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Actualités - REPORTAGE

Libertés - La FDHDH a mis sa tribune à la disposition des employés et des avocats de la MTV Waël Kheir stigmatise la répression de la liberté d’opinion et d’expression(photo)

Témoigner des violations au niveau des libertés publiques et des droits de l’homme, permettre aux victimes de ces abus de s’exprimer et montrer que la société civile libanaise existe et réagit : tels sont les trois objectifs pour lesquels la Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire (FDHDH) milite depuis plusieurs années. La Fondation a tenu hier une conférence de presse à l’immeuble Starco pour stigmatiser les violations en série des principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et des dispositions des pactes internationaux relatifs aux droits civil et politique et aux droits économiques et sociaux signés par le Liban. Ces violations sont survenues ces dernières semaines au Liban, particulièrement dans le cadre de la fermeture de la MTV. En présence de diplomates de l’Union européenne et de l’ambassade de France, la FDHDH a également invité les avocats et les employés de la chaîne de télévision interdite à utiliser sa tribune pour témoigner de la brutalité à laquelle ils ont eu affaire à maintes reprises, notamment durant le congrès des libertés et les manifestations au centre-ville, il y a deux semaines. Prenant la parole, le porte-parole de la FDHDH, M. Waël Kheir, s’est dit « préoccupé quant à l’avenir des droits et des libertés au Liban ». « Nous nous inquiétons des accusations infondées qui sont lancées à l’encontre de personnalités politiques et syndicales en raison du fait qu’elles ont des opinions différentes des pôles du pouvoir. Nous sommes d’autant plus inquiets que ces accusations se sont accompagnées de tentatives d’agression physique et de menaces d’utilisation des revolvers par des ministres et des députés », a affirmé M. Kheir, en allusion au meeting avorté sur les libertés au siège de l’Ordre de la presse. M. Kheir a également mentionné « la campagne contre la religion juive initiée par au moins deux députés qui s’en sont pris à une position théologique de groupes chrétiens aux États-Unis et dans le monde », en allusion aux attaques lancées par les députés Bassem Yammout et Nasser Kandil contre ce qu’ils ont appelé les courants « judéo-sionisto-christiano-protestants ». « Que cette position théologique soit bonne ou mauvaise, il n’appartient ni au Parlement libanais ni à aucun pouvoir politique ou judiciaire de demander des comptes à ces groupes, conformément à l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme relatif à la liberté d’opinion », a-t-il estimé. « Nous sommes également inquiets des campagnes médiatiques lancées contre certaines personnalités politiques, sous prétexte qu’elles ont donné lecture des mémoires de David Ben Gourion et Shimon Peres, et du fait que ces campagnes ont été reprises par les tribunes des mosquées à Tripoli, Beyrouth et autres régions. Nous condamnons cette répression intellectuelle à laquelle il faut mettre fin. Si la société civile ne fait pas face à ces campagnes, le Liban sombrera dans un obscurantisme intellectuel indigne des sociétés du XXIe siècle », a poursuivi M. Kheir, concernant l’affaire Nayla Moawad. Il a également dénoncé la décision de fermer la MTV, sans que celle-ci n’ait eu le droit de se défendre devant la justice, et la « répression injustifiable des manifestants pacifistes par les moyens les plus brutaux ». M. Kheir a ensuite fait quelques observations concernant la justice : « La DUDH a donné une importance capitale à la justice, à laquelle elle a consacré quatre articles (8 à 11). Mais la justice n’est pas infaillible. Le premier à en avoir douté était le législateur, qui a établi les lois relatives au fonctionnement des tribunaux. Le système des tribunaux à plusieurs degrés n’a-t-il pas été mis en place pour parer à d’éventuelles erreurs, qu’une cour supérieure à une autre viendrait corriger ? Si le droit de porter plainte contre un juge existe, cela ne signifie-t-il pas qu’il y a des risques que les magistrats sortent du principe de la neutralité ? Dans le système judiciaire, il y a des signes qui montrent qu’après tout les juges sont des hommes et qu’ils peuvent avoir les mêmes faiblesses que tout être humain, comme l’avidité et la corruption. C’est pour cela que l’on a créé l’Inspection judiciaire et les différentes cours de discipline. Empêcher toute critique de la justice n’aide pas à son amélioration, porte atteinte à la démocratie du système et nous renforce dans notre conviction selon laquelle la justice est devenue un instrument de répression. » Il a enfin donné des exemples de la tradition au Liban au niveau de