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Actualités - CHRONOLOGIE

Justice - Le jugement du tribunal des imprimés, passible d’un pourvoi en cassation, fixé au 21 octobre Pris de court par le violent réquisitoire du procureur, les avocats de la MTV demandent un droit de réponse(photo)

Évaporés les espoirs de réouverture avant le Sommet de la francophonie ! L’apparent climat d’apaisement s’est heurté aux procédures judiciaires et, si personne ne s’attendait à une décision du tribunal des imprimés dans la journée même de samedi, certains espéraient un jugement dans le courant de la semaine par égard aux valeurs francophones affichées de respect des libertés. Mais c’est finalement le 21 octobre que le tribunal, présidé depuis les nouvelles nominations judiciaires par le juge Samir Alyé, se prononcera sur le sort de la chaîne MTV et de la radio RML, fermées depuis le 4 septembre. Trois heures et demie d’attente, au Palais de justice quasi désert en cette journée de samedi, et, finalement, un épilogue qui n’en est pas vraiment un. À voir les mines longues des employés de la MTV autorisés à assister à l’audience, les journalistes comprennent très vite que l’atmosphère générale n’était guère rassurante. « Nous sommes donc un danger pour la paix civile », s’écrie une speakerine qui apparaissait généralement souriante et gaie et qui, en sortant du Palais de justice, ne parvient plus à cacher son amertume. Les avocats de la défense, pour la plupart des noms prestigieux du barreau, s’empressent d’ôter leurs robes, sans mot dire. « Laissez-nous le temps de souffler un peu », lancent-ils aux journalistes agglutinés devant la grille du palais. Mesures de sécurité très strictes C’est que les mesures de sécurité exceptionnelles prises pour la tenue de cette audience, qui ne l’est pas moins, ont interdit aux journalistes non accrédités d’entrer au Palais de justice ce jour-là. Ils étaient pourtant venus nombreux, dès 9h du matin, pour couvrir ce qui s’annonçait comme une audience décisive. Mais ils ont été repoussés par les forces de l’ordre. « Nous sommes désolés, mais nos instructions sont très strictes », telle était la phrase répétée inlassablement par les FSI, déployées en grand nombre dans le périmètre du palais. À dix heures précises, le président Samir Alyé et ses assesseurs, Thérèse Alawi et Mohammed Masri, sont prêts pour le début de l’audience, qui se tient au bureau du président, une petite chambre vidée de ses chaises et ses petites tables pour contenir plus de monde. L’audience ne peut se tenir dans la grande salle du tribunal, puisque, selon l’article 68 de la loi électorale, il s’agit d’une procédure à huis clos. La climatisation fonctionnant à plein tube ne parvient pas vraiment à rafraîchir l’atmosphère pesante : trente personnes, pour la plupart debout : des avocats, des employés des médias concernés, le PDG et député Gabriel Murr, ses enfants Michel et Carole, en plus du procureur près la cour d’appel de Beyrouth, Joseph Maamari, des magistrats et du greffier. Des absences remarquées toutefois, celles du député Boutros Harb et de l’ancien député Camille Ziadé, dont les noms figuraient pourtant sur la liste des personnes autorisées à assister à l’audience par le procureur général Adnane Addoum. En début d’audience, les avocats de la défense, à leur tête l’ancien bâtonnier Chakib Cortbawi et le Dr Mounif Hamdane, ainsi que MM. Ramzi Jreige, Fouad Chebaklo, Roy Madcour et Ghassan Zeidane, demandent que l’audience soit publique et donc ouverte aux médias. La cour se réunit pour délibérer sur la question avant de décider qu’elle ne peut contrevenir à l’esprit de l’article de loi qui lui donne compétence pour ce genre d’affaire. Normalement, c’est le procureur qui prend la parole en premier. Mais le juge Maamari sait bien ce qu’il fait en cédant sa place à la défense, affirmant que puisqu’elle est devenue la plaignante, c’est à elle de parler en premier. En fait, il veut avoir le mot de la fin, mais la défense ne le sait pas encore. Au contraire, le climat qui prévaut au début de l’audience laisse supposer que le procureur n’a pas grand-chose à dire et que cette audience est celle de la défense. Des plaidoiries bien coordonnées Contrairement à ce qui se passe généralement lorsque plusieurs avocats – de renom de surcroît – défendent une même cause, les six orateurs ont bien coordonné leurs plaidoiries, évitant de se répéter et soulevant chacun des points différents. L’ancien bâtonnier Chakib Cortbawi commence et le Dr Mounif Hamdane conclut. Les plaidoiries durent près de deux heures et relèvent toutes les lacunes du jugement du tribunal des imprimés qui avait décidé la fermeture de la MTV et de RML. Non seulement