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Actualités - OPINION

Torero(s) de salon

Nabih Berry. Jusqu’à quand le n°2 de l’État compte-t-il oublier qu’il est le chef du Législatif ? Et non pas un (petit) chef de clan à la recherche éperdue d’une popularité, d’un leadership – sans cesse menacés – au sein de sa communauté ? Et non pas le troisième homme d’un Exécutif déjà bien encombré (et bien encombrant) par un duopole en constantes, publiques et épuisantes scènes de ménage ? Comment rappeler tout cela à Nabih Berry ? Lui qui, depuis des mois, ne prononce pas un mot (quand il se souvient de le faire) sans en calculer les moindres nuances, les moindres retombées, en amont comme en aval. Lui qui a acquis depuis des mois un sacré capital personnel en jouant les go-between entre Émile Lahoud et Rafic Hariri. Lui qui a su, en très fin renard, placer ses billes à tous les bons endroits, et rester confortablement équidistant des loyalistes et des opposants. Jusqu’à vendredi soir dernier à Majdelyoun, resplendissant entre Andrée Lahoud d’un côté et sa femme de l’autre, il écoutait Bahia Hariri lui rendre un hommage presque larmoyant d’émotion. À travers la commémoration des dix ans (il fallait oser le faire en ce sale temps pour un Législatif digne de ce nom) de la Chambre posttaëfienne. Ainsi, comment rappeler à Nabih Berry, qui s’est déchaîné ce vendredi-là, sans la nommer, contre Kornet Chehwane, que : – vouloir « se forger une certaine influence au détriment de l’État et de la réputation du Liban » est chose tout à fait légitime lorsque l’on représente une très grosse partie de la population, lorsque l’État brille, avec la régularité d’un métronome, par sa bêtise et son aveuglement, et lorsque la réputation du Liban, via Euronews, CNN et autres, est déjà, par les œuvres de ce même État, largement déplorable ; – il est impossible et tout à fait illogique de vouloir « paralyser l’État ». L’État est hémiplégique, l’État souffre de sa troïka, ses doïkas, ses monoïkas, puisqu’il y a, entre cent autres : administrations surpeuplées et inutiles, corruptions en tout genre, délits d’initiés, incitations aux dissensions confessionnelles ou accusations kafkaïennes de traîtrises (les députés haririens ou les cheikhs traitant, dans moult mosquées, Nayla Moawad de « vieille sorcière qui ressemble à Golda Meïr » n’en sont que les moindres exemples) ; – il est tout aussi impossible et illogique de « mettre en doute la popularité de l’État ». Il suffit d’aller interroger la rue islamo-chrétienne (en lui promettant évidemment que cela ne sera ni répété ni publié) pour s’assurer définitivement que cet État en question n’en a aucune. De popularité ; – tenter « d’enflammer la population » n’a rien de répréhensible. Cela peut même s’avérer, dans certains cas, d’utilité publique. Lorsque, par exemple, l’Exécutif est rongé de l’intérieur, le Législatif anéanti, le judiciaire manipulé, et le quatrième « pouvoir » – i.e. la presse, pour les très nombreux Libanais qui l’ont oublié – muselé, menotté, prohibé. Encore faut-il, cependant, que cette population, que l’on souhaite belle au bois dormant mais pas morte, ait l’envie (ou la force) de se réveiller un jour ; – tenter enfin, en continuant de citer le président de la Chambre, de « présenter le système comme étant fragile, en insinuant que le pays n’est pas libre, que le Parlement est paralysé, que la justice n’est pas indépendante, que l’application des lois est arbitraire, qu’un terrorisme officiel est pratiqué, que la société est réprimée et qu’un contrôle syrien empêche l’État de se libérer », c’est, lorsque l’on s’emploie contre vents et marées à faire de la politique au Liban, un devoir. Plus qu’un droit. Le système en place n’est même plus « fragile » : il a perdu toute immunité. Non, le pays n’est pas libre. Oui, un « contrôle » syrien empêche le Liban de se réaliser. Le Liban ploie, il étouffe, sous la tutelle et les ingérences syriennes. Oui, le Parlement est « paralysé ». Et ça ne date pas d’aujourd’hui. En août 2001, il a été putschisé, en votant, quelques jours après son adoption, l’amendement du nouveau code pénal qui avait semblé remettre le Liban sur la voie de la démocratie. Paralysé, surtout, depuis la fermeture de la MTV : en convoquant la Chambre pour amender l’article 68 de la loi électorale (comme l’a proposé un député membre de Kornet Chehwane, Salah Honein), Nabih Berry aurait mis tous ces députés qui se sont précipités à l’Ordre de la presse pour clamer – glapir, même, pour des Nasser Kandil – leur adhésion aux principes de liberté, devant leurs responsabilités. Et la MTV aurait rouvert dans les trois jours. Oui, l’application des lois est « arbitraire ». Pourquoi Télé-Liban n’a-t-elle pas été fermée lorsqu’en pleine campagne des législatives 2000, elle déversait son lot d’injures contre un des candidats à l’époque, Rafic Hariri ? Enfin, et surtout : oui, un « terrrorisme officiel » est pratiqué. Les jets d’eau et les coups de crosse contre des manifestants pacifistes, et, avant toute chose, cette célérité, incroyable, à accuser tous ceux qui réclament un indispensable rééquilibrage des relations libano-syriennes de collaborationnisme pro-israélien, en sont les preuves patentes. Si tant est qu’on ait encore besoin de preuves. On peut reprocher, on doit reprocher (proportionnellement aux attentes, aux espoirs, que ce rassemblement autorise pour un grand nombre de Libanais) à Kornet Chehwane aujourd’hui, beaucoup de choses. Sa mollesse, sa désunion, sa très bancale crédibilité, son inefficacité – mais pas de faire son devoir. Sauf que multiplier ces reproches au moment où l’opposition est presque entièrement saucissonnée, encerclée, assiégée, par le pouvoir relève de la non-assistance à personne en danger. Les piliers de Kornet Chehwane sont, notamment, ses (dix) parlementaires. Et Nabih Berry se doit d’être, avant le chef d’Amal ou le troisième de la troïka, le président de la Chambre. De tous les députés. Au lieu, aussi, de vouloir prouver qu’au jeu de la surenchère prosyrienne, il n’est surpassé en rien par l’un ou l’autre des dirigeants de l’État. Une démocratie parlementaire (ainsi se définit, constitutionnellement, le Liban), avec une démocratie qui a été ravalée au rang de concept préhistorique, et avec un Parlement qui joue tous les rôles sauf celui que les Libanais qui l’ont fait attendent de lui, cette « démocratie parlementaire » devient un ectoplasme. Une notion vidée de tout signifiant. Autant alors simplifier les choses, cesser de leurrer le monde et appeler les choses par leur nom. Ziyad MAKHOUL
Nabih Berry. Jusqu’à quand le n°2 de l’État compte-t-il oublier qu’il est le chef du Législatif ? Et non pas un (petit) chef de clan à la recherche éperdue d’une popularité, d’un leadership – sans cesse menacés – au sein de sa communauté ? Et non pas le troisième homme d’un Exécutif déjà bien encombré (et bien encombrant) par un duopole en constantes,...