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Actualités - OPINION

Politiquement incorrect

C’est à s’en arracher les cheveux. Tant de mauvaise foi et de mensonges, tant de haine et de diatribes infamantes. Et l’on s’étonne dans les hautes sphères que les jeunes, écœurés, démoralisés, fassent leurs valises et se pressent aux portes des ambassades, qui pour se réfugier au Canada, qui pour s’exiler en Australie. Entendue il y a quelques jours dans un cercle de jeunes, cette phrase d’un gamin de 18 ans : « Je n’en peux plus, j’en ai assez du cirque politique véhiculé par nos médias, du spectacle affligeant de dirigeants mégalomanes. Vivement un visa pour n’importe où. Pourquoi pas la Nouvelle-Zélande, c’est loin, très loin, et c’est tant mieux. » *** L’État de Taëf a échoué, lamentablement échoué, et les rodomontades du genre : « Le Liban a retrouvé sa place dans le monde, son économie s’améliore, les investissements affluent », dont nous assomment les thuriféraires du régime, n’y changeront rien. L’infrastructure sociale se déglingue, l’eau fuit de partout, et ce fameux « ihbat » (découragement) dont les chrétiens avaient le triste privilège s’est étendu à toutes les communautés. Mais qu’on ne s’avise surtout pas à le dire, ce serait rendre un insigne service à l’ennemi, exacerber les tensions confessionnelles et porter atteinte aux relations syro-libanaises (sic) alors que « les nuages s’amoncellent dans le ciel régional ». Un leitmotiv dont nous matraque le pouvoir pour faire taire toute voix discordante. L’opposition l’a appris à ses propres dépens, elle qui a mis le doigt sur la plaie sans verser dans l’outrance ou l’insulte. Et c’est précisément le modérantisme du dernier discours, l’évidence du raisonnement qui ont provoqué la levée générale de boucliers dans les milieux loyalistes. Libertés, démocratie, souveraineté, dialogue, surtout dialogue : des mots incendiaires, provocateurs, une outrecuidance, un crime de lèse-Vérité Unique contre lequel s’insurgent les têtes pensantes du régime. La justice n’est pas en reste, elle qui menace de ses foudres ces empêcheurs de tourner en rond. On croit rêver, et pourtant telle est la réalité d’un système pour qui une main tendue est une main à trancher… Une parenthèse, impérative, essentielle : où se tient la Syrie face à cette situation aberrante ? De Bkerké à Kornet Chehwane, un maître mot régulièrement martelé : le dialogue. Pourquoi la Syrie reste-t-elle sourde à ces sollicitations ? Pourquoi ne prête-t-elle l’oreille qu’aux flatteurs, si nombreux à arpenter les rives du Barada ? Pourquoi la mission de Fouad Boutros, un vétéran de la diplomatie tranquille, est-elle gelée, sinon enterrée ? Faut-il faire à la Syrie l’outrage de croire que pour elle aussi une main tendue est une main à trancher, sinon à dédaigner ? C’en serait fait alors de tous les espoirs d’une équation nouvelle basée sur la confiance mutuelle et le respect réciproque. Que d’occasions manquées à ce niveau, que de déception et d’amertume, que de fenêtres ouvertes et vite refermées par ceux-là mêmes qui veulent monopoliser, séquestrer à leur seul profit les relations privilégiées avec Damas. Et pourtant, il suffirait d’un geste, d’un signe de bonne volonté… *** Un mal insidieux mine les esprits, un confessionnalisme haineux, hideux, resurgit et la fracture sociale s’élargit, grossissant le nombre des chômeurs et des laissés-pour-compte d’un régime ankylosé. La crise frappe aux portes, plus fort que jamais, et dans ces mêmes écoles auxquelles l’État interdit d’enseigner les notions élémentaires des droits de l’homme et de la démocratie, de nombreux parents n’arrivent plus à payer la scolarité de leurs enfants, accumulant les arriérés et factures impayées. Le même drame se joue ailleurs, à d’autres niveaux et dans tous les milieux. Un exemple tout simple et significatif : le week-end écoulé, une association locale a organisé une marche payante, entre Broummana et Beit-Méry, pour assurer le coût de deux bourses scolaires. Mille livres pour un kilomètre, dix mille livres pour les dix kilomètres du parcours. Les organisateurs espéraient la participation de trois cents personnes. Cent seulement se sont présentées. Dix kilomètres, c’était dix mille livres de trop ! Mais pour les Excellences qui nous gouvernent, tout cela n’est peut-être que détails infimes, des accidents de parcours sans grande importance. La Nouvelle-Zélande, Excellences, n’a jamais paru aussi proche de nos rivages. Nagib AOUN
C’est à s’en arracher les cheveux. Tant de mauvaise foi et de mensonges, tant de haine et de diatribes infamantes. Et l’on s’étonne dans les hautes sphères que les jeunes, écœurés, démoralisés, fassent leurs valises et se pressent aux portes des ambassades, qui pour se réfugier au Canada, qui pour s’exiler en Australie. Entendue il y a quelques jours dans un cercle...