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Actualités - CHRONOLOGIE

Commémoration - Sabra et Chatila, la marche du souvenir Deux mille manifestants, dont 200 étrangers, proclament leur soutien au peuple palestinien (photo)

Les habitants de Sabra et Chatila n’ont jamais pu effacer de leur mémoire les terribles souvenirs des massacres commis dans leurs camps, il y a vingt ans. Le monde n’a pas oublié non plus. Hier, ils étaient plus de 200 étrangers à prendre part à la longue marche de solidarité organisée par les associations libanaises et palestiniennes. Des Français, des Italiens, des Belges, des Norvégiens, des Turcs et même des Japonais étaient au rendez-vous pour « ne pas oublier ce qui fut une véritable infamie contre l’humanité ». En tout, près de deux mille Palestiniens et Libanais ont marché côte à côte sur un kilomètre avant d’arriver à la fosse commune située à l’entrée des camps. Pour les organisateurs, il s’agit probablement de la manifestation la plus importante qui ait jamais été organisée, tant du point de vue de la participation occidentale que locale. « C’est la première fois depuis le massacre que la commémoration regroupe autant de gens et il s’agit également de la plus forte participation étrangère », affirme Abou Moujahid, un notable palestinien de Chatila qui a survécu au massacre. Placée sous le signe de la mémoire, cette manifestation était d’autant plus symbolique que pour la majorité des Palestiniens, les massacres d’il y a vingt ans ne font que se perpétuer « toujours aux mains du même criminel (Ariel Sharon) ». Chaque réfugié était venu hier avec son lot de cauchemars et de souvenirs douloureux pour dire au monde qu’il continuait de refuser l’impunité aux Israéliens. « Ce qui se passe aujourd’hui dans les territoires palestiniens n’est que le prolongement de l’épisode de Sabra et Chatila », affirme Bahijat, 60 ans. Intissar a aujourd’hui 30 ans. Elle en avait dix en cette journée de folie meurtrière, où son grand-père avait péri « d’une mort atroce » avec plusieurs membres de sa famille. Si elle a réussi à échapper à la mort, elle reste hantée jusqu’à ce jour par les scènes d’horreur dont elle a été le témoin. Le 15 septembre 1982, l’armée israélienne investit Beyrouth-Ouest « pour neutraliser les 2 000 terroristes » qui y seraient embusqués. Pendant les trois jours qui suivent, dans un black-out total, des miliciens pro-israéliens, aidés par l’armée israélienne, entrent dans les camps et se livrent à d’odieux massacres. Le lendemain, des images insoutenables de corps amputés, éventrés bouleversent l’opinion mondiale. Les massacres font entre 800 et 2 000 morts civils, selon les estimations, dont une centaine de Libanais. « Ces horreurs ont culminé avec l’enterrement de personnes qui étaient encore vivantes et le massacre d’enfants en bas âge qui n’ont même pas été épargnés », relève Nehmat, qui espère qu’un jour les responsables du massacre, à la tête desquels se trouve Ariel Sharon, soient condamnés. Intissar ne croit plus en la justice internationale, « qui est désormais sous l’emprise des États-Unis, l’allié principal de Sharon ». C’est cette même alliance à laquelle faisait allusion un des calicots brandis par des jeunes manifestants accusant «Sharon et Bush, deux criminels », d’être à l’origine du malheur du peuple palestinien. Une autre banderole, signée par le Croissant-Rouge palestinien, exigeait le jugement du Premier ministre israélien