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Actualités - OPINION

deux logiques antinomiques ?

L’opposition au Liban serait, de prime abord, pareille à l’hydre de Lerne: un tronc commun, des objectifs communs, au bout du compte – la défense des libertés publiques et de la démocratie et le rétablissement de la souveraineté et de l’indépendance – mais plusieurs têtes. Et, par conséquent, des tactiques différentes. Engendrant forcément, à leur tour, des dissonances au niveau des prises de position. Le spectre de l’hydre de Lerne planait hier sur le mouvement pour la réouverture de la MTV et sur la décision de manifester ou pas aujourd’hui, quelles que soient les décisions du ministère de l’Intérieur ou du Conseil central de sécurité. Et pour cause: au moment où le Rassemblement de Kornet Chehwane décidait, à Sodeco, de reporter « sa » manifestation entre La Sagesse et la MTV, à Achrafieh – appuyée du reste par la totalité des forces de l’opposition, du Forum démocratique au Courant patriotique libre (CPL - aouniste) –, le CPL affichait sa détermination à descendre dans la rue contre vents et marées. De quoi semer la confusion dans les esprits et donner l’impression, légitime d’ailleurs, que « l’opposition est divisée ». En fait, il serait inexact de parler de « divisions », alors que cette opposition n’est pas – et n’a jamais été, renchériront à raison certains – un groupe homogène. Et encore moins un parti uni et discipliné. Les sources de la dissonance qui existe, de manière sous-jacente, entre le groupe de Kornet Chehwane et le courant du général Michel Aoun, dissonance que les événements d’hier sont venus mettre en exergue, émanent des logiques différentes qui sont propres à chacun des deux courants. Pour le groupe de Kornet Chehwane, formé lui-même de personnalités et de courants politiques qui possèdent chacun sa spécificité, l’essentiel, dans l’affaire MTV, c’est d’obtenir la réouverture de la chaîne – dont la fermeture était venue rompre le dialogue entre KC et le président de la République – dans le cadre d’une campagne sur « la défense des libertés publiques et de la culture démocratique ». L’objectif est le même pour le courant aouniste. Mais dans la logique du discours hostile à « l’occupation syrienne du Liban » qu’il tient depuis 1988, le général Aoun ne peut se contenter d’incriminer uniquement le pouvoir dans la fermeture de la chaîne. D’après lui, le pouvoir au Liban est un pouvoir de fait qui puise sa raison d’être de la Syrie. La campagne pour la réouverture de la MTV ne devrait par conséquent pas être limitée à la « défense des libertés », mais aller directement à la source du mal, « l’occupation syrienne ». Dans l’optique du courant aouniste, c’est surtout dans ce cadre que la MTV est « une question d’envergure nationale ». Le point de vue des aounistes... Concrètement, les deux positions mènent à deux voies différentes, à deux comportements distincts: le groupe de Kornet Chehwane, ne jugeant pas opportun de remettre en question les fondements sur lesquels repose le système de l’après-Taëf, et pour ne pas apporter de l’eau au moulin de ses nombreux adversaires dans le camp loyaliste et prosyrien, qui l’accusent de « vouloir renverser le régime et de mettre à exécution un complot américano-israélien », se conforme à la législation locale dans ses moyens d’action. Une position qui les a notamment conduits à demander un permis au ministère de l’Intérieur pour manifester et qui ne leur permet pas de s’accommoder facilement des moyens d’action du courant aouniste. Lequel, par principe, refuse de demander une autorisation pour un droit fondamental, garanti par la Constitution libanaise et par les conventions internationales signées par le Liban. Les aounistes, adoptant une position des droits de l’homme, affirment que le droit de manifester est inaliénable et ne saurait être soumis au bon vouloir du ministère de l’Intérieur ou du législateur libanais. C’est pourquoi le général Michel Aoun n’a pas caché son courroux hier devant la décision du groupe de Kornet Chehwane de renoncer à la manifestation à la suite de la décision du Conseil central de sécurité. Le général a reproché au rassemblement de ne pas être conséquent avec « sa lutte pour les libertés publiques et les droits de l’homme ». Il a également reproché au groupe de « jouer indirectement le jeu du pouvoir » en ne remettant pas en question tout un système qui ne leur garantit même pas les conditions de l’opposition – comme le droit de manifester, par exemple. Et, pour démontrer sa cohérence avec sa propre logique, le courant aouniste a appelé à des manifestations aujourd’hui, malgré l’interdiction par le pouvoir de tout mouvement dans la rue. En soutenant que « l’opposition ne doit pas se contenter de subir les assauts répétés du pouvoir et se défendre, mais se doit au contraire de prendre des initiatives et de passer à l’attaque ». ... et celui de Kornet Chehwane Adoptant pour sa part la politique de l’escalade à petits pas, le groupe de Kornet Chehwane, au terme d’un long débat à Sodeco, a reporté sa manifestation à la semaine prochaine, en affirmant qu’il « ne transigera pas jusqu’à ce que la MTV recommence à émettre ». En mettant la pression sur le pouvoir, semaine après semaine, et en prenant ses précautions par des appels aux manifestations et aux sit-in, le Rassemblement entend lui aussi affirmer qu’il s’inscrit dans une logique d’opposition ferme, mais dans un style différent. Et dans le respect de sa propre logique. Pourtant, hier, à Sodeco, selon des sources proches de Kornet Chehwane, l’idée du recours à la rue a été longuement débattue. Sinon dans l’immédiat, du moins dans un avenir très proche. Et le groupe, doublé en permanence à sa droite par le courant du général Aoun sur le terrain et acculé par ailleurs par ses adversaires à passer inévitablement à l’action, serait, dit-on, contraint, tôt ou tard et petit à petit, de lever les derniers tabous qui le séparent, effectivement, du courant aouniste. Pas de scissions, ni de divergences donc, au niveau des objectifs à atteindre entre les deux groupes. Juste un écart au niveau des tactiques, que les erreurs répétées du pouvoir sont en train d’amenuiser progressivement. Deux tactiques que certains observateurs vont même jusqu’à juger complémentaires. En arguant que « plus il y a de voix qui s’élèvent pour dénoncer, chacune à sa manière et selon ses moyens, la présence syrienne et les agissements du pouvoir, mieux c’est ». Qu’à cela ne tienne, répondent d’autres, qui soutiennent que « les Libanais aimeraient bien assister à une réédition de la réunion de Sodeco » qui avait regroupé, au lendemain de la partielle du Metn, toutes les figures de l’opposition, groupe de Kornet Chehwane et courant aouniste inclus. Michel HAJJI GEORGIOU
L’opposition au Liban serait, de prime abord, pareille à l’hydre de Lerne: un tronc commun, des objectifs communs, au bout du compte – la défense des libertés publiques et de la démocratie et le rétablissement de la souveraineté et de l’indépendance – mais plusieurs têtes. Et, par conséquent, des tactiques différentes. Engendrant forcément, à leur tour, des dissonances au...