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Actualités - OPINION

La traque, la matraque et le patraque

Un sommet francophone, aujourd’hui, à Beyrouth. Cette décision, quelle dérision ! On organise une battue à courre. On y invite madame Francophonie. Et le gibier, c’est quoi, c’est qui ? Ses propres petits. Les malheureux francophones d’ici. Qui ont le tort de s’accrocher à leur rocher de culture mixte mais différente. Occidentalisée, et plus particulièrement francisée. De père en fils, de mère en fille, ils sont élevés depuis des siècles chez les bons pères, les chers frères ou les bonnes sœurs formés par les missions. À cette école, ils apprennent le b.a.-ba avant l’aleph bêêê. Et boivent ainsi une certaine idée du Liban, qu’ils finissent par incarner, dans les moindres expressions ou gestes de leur vie courante. Une idée du Liban fondée certes sur une symbiose de cultures, mais à terreau occidental forcément prédominant. Car c’est là que leur propre religion est reine, c’est de là que leur vient le fond de l’enseignement reçu. Un peu, beaucoup, pour ce particularisme irisé, ils se trouvent maintenant traqués. En fait, il y a longtemps que la chasse est ouverte. Comme dit Arthur Miller, la chasse aux sorcières de Salem. Et à propos, Nadim Salem, vous vous en rappelez ? Ce représentant authentique d’un paradis perdu a voulu défendre sa région, les malheureux discriminés, agressés, appauvris qui y vivent. Il a été proprement sacqué. On n’a pas hésité, à cette fin, à rattacher électoralement Jezzine à Nabatyeh (!), que tout sépare, l’espace, l’histoire, les coutumes et la pensée. Au chapitre actuel, le tigre de papier se fait Puma pour mieux croquer sa proie, affaiblie par d’incessants matraquages genre 7 août 2001 ou fermeture de la MTV. La pression se fait si forte qu’elle commence à ressembler à une subtile opération de transfert, d’exodage sans le nom, pour qu’il ne reste ici que des brebis aussi égarées que dociles. Il n’y a qu’à voir, d’abord, au haut de la pyramide. On se pose désormais ouvertement la question à l’Est : Amine Gemayel va-t-il être forcé de s’exiler de nouveau ? Dory Chamoun va-t-il pouvoir rester ? Nayla Moawad, Nassib Lahoud, Boutros Harb, Samir Frangié et les autres, qu’est-ce qu’on leur réserve, qu’est-ce qu’on va leur trouver ? Qu’est-ce qu’ils vont pouvoir faire, plus tard ? Et à la longue, Bkerké ne risque-t-il pas de devenir à son tour une cible que l’on ne respecterait plus ? Quant aux jeunes, on les voit en foule, en files, quémander des visas pour un ailleurs, un avenir, meilleurs. Bientôt nous allons pouvoir chanter, comme à l’école francophone qui nous a tant appris : ah les crocos, ah les crocos, ah les crocodiles, sur les bords du Nil ils sont partis. N’en parlons plus. J.I.
Un sommet francophone, aujourd’hui, à Beyrouth. Cette décision, quelle dérision ! On organise une battue à courre. On y invite madame Francophonie. Et le gibier, c’est quoi, c’est qui ? Ses propres petits. Les malheureux francophones d’ici. Qui ont le tort de s’accrocher à leur rocher de culture mixte mais différente. Occidentalisée, et plus particulièrement...