Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

édition - La non-intégration, une véritable bombe à retardement L’islam et l’islamisme en France, vus par Antoine Sfeir(PHOTO)

Arabe, islam, islamiste, terroriste. Entre ces différents mots, les amalgames sont nombreux, notamment en France qui compte 5 millions de musulmans, dont environ 30 000 à 50 000 sont islamistes, mais pas nécessairement terroristes. C’est en tant que spécialiste du monde arabe qu’Antoine Sfeir, directeur de la rédaction de la revue française Les Cahiers de l’Orient, dresse un constat de l’islamisme en France, en Europe et à travers le monde, à partir d’études publiées dans ses livres Les réseaux d’Allah et Dictionnaire mondial de l’islamisme. Au cours de la conférence qu’il a donnée hier, au Salon du livre au Biel, le journaliste d’origine libanaise a donné un aperçu des différents mouvements islamistes qui essaiment la France. « L’islamisme est un mouvement nouveau, né au XXe siècle dans le but d’islamiser le champ social et politique de l’islamiste et de créer la “oumma”, nation musulmane qui ne reconnaît pas les divisions frontalières ». En fait, explique Antoine Sfeir, jusqu’à l’instauration des accords Sykes-Picot, les frontières étaient inexistantes à l’intérieur de la « oumma ». « Créées de manière artificielle par les grandes puissances dès l’éclatement de l’empire ottoman, elles ont favorisé l’émergence de courants d’idées et de pensées prônant l’islamisation tant sociale que politique. » Aujourd’hui, six grands réseaux islamistes sont implantés en France, où ils pratiquent un prosélytisme particulièrement actif. « À tout seigneur tout honneur », dit-il, tout en présentant les Frères musulmans, mouvement créé en Égypte en 1928 par Hassan el-Banna, qui tire ses principes du Coran et de la sunna et qui prône la lutte contre les étrangers (à l’époque, les Britanniques), mais aussi contre la monarchie égyptienne. Se déplaçant vers la Méditerranée occidentale et notamment vers la Tunisie, ce courant cherchera à adapter les principes de son fondateur à un mode de vie différent. De son côté, observe Antoine Sfeir, « le courant wahhabite, appelé aussi salafite, a émergé dans deux pays artificiels, l’Arabie saoudite et le Qatar », tout en précisant que ce courant tire son importance de sa doctrine sévère et rigoriste. C’est à travers la création d’organismes financiers, d’ONG, ainsi que d’écoles et d’universités islamistes que cette mouvance va se développer à l’échelle internationale, notamment en Afghanistan et au Pakistan, d’autant plus, précise le journaliste, « que les Américains voient d’un œil complaisant cette installation en Asie, aux portes de ce qui était l’URSS, à l’époque de la guerre froide ». Quant au mouvement turc, s’il ne draine pas un véritable courant, il tire son essence du principe du retour du califat. Et M. Sfeir d’attirer l’attention de l’assistance sur le raz-de-marée qui a permis aux islamistes turcs d’obtenir la majorité, dimanche dernier, lors des élections législatives. La crise identitaire des jeunes Un des courants islamistes les plus importants est incarné par le Tabligh, créé en Inde en 1928 par le Alem Mohammed Elias. Prônant l’importance du discours missionnaire clair et facile, à la portée de tous, il met en valeur « l’importance du groupe rassurant et protecteur, au sein duquel rien ne peut nous arriver ». Par ailleurs, M. Sfeir évoque le groupe Ahbache, né au Moyen-Orient, qui fait l’objet, dit-il, de nombreuses rumeurs, mais qui reste difficile à cerner et à connaître. « Le courant Ahbache vient de construire un centre à Lausanne qui a dû coûter une fortune, mais nous ne savons pas d’où vient cet argent, s’il est issu de dons ou d’ailleurs », relève-t-il. Abordant le problème des musulmans de France d’origine maghrébine, qui se concentrent principalement en région parisienne, en Lorraine, à Lyon, dans le Rhône, dans le Nord-Pas-de-Calais et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Antoine Sfeir remarque que l’intégration de la troisième génération pose un grave problème. « Nés en France, désireux de ressembler aux Français et ne sachant rien de l’islam ou de leur pays d’origine, de nombreux jeunes issus de l’immigration perçoivent leur différence dans le regard des autres. » Une différence qui les conforte dans la destructuration tant identitaire que familiale ou sociale. Ces jeunes, vivant souvent des situations familiales difficiles, se sentent poussés vers une société à visage plus humain, en marge de la société nationale, en marge de la citoyenneté prônée par la France, prévient M. Sfeir. « Ceux-là, généralement pris en charge et parfois recrutés par les islamistes, constituent de véritables bombes à retardement ». Le défi, conclut-il, serait de réussir à créer un islam français. Anne-Marie EL-HAGE
Arabe, islam, islamiste, terroriste. Entre ces différents mots, les amalgames sont nombreux, notamment en France qui compte 5 millions de musulmans, dont environ 30 000 à 50 000 sont islamistes, mais pas nécessairement terroristes. C’est en tant que spécialiste du monde arabe qu’Antoine Sfeir, directeur de la rédaction de la revue française Les Cahiers de l’Orient, dresse...