il s’agit d’une atteinte évidente aux libertés, mais aussi d’une violation de la loi même sur laquelle le tribunal s’est basé pour justifier sa décision. Les arguments ont d’ailleurs été déjà développés dans l’exception soulevée par les avocats, mais cette fois, ils sont encore plus étoffés, de manière à ne laisser aucune autre issue possible que la réouverture des médias en question. Hamdane, qui est aussi bien l’avocat des actionnaires de la chaîne que celui des employés, met l’accent sur le tort causé à plus de 400 familles désormais sans emploi et qui, si la fermeture se maintient, resteront sans indemnités, puisqu’il n’y a pas eu licenciement abusif, mais cas de force majeure. Jusque-là, l’atmosphère générale semble pencher en faveur de la défense et le président Alyé, dont la réputation d’intégrité est connue dans le milieu, même si certaines informations laissent entendre qu’aucun autre juge n’a accepté de présider ce tribunal, écoute attentivement. Vient ensuite le tour du procureur Maamari. Il est midi trente et tout le monde croit qu’il en a pour une dizaine de minutes. Mais il parle pendant plus d’une heure, prononçant un réquisitoire très violent et soulevant des points qui n’avaient pas été évoqués auparavant. Contredisant la décision du tribunal des imprimés, présidé par le juge Labib Zouein, Maamari affirme qu’il ne s’agit nullement d’un jugement gracieux, puisqu’il y a deux adversaires, la défense et l’intérêt général. Par conséquent, selon lui, la décision ne peut être remise en cause, car il ne s’agit ni d’une mesure préventive ni d’une sanction pénale, mais « d’un texte spécial pour une situation spéciale ». Pour Maamari, la fermeture doit être définitive, d’autant que, toujours selon lui, la chaîne et la radio incriminées représentent une menace pour la paix civile. Il dresse ensuite le bilan des activités de la MTV depuis le 7 août 2001 jusqu’à sa fermeture, visant selon lui à pousser les gens à se soulever contre le pouvoir. Il met ainsi l’accent sur les entrevues effectuées pendant la partielle du Metn, avec des naturalisés venus exercer leur droit de vote, et rappelle l’insistance de la chaîne sur leur accent syrien comme pour attiser les dissensions confessionnelles et racistes, évoquant pour finir l’insulte faite au président de la République, après sa tournée au Metn, à travers la lecture d’un communiqué jugé très humiliant pour le chef de l’État. Les avocats de la défense sont sidérés. Ils ne s’attendaient pas à une telle attaque et, surtout, ils craignent que les points soulevés par le procureur Maamari ne reflètent l’ambiance générale dans les rouages du pouvoir. Ils demandent un droit de réponse, mais la procédure exceptionnelle du fameux article 68 de la loi électorale – dont on ne dénoncera jamais assez le contenu – ne prévoyant pas ce genre d’échange, le président Alyé décide de leur accorder un délai de trois jours pour présenter à la cour des mémorandums écrits sur les points soulevés par le procureur. Mercredi donc, la cour devra être en possession de tous les documents et elle s’est accordé quelques jours pour délibérer, puisqu’elle prononcera son jugement le 21 octobre, c’est-à-dire après le Sommet de la francophonie. Pour les plus pessimistes, cette date est à elle seule un indice de ce qui attend MTV et RML, car si l’État voulait faire preuve d’ouverture, il aurait pris sa décision pendant le sommet. Après, il aura les mains libres, surtout avec ce qui se prépare régionalement. Les optimistes, eux, pensent, au contraire, qu’en choisissant de prononcer son jugement le 21 octobre, la cour a voulu rappeler que l’affaire de la MTV et de RML est purement interne, mais cela ne signifie pas qu’elle maintiendra la décision de fermeture. Ceux qui connaissent le président Alyé affirment qu’il n’est pas sensible aux pressions politiques et qu’il jugera selon sa conscience. De toute façon, le jugement du tribunal des imprimés est passible d’un pourvoi en cassation et l’affaire traînera probablement jusqu’à la publication, annoncée pour novembre, du jugement du Conseil constitutionnel sur le recours en invalidation contre l’élection de Gabriel Murr... En tout cas, en sortant du Palais de justice samedi, les avocats ont préféré ne pas faire de commentaires, se contentant d’un laconique « Nous respectons la justice. » Scarlett HADDAD
Évaporés les espoirs de réouverture avant le Sommet de la francophonie ! L’apparent climat d’apaisement s’est heurté aux procédures judiciaires et, si personne ne s’attendait à une décision du tribunal des imprimés dans la journée même de samedi, certains espéraient un jugement dans le courant de la semaine par égard aux valeurs francophones affichées de respect...