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Actualités - INTERVIEWS

Cortbawi : La priorité aujourd’hui ? Que l’opposition travaille unie(photo)

C’est peut-être parce qu’il a toujours dit refuser les compromissions et les marchés, parce qu’il va droit au but, qu’il ne semble pas être né de la dernière pluie, sans doute aussi parce qu’il cultive l’ambition et le pragmatisme et en même temps le respect de l’autre, parce qu’il sait ce qu’il veut et que, jusqu’à nouvel ordre, il n’a pas dévié de sa ligne politique, que Chakib Cortbawi est, au sein de sa profession, l’un des bâtonniers les plus populaires et les plus respectés de Beyrouth. Et c’est avec cet état d’esprit que cet ex-Bloc national depuis quatre jours (après 35 ans de bons et loyaux services), que ce toujours membre de Kornet Chehwane, a répondu aux questions de L’Orient-Le Jour. Qu’il s’est expliqué sur son départ du BN, son attachement à KC, sur ses choix, ainsi que sur le devenir du seul rassemblement politique auquel, désormais, il appartient. Et tout cela, sans la moindre envie – ou le moindre besoin – de polémique. D’abord, dissiper un flou. Pourquoi démissionner du BN alors que celui-ci a clairement demandé à Ghassan Moukheiber de renoncer à son siège ? « Il n’y a aucune relation entre notre démission et cette prise de position du BN à l’égard du député désigné. Lundi matin, le BN décidait définitivement de quitter KC. Et dès qu’il est apparu que le Amid n’allait pas changer d’avis, nous avons décidé de démissionner du Bloc. Tout cela s’est fait lundi matin, avant la décision du Conseil constitutionnel. Dans tous les cas, que le BN ait demandé ou non à Ghassan Moukheiber de ne pas accepter son siège n’aurait rien changé à notre décision. » Trente-cinq ans au BN et un peu plus de deux ans à KC. Pourquoi avoir choisi KC ? Chakib Cortbawi explicite sa démission et celle des deux autres mousquetaires en énonçant clairement une de ses intimes convictions. Et en espérant se tromper. La conviction que le Liban passe par « la phase la plus dangereuse de son histoire moderne ». La conviction qu’une décision est en train d’être appliquée sans avoir été annoncée : la bascule du Liban pays indépendant en un pays qui « accepte la soumission, qui en reconnaît les “bienfaits” », et la bascule d’un régime libre et démocratique en un autre « purement antidémocratique ». Il le dit : le Liban est sur le fil du rasoir, la seule solution, c’est « qu’il y ait des opposants et que ces opposants œuvrent ensemble, unis ». La priorité, pour l’ancien bâtonnier, est là. Et rien que là. Dire la vérité Non qu’il doute, le moins du monde, de l’appartenance de son ancien Amid à l’opposition – il en est plus que convaincu. Non qu’il ait quitté le BN le cœur léger. Non qu’il veuille défendre Carlos Eddé alors qu’il s’en est séparé politiquement lundi matin. Chakib Cortbawi veut juste dire la vérité. Il estime juste que « ce n’est absolument pas le moment de faire cavalier seul ». Parce que sa perception de l’actualité locale ne lui donne pas le choix. Que donc il « faut rester ensemble malgré les susceptibilités, surtout que le Amid avait accepté en connaissance de cause, au moment de s’intégrer dans KC, de surmonter ses allergies ». Ça c’est pour le timing. Et le fond ? « Si le discours de KC n’était pas, dans sa majeure partie, le même que celui du BN, ni Carlos Eddé ni nous-mêmes n’aurions fait partie du rassemblement. Ainsi, si KC a le même langage que nous, pourquoi le quitter ? Sur un autre plan, c’était clair qu’il y avait un dialogue d’établi entre KC et beaucoup de personnalités politiques musulmanes (Walid Joumblatt, Omar Karamé, Hussein Husseini). Le pouvoir et les Syriens ont exercé toutes les pressions possibles et imaginables pour couper court à toutes ces tentatives. Même le BN l’a dit. Pourquoi quitter KC, alors, puisque ce n’est pas de sa faute que le dialogue politique interconfessionnel a avorté ? » Et Chakib Cortbawi devient intransigeant. Si le BN avait pu fonder un rassemblement multiconfessionnel dont le slogan aurait été : indépendance et libre décision des Libanais, « il est clair que nous aurions quitté KC pour ce rassemblement-là ». Si le Amid du BN n’avait donc aucune raison de quitter KC, cela pouvait-il signifier qu’il est sous influence ? On dit que le président de la République s’y est mis, on nomme aussi Walid Joumblatt. « Je n’en sais rien. Mais quelle que soit l’influence qu’il a subie, le BN appartient et continuera d’appartenir à l’opposition. Le seul problème est que la décision de quitter KC est totalement inappropriée. » Il n’empêche, Chakib Cortbawi est persuadé qu’il n’y a pas eu de combines, que si Carlos Eddé a joué le jeu du pouvoir, c’était tout à fait involontairement. « Les gens croient que je couvre Carlos Eddé, que j’essaie de camoufler la vérité. Pas du tout. Ma conviction intime est qu’il n’y a eu aucune combine. » Et loin de lui et de ses camarades, Salhab et Abdel-Malak, l’idée de faire du BN un autre Kataëb sauce Pakradouni ou un second FL couleur Fouad Malek. Et malgré toute la situation, il reste conséquent avec lui-même, lucide : « La coïncidence est gênante. » C’est le moins que l’on puisse dire. Vous pensez que vous allez pouvoir mieux travailler, mieux lutter, à KC qu’au BN ? « Si mon travail au sein de KC est plus utile que celui que j’aurais fait au BN ? Aujourd’hui, oui. Définitivement. » Impossible enfin de ne pas aborder avec Chakib Cortbawi ce Kornet Chehwane dont il est l’un des membres. Un KC canardé de toutes parts certes, mais qui manque cruellement de vision, de plan de travail, de but. Et qui est gangréné par les petites bisbilles intestines. L’ancien bâtonnier parle de la lutte actuelle entre « le pouvoir, qui a tous les pouvoirs, et qui a décidé d’anéantir une opposition – pire : qui ne peut pas admettre la notion d’opposition ». « Dans le dernier communiqué de KC, dit-il, nous avions parlé de cette dernière phase avant la dictature. Et un des principaux objectifs de cette phase-là, c’est de ne pas disparaître. De s’opposer à la décision qui vise à nous anéantir. La première bataille que l’on gagnerait, c’est de rester en place. Mais il est sûr et certain qu’un plan de travail doit être élaboré. Qu’il faut faire face à cette nouvelle situation dont l’enjeu est l’existence du Liban. Et je ne parle pas géographiquement : je parle de libertés, de souveraineté, de démocratie, d’unité et de meilleures relations possibles avec la Syrie, d’égal à égal. » En résumé, en conclusion, Chakib Cortbawi estime que toutes les vérités, ou presque, sont bonnes à dire. Il veut que les Libanais sachent qu’il n’y a pas de solutions dans l’immédiat. Qu’il ne faut pas croire aux miracles. Que les Libanais sont responsables eux aussi. Ça ne sert à rien de vouloir nourrir les Libanais avec des mots, des slogans, si ? « Mais qu’est-ce que vous croyez ? Qu’à KC nous avons cinquante solutions en main, et que nous refusons de l’ouvrir, cette main ? Les Libanais ont un devoir : rester debout, ne pas désespérer, savoir qu’ils ont un rôle à jouer pour que le Liban recouvre son indépendance. » Quel rôle ? « Ne pas se contenter, uniquement, de demander des comptes aux politiciens. Cesser de faire la queue devant les ambassades. Apprendre à dire non. » Il suffit de se persuader, encore une fois, que le peuple libanais n’est pas mort. Que simplement, pour l’instant, il dort. Ziyad MAKHOUL
C’est peut-être parce qu’il a toujours dit refuser les compromissions et les marchés, parce qu’il va droit au but, qu’il ne semble pas être né de la dernière pluie, sans doute aussi parce qu’il cultive l’ambition et le pragmatisme et en même temps le respect de l’autre, parce qu’il sait ce qu’il veut et que, jusqu’à nouvel ordre, il n’a pas dévié de sa...