) n’a plus la cote. Et divise l’opposition. Au sein de laquelle il y a ceux, plus qu’échaudés, qui n’en peuvent plus, et c’est compréhensible, de se recevoir une claque monumentale (fermeture de la MTV, attaques confessionnelles, etc.) à chaque fois qu’ils tentent de le ressusciter. Il y a ceux, aussi, qui n’y ont jamais cru. Persuadés qu’ils sont, à tort ou à raison, qu’au sein du pouvoir, il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre (raison). Il y a ceux, enfin, naïfs ou utopiques, peut-être obstinés ou pugnaces, qui remettent, à chaque fois, le couvert. Tout en ne variant pas d’un iota le volume de leur position. Ceux-là continuent de travailler, contre vents et marées, pour le dialogue. Sauf qu’il y a un problème : en principe, on ne dialogue pas entre alliés. En politique, encore plus au Liban, c’est la communication avec l’adversaire, celui qui pense autrement, qui compte. Pour la (sur)vie du pays. Sauf qu’il y a un autre problème : comment faire lorsque les questions les plus à même de justifier un dialogue, un échange, une mise en commun des énergies tout entière au service de la nation, deviennent toutes des sujets tabous ? Des sujets intouchables, des lignes rouges, (im)posés par le pouvoir et ses innombrables thuriféraires, imprégnés jusqu’à l’os de doctrines bacharo-baassiste ? Face à ce terrorisme politique, et avec la certitude que seul un dialogue (politique) islamo-chrétien, c’est-à-dire libano-libanais, peut sauver les meubles, voire le navire, il reste une brèche. Dans laquelle il est impératif de s’engouffrer. La brèche : que l’opposition renoue avec le dialogue (elle le doit) en cessant de se focaliser sur les dirigeants. En allant plutôt rechercher ceux, hors des cénacles du régime, de la troïka, avec lesquels elle peut travailler. Ils existent. Que l’on mette de côté, pour l’instant, ceux dont la réflexion obéit uniquement aux raisonnements, aux conceptions, de la puissance-tutelle. Que l’on mette de côté ceux persuadés que la présence politique chrétienne au Liban ne peut s’assurer que par une dévotion aveugle et flagorneuse à cet axe des plus bancals que guident deux minorités. Que l’on se retrouve, plutôt, entre gens naturellement persuadés que la sacralisation des libertés publiques, de la démocratie, de l’indépendance de la justice va de pair avec (et conditionne surtout) un assainissement de la méga-crise économico-financière. Que c’est de cette sacralisation de ces valeurs-mères, partagée et défendue entre pôles politiques que semblent séparer aujourd’hui des océans, que pourrait s’établir, ensuite, un dialogue sans tabous, sans restrictions, sans conditions, sans a priori, sans réserves. Un dialogue qui drainerait alors autant de musulmans que de chrétiens. Parce que la défense des libertés, des démocraties, de l’indépendance de la justice, n’est pas l’apanage de Kornet Chehwane, du Renouveau démocratique, du Forum démocratique, des aounistes ou du PCL. Certes, ces derniers s’en sont fait les hérauts, les héros. Mérités. Mais qu’attend, par exemple, Walid Joumblatt, pour retrouver ce qui a toujours été du moins son credo, sinon sa profonde conviction de démocrate, de progressiste, de républicain, de socialiste ? Qu’attend-il pour ne plus se contenter d’être le baromètre des rapports de force régionaux, qu’attend-il pour cesser d’errer d’excès en excès, d’outrances en outrances, et de redevenir un des mousquetaires de la République ? Un des pourfendeurs de la militarisation du régime libanais ? Un leader national ? Mais pour cela, il faudra que lui et l’opposition se retrouvent. Un geste de lui, et ils se retrouveront. Pour réapprendre le dialogue et, très vite, le maîtriser de nouveau. Reconstruire une plate-forme commune. Force est de parier qu’ils le feront avec un certain plaisir (et avec bien plus de naturel qu’un Nasser Kandil ou que plusieurs des membres du Rassemblement parlementaire de concertation, qui s’étaient précipités, toutes griffes dehors, à l’Ordre de la presse après la fermeture de la MTV). Il y a des points communs plus forts que d’infinis hectares de divergences. L’opposition et Walid Joumblatt, auxquels devraient se joindre avec plaisir un Hussein Husseini, un Omar Karamé, même un Sélim Hoss, et que doivent suivre des dizaines d’autres, chrétiens comme musulmans, ont besoin de réunir toutes leurs énergies contre les dérives sécuritaires. Toutes les dérives. Et peut-être, qu’un jour, cette évidence sautera aux yeux de tous : libertés, démocratie, justice indépendante sont, jusqu’à nouvel ordre, totalement incompatibles avec la syrianisation galopante du Liban. Le congrès des libertés du Carlton de 2001 n’a pas eu la vie longue. Mais ses images perdurent : aux premiers rangs, il y avait Walid Joumblatt. Les Libanais s’en souviennent. Les Libanais attendent, espèrent, un nouvel et indispensable Carlton. Avec lui, entouré de l’opposition. Ziyad MAKHOUL
À l’heure où son avortement se pratique au quotidien par un pouvoir-pieuvre tout entier dévoué à sa double tâche – la destruction systématique des institutions libanaises et le viol collectif, répété, programmé, calculé, des valeurs républicaines – le dialogue (son urgence, ses vertus) n’a plus la cote. Et divise l’opposition. Au sein de laquelle il y a ceux,...