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Actualités - CHRONOLOGIE

Celui qui veut faire autrement...(photo)

Il y a de ces choses qui imposent l’urgence. Pas seulement par manque de temps. Déshabiller Jean-Jacques Aillagon. Le temps d’un portrait : une vingtaine de minutes. C’est court. Coincé entre la cérémonie solennelle d’ouverture du neuvième raout francophone et un déjeuner avec Ghazi Aridi. Tous les jours depuis la nomination du Raffarin II, JJA touche son rêve, le renifle, l’entend : il est rue de Valois. Enfin. « Il existe une politique de droite pour la culture. » Ses premiers mots, pour ceux qui auraient été tentés de l’oublier. Essayer alors, en attendant qu’il fasse, à Paris, ses preuves, qu’il goûte, au Biel, sa tarte au chocolat, essayer de trouver, enfouies dedans, derrière l’impeccable sourire, l’impeccable costume, l’impeccable maîtrise de soi, les brisures, les fêlures, les failles. Apparences trop jolies. Chercher plutôt, elles sont nettement plus haletantes, les transparences. Celles du ministre français de la Culture et de la Communication. Lui dérouler l’alphabet. Une trentaine de mots, vite, en vingt minutes. Ses craintes au démarrage, « cela va être psychologique ». Non, pas psychologique : des images. Que ses réponses ébauchent. Ambiguité. Il la souhaite, contre tous les dogmatismes, la refuse, lorsqu’elle devient l’outil idoine pour de gratuites provocs, celles qui « troublent les relations humaines ». JJA est né sous le signe de la Balance... Ambition. On dit, parfois, que ses dents rayent les parquets. Aillagon sourit, associe au mot l’adjectif « légitime ». Il fait la part des choses, choisit son camp, rejette l’ambition « méprisante, celle qui déblaie tout », reconnaît la sienne, gonflée lorsqu’il veut « faire aboutir des choses ». JJA dit qu’il se moque du pouvoir personnel. Beyrouth. Qu’il a visitée quatre fois. « Belle, pardoxalement. » Tout est dit. Il souligne qu’il y retrouve les stigmates de l’histoire. Comme à Berlin. Apprécie la volonté de réorganiser l’espace. « Même si tout n’est pas parfait, loin de là. » Gentil. Colères. « Il y en a de saines. » Il est soupe au lait, il le reconnaît, « mais pas vindicatif ». Les colériques à plein temps, il les trouve pitoyables. Mais défend l’indignation. Sa dernière à lui ? « L’interdiction d’un livre aux mineurs. » Entre autres. Au sein du gouvernement Raffarin, qui pullule de pères-la-vertu, de censeurs, et l’indifférence de Chirac, JJA rejette en bloc le retour à l’ordre moral. Il dérange. Et c’est tant mieux. Dostoïevski. Pour apprendre, pour (se) cultiver, avant, il lisait comme d’autres respirent. « Avec l’âge, j’ai moins de sensibilité pour le roman. » Le russe maudit, génial, ne l’inspire pas des masses. L’âme slave, par contre, « m’enchante ». L’absurdité aussi. Le désespoir accompagné d’un immense éclat de rire. « La conviction que quelque chose, en dehors de l’histoire des hommes, viendra tout sauver. » Au fil des minutes, JJA ne cachera pas ses surprenants penchants pour l’enchantement. Alice aux pays des merveilles. Deneuve. Les demoiselles de Rochefort. « Grande actrice. » Le locataire de la rue de Valois aime voir de plus en plus de femmes aux commandes du cinéma. Vincent Lindon et Valérie Lemercier filmés par Claire Denis, Auteuil disséqué par Nicole Garcia, il fonce. Éclosion. Attendre, patiemment, que ce que l’on cherche à bâtir finisse par arriver. « On n’a pas le choix. Il faut composer avec le temps. » Pragmatique, volontaire, peu importe, JJA est patient. Comment il réagit si quelqu’un lui dit Emmène-moi ? Il rit. « Mais cela dépend de la personne. » Évidemment. « J’aime beaucoup entraîner les gens, les emmener, leur faire partager un projet, un voyage, une aventure personnelle... Et puis ces deux mots sont une marque de confiance... » Fuir. « Tout homme équilibré, avec d’importantes responsabilités à assumer, est périodiquement tenté par la volonté de s’éloigner. » JJA cite Juppé. Sa « tentation de Venise ». Le désir du désert, effaré par la « superficialité, la vanité, de ce que l’on fait », s’en aller « épanouir son corps, ses sentiments, ses relations ». Mais comment fait-il, sachant son attachement, si grand, à la « mémoire des hommes, de leurs lieux ». Galliano, John. La mode. « Je suis curieux de tout. Il y a deux jours, j’ai été assister à l’un de ses défilés. » La mode, comme convergences des représentations, des tendances, des tentations. Et les garçons ? « Tous ne se valent pas. » JJA se cache derrière un sourire, petit sourire, un peu John Malkovich. Il a eu une femme, il lui a fait des enfants, et puis hop, a rendu publique, il y a trente ans, son homosexualité. Difficile coming-out ? « L’expression sexuelle est beaucoup plus facile aujourd’hui qu’il y a trente ans », dit-il. Encore ce sourire. Et, évidemment, le bravo à Chirac, qui a ouvert le feu, il y a quelques jours, contre toutes les discriminations, y compris l’homophobie. Et puis ça va vite, très vite. Le déjeuner, l’avion dans un peu plus de deux heures pour Paris. Hybride. « J’aime le métissage, le mélange. » Évidemment. Jardin. Et c’est parti. C’est la passion de JJA. La grande. Difficile de l’imaginer avec un sécateur dans les mains, cet homme n’est pas un terrien. Quoique. En Éden peut-être. Kalashnikov. « Je n’aime pas les armes. » Lang, Jack. « C’était un bon ministre de la Culture, j’ai de l’amitié et du respect pour lui. » Pour l’homme dont l’image, dont l’odeur, encore partout présentes dès que le mot culture est prononcé en France, même parfois en Europe. Tous ses successeurs ont été zappés par l’histoire. Et lui ? « Je ne veux pas le faire oublier, je veux faire autrement. » Joli pari. Murs. « C’est nécessaire un mur... Les maisons, les abris sont faits de murs. C’est l’expression la plus accomplie de l’architecture. » Et puis ça sécurise, un mur. Sécurité : ce qui fait, entre autres, courir JJA. Noureïev. Il l’a bien connu, dit-il. Et la danse est la forme d’expression artistique qui lui parle le plus. Des corps magnifiés, distordus, mais des corps... Oser. « Sans arrêt. J’ose. Oui, cela marche assez bien. » Politique. « Oui, je l’aime. Elle et l’homme sont faits l’un pour l’autre. » Elle l’aime la politique ? « La politique n’aime ni ne déteste. » D’aucuns répondront à JJA qu’il ne l’a pas encore suffisamment pratiquée... Revanche. Pour le provincial qui est parti d’un univers aux antipodes de ses métiers, qui s’est presque fait tout seul, avec la bienveillance active et esthète de deux ou trois personnes... « Pas du tout revanchard. Je peux en vouloir à quelqu’un, mais je n’ai aucune revanche à prendre, ni en ce qui concerne les gens, ni en ce qui me concerne. » Sport. « Je n’en fais pas assez. » JJA veut de plus beaux abdominaux. Tuer. « Non, et heureusement, je n’ai jamais eu envie de tuer qui que ce soit. » Utile. Pas partisan de l’inutilité absolue, mais... Vérité. « Je n’ai pas l’illusion que l’on peut la détenir ou la défendre. Elle est une et plurielle à la fois. » Wanted. Protéger un wanted ou le livrer à la police ? « Délicat... Il faut de la miséricorde. Et que justice se fasse. » L’impression que la tendance naturelle de JJA serait la protection d’un(e) wanted. Quelque part dans une de ses armoires. X. Tout le monde le sait désormais, JJA honnit le retour à l’ordre moral. Yourcenar est un grand écrivain (écrivain ou écrivaine ?), et « nous sommes tous des » Zorro. C’est trop court vingt minutes. Les transparences, parfois, se font coquettes, midinettes, réticentes. Elles se font attendre. Ce n’est que partie remise. Ziyad MAKHOUL
Il y a de ces choses qui imposent l’urgence. Pas seulement par manque de temps. Déshabiller Jean-Jacques Aillagon. Le temps d’un portrait : une vingtaine de minutes. C’est court. Coincé entre la cérémonie solennelle d’ouverture du neuvième raout francophone et un déjeuner avec Ghazi Aridi. Tous les jours depuis la nomination du Raffarin II, JJA touche son rêve, le...