l’intégrité de la justice, une tradition dont le Liban « devrait être fier » : « En 1926, avant la Constitution, le Liban était directement sous tutelle militaire française. Le dernier des gouverneurs militaires, Cayla, irrité par une critique le concernant dans le journal al-Maarad, avait porté plainte contre le journal devant les tribunaux civils. La plainte a été rejetée et il a dû payer les frais du procès. « En 1949, un tribunal a condamné Antoun Saadé à mort. Le président Béchara el-Khoury voulait appliquer rapidement la sentence. Il a donc envoyé un émissaire avec le dossier durant la nuit aux membres du Conseil d’amnistie, formé de trois juges. Les magistrats Georges Sioufi et Émile Tyan ont stigmatisé un tel comportement et ont refusé d’accepter le dossier. « En 1954, le président Youssef Gebran a pris une décision en faveur du prêtre Tanios Menhem, fondée sur le droit de l’accusé à la liberté d’opinion et d’expression. « Enfin, et malgré les pressions psychologiques et autres qu’il a subies, le juge d’instruction Abdel-Basset Ghandour a refusé de poursuivre son enquête sur la tentative du Parti syrien national social de faire un coup d’État en 1962. Il a protesté contre les pratiques injustes et les violations dont les accusés avaient été victimes. » Témoignages poignants M. Kheir a ensuite laissé la parole aux avocats et aux employés de la MTV. L’avocat Georges Nakhlé a relevé toute une série d’irrégularités au niveau des principes et de la procédure judiciaire dans l’affaire de la MTV : la décision a été prise par une instance qui a interrompu ses vacances judiciaires pour examiner le dossier ; la chaîne n’a pas eu droit à l’autodéfense ; le tribunal des imprimés s’est saisi du dossier suite à des injonctions administratives, sans qu’aucune plainte ne soit déposée, et l’article 68 a été appliqué hors des délais convenus dans l’article lui-même. Enfin et surtout, il y a eu confusion entre la publicité électorale, interdite par l’article 68, et l’information électorale. Dans le sens où les clips diffusés par la MTV appelaient uniquement les spectateurs à remplir leur devoir électoral, sans prendre partie en faveur de l’un ou de l’autre des candidats. Il en est de même pour l’émission « Sajjel Maou’af », qui a invité tous les candidats à la partielle à s’exprimer à l’antenne, parmi lesquels Ghassan Moukheiber. Invitée, Mme Myrna Murr Aboucharaf avait décliné l’invitation. Il a enfin soulevé les répercussions sociales et économiques de la décision, qui a mis 453 personnes à la rue, et a stigmatisé l’emploi de la force contre les manifestants. « Plusieurs personnes ont été admises à l’hôpital, parmi lesquelles André Ferzli, Assaad Rizk, Michel Hajj, Tony Orian, Naïm Asmar. Wafa’ Sassi, Aurore el-Rouss et beaucoup d’autres ont été molestées », a-t-il ajouté. Deux des employés de la MTV ont eu les tympans crevés par les jets d’eau et MM. Jihad Gabriel Murr et Ziad Noujeim ont été tabassés. Il a enfin appelé à la formation d’« un conseil national pour la défense des libertés pour tous ceux qui croient à un Liban souverain, libre et indépendant et qui croient en les droits de l’homme et les libertés publiques ». Le réalisateur Michel Achi a ensuite pris la parole. Celui qui présentait l’émission « Rahet Aalek », remake de la caméra cachée, ne cache pas son désespoir. Morne, il raconte comment il a été tabassé par 25 soldats des FSI le jour de la fermeture de la MTV parce qu’il a refusé de quitter les bureaux, à Achrafieh. Il a mentionné que les FSI n’avaient pas les documents les autorisant à fermer les bureaux lorsqu’ils sont arrivés. « Cela fait onze ans que je suis à la MTV. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé à la rue. J’avais loué ma maison et acheté ma voiture à crédit. Maintenant, je n’ai plus de travail », dit-il. La présentatrice Aurore el-Rouss raconte comment elle a été frappée à trois reprises par les forces de l’ordre. Devant la MTV, à Achrafieh, durant les manifestations au centre-ville, et par les gardes du corps d’un des ministres présents au meeting pour les libertés. Hyam Abou Chédid, présentatrice de l’émission « Jadal », a enfin dénoncé « l’utilisation de la justice comme instrument de vengeance », affirmant que certains employés, désormais au chômage, n’avaient pu inscrire tous leurs enfants à l’école cette année. « Ils ont dû choisir », a-t-elle conclu, dégoûtée. Michel HAJJI GEORGIOU
Témoigner des violations au niveau des libertés publiques et des droits de l’homme, permettre aux victimes de ces abus de s’exprimer et montrer que la société civile libanaise existe et réagit : tels sont les trois objectifs pour lesquels la Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire (FDHDH) milite depuis plusieurs années. La Fondation a tenu hier une...