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Actualités - ANALYSE

ANALYSE - Une autre voie pour fonder la coexistence Identités culturelles: réussites individuelles et perturbations collectives

Par son contenu et ses approches, le colloque international organisé par l’Université Saint-Joseph sur le thème «Coexistence des langues et des cultures dans l’espace euro-méditerranéen: entre utopie et réalités» (L’Orient-Le Jour, 28 et 30 sept. 2002) offre des perspectives de recherche et d’action sur les identités culturelles, leur résurgence, les conflits identitaires et l’édification d’une culture positive de coexistence à l’ère de la mondialisation et des guerres civiles ou internes. Dans ce laboratoire à la fois riche et des fois douloureux qu’est le Liban, on connaît bien des recherches et des débats sur les identités, sans doute innocemment développés par des intellectuels, mais exploités et manipulés par les politiques pour des enjeux internes ou régionaux. Ce type de recherche et de débat sur les identités et, plus généralement, sur le «confessionnalisme» – terme d’ailleurs fort équivoque – a même atteint la saturation. Il nous faut désormais pour le Liban, et dans une perspective comparative, une autre voie qui, justement, ressort de l’ensemble des travaux du colloque. Outre la problématique exposée par Sélim Abou, recteur de l’Université Saint-Joseph, en termes de dynamique d’interaction culturelle, productive d’une synthèse et d’une «recréation», et le témoignage du ministre des Déplacés, Marwan Hamadé, sur une libanité vécue, synthèse pluricommunautaire, puisque en chaque Libanais, il y a culturellement un maronite, un grec-orthodoxe, un grec-catholique, un chiite, un sunnite, un druze…, c’est Carlos Ghosn, gestionnaire d’envergure internationale, qui apporte une contribution opérationnelle pour les recherches et actions d’avenir sur l’un des problèmes les plus épineux à l’ère du «choc des civilisations». Il ressort en effet de son exposé et témoignage que les échanges identitaires sont agents de performance économique, de motivation, de compétitivité et, en somme, de réussite, à condition cependant que les particularités soient véritablement reconnues, acceptées et, mieux encore, respectées, en situation de partenariat, comme ce fut le cas entre deux sociétés de l’industrie automobile, française et japonaise. Il ne s’agit donc pas que les différences soient simplement tolérées, récupérées ou exploitées dans une perspective manifeste ou occulte de domination. L’intelligence plurielle des Libanais À la place de la honte des intellectuels libanais concernant la structure multicommunautaire ou de la tendance libanaise à l’autodénigrement, Carlos Ghosn apporte un souffle de confiance, confiance dans l’intelligence plurielle du Libanais. L’intelligence libanaise n’est pas le fruit d’une quelconque supériorité génétique, mais du contexte libanais lui-même qui force en permanence à trouver, non pas des «solutions» (et il y a les solutions finales, synonymes d’extermination), mais des synthèses, accommodements, compromis, règlements, arrangements, pactes, ententes... C’est au contact de la complexité, des différences, des clivages et des conflits, qu’on se trouve obligé de frotter sa cervelle. Opération pénible, souvent douloureuse, mais stimulante et féconde. La vocation de l’université et de l’école du 3e millénaire est de cultiver cette intelligence plurielle, faite d’ouverture, d’acceptation des différences, de «dialogue» constant et de synthèse, dans un monde globalisé et qui, en même temps, connaît une résurgence des phénomènes nationalistes, communautaires et identitaires. Le multiculturel des affaires «Traduire» un slogan publicitaire anglais dans un «langage» arabe, indien, chinois, japonais, vietnamien, africain, allemand…, ce n’est pas une opération linguistique, mais une plongée dans la profondeur du patrimoine culturel, et même populaire et anthropologique, d’un peuple. Si Joseph Assaf le réussit merveilleusement, c’est en grande partie parce qu’il est «libanais», profondément acculturé et inculturé dans la riche complexité du Liban. Carlos Ghosn le montre par son sauvetage quasi-miraculeux d’une grande industrie automobile multinationale. Joseph Assaf le montre dans la gestion de la plus grosse société publicitaire d’Australie. J’ai vu dans ses bureaux ses jeunes concepteurs, tous australiens, originaires de plus de dix nationalités différentes, jongler avec des concepts, des mots, des proverbes, des écritures, des images… dans une multiplicité harmonieuse et une unité de projet fulgurante. Pourquoi donc les Libanais, au Liban et hors du Liban, qui réussissent la plus difficile performance des temps présents de synthèse culturelle, ne réussissent pas, ou pas autant, au Liban ? Nombre d’intervenants, Ghassan Salamé, Marwan Hamadé, Joseph Maila, Pierre Gannagé, Ahyaf Sinno, Basile Yared, Fadia Kiwan, Katia Haddad, montrent les failles, les difficultés et la pression des ingérences extérieures. Mais il faut en tirer les conséquences qui devraient induire un autre type de recherche sur les identités culturelles. L’exposé des deux recteurs de l’USJ et de l’AUB, Sélim Abou et John Waterbury, y invite. Mais il faut aussi des actions mieux ciblées pour contrer les perspectives de «People Engineering», inaugurées par Israël et qui se perpétuent aujourd’hui dans la Palestine occupée, et dans la barbarie, sous des apparences civilisées, de puissances hégémoniques. L’apport des chercheurs libanais Le rôle des intellectuels ne consiste pas à broder autour des slogans en vogue sur le marché de la compétition politicienne, mais surtout à dénoncer ce que les idéologies nous cachent. Rechercher, recenser, analyser, étudier et diffuser les cas libanais positifs de réussite conviviale, là où ils existent, n’est pas de l’optimisme, ni de l’illusion, mais une contribution scientifique, pertinente et originale à la compréhension de la culture dans son dynamisme créateur, et non dans une perspective statique de biens culturels et d’identités cloisonnées. Quel immense apport les chercheurs libanais pourraient alors fournir au monde sur la gestion du pluralisme, à une époque justement où les systèmes politiques s’orientent de plus en plus vers des aménagements moins concurrentiels et plus consensuels. De telles investigations innovantes évitent à la recherche d’être un instrument de mobilisation politique conflictuelle ou de prétexte à des ingérences hégémoniques extérieures pour «civiliser» et «pacifier» des peuples en voie de développement, dont on répand leur représentation en tant que nouveaux barbares des temps présents. Des actions ciblées Quant à l’action, il faut encore davantage la cibler afin que les réussites individuelles libanaises de synthèse culturelle se répercutent sur la vie collective et nationale libanaise. Du moment que les enjeux de pouvoir brisent les traditions et les constructions conviviales les mieux enracinées et élaborées, il faut agir sur la culture politique et la pratique citoyenne au niveau de la société civile (Joseph Maila), de la politique des villes et des quartiers, (Christian Philip, Nouhad Nawfal), des rues…, le plus souvent au niveau micro, et plus généralement des sous-systèmes sociaux, malgré toutes les entreprises actuelles de laminage de ces structures. La communauté, c’est la structure de base, fondatrice de la société plus large. Il s’agit de le reconnaître, si on veut aller plus loin, sans nier, ni dénigrer. C’est Pierre Catala, professeur émérite de droit, qui l’affirme. On pourrait peut-être espérer que le «dialogue national», représenté dans une caricature d’Armand Homsi sous la forme de personnes se mirant chacun dans «son» miroir (an-Nahar, 29/9/2002), ne serait plus aussi facilement pollué par une gouvernance débridée. Promouvoir la culture conviviale, c’est promouvoir aussi l’indépendance et la souveraineté. C’est aussi ôter le masque d’une gouvernance débridée et des pressions extérieures qui se perpétuent sous prétexte que le Liban est «confessionnel» ou qu’il faut un gendarme pour empêcher son communautarisme de virer à la guerre civile. L’entreprise d’une culture conviviale, véritablement respectueuse des différences et promotrice d’une synthèse nationale, a déjà été entreprise dans les années 1996 – 2000, au Centre de recherche et de développement pédagogique, sous l’égide du professeur Mounir Abou Asli, surtout pour les programmes d’éducation civique et d’histoire. Mais l’opération a besoin de suivi, conformément à son esprit, de créativité et surtout de leadership. Un intellectualisme en chambre, qui se mue de façon automatique en idéologie, sur les identités, le «confessionnalisme», le «choc des civilisations»… a-t-il vécu, du moins au Liban, ce «laboratoire» dont parle Katia Haddad? Se pencher désormais sur les réalités de la coexistence interactive, à travers des cas et des pratiques, là où ils existent, c’est aller plus en profondeur et plus loin dans la recherche comparative et l’action. C’est surtout être utile. Nombre de ces réalités étaient des rêves que la dynamique culturelle vivante, exposée par Sélim Abou, a rendu possibles. Conférence au Rotary de Byblos M. Antoine Messarra a donné au Rotary Club de Byblos une conférence ayant pour thème « Les générations montantes et l’inconnu ». M. Messara a évoqué sur ce plan les différents défis auxquels est confrontée la jeunesse d’aujourd’hui dans différents domaines. Abordant le cas du Liban, M. Messarra a mis l’accent sur la nécessité de renforcer la démocratie et de développer les potentialités des institutions religieuses et des associations de la société civile. Antoine MESSARRA
Par son contenu et ses approches, le colloque international organisé par l’Université Saint-Joseph sur le thème «Coexistence des langues et des cultures dans l’espace euro-méditerranéen: entre utopie et réalités» (L’Orient-Le Jour, 28 et 30 sept. 2002) offre des perspectives de recherche et d’action sur les identités culturelles, leur résurgence, les conflits identitaires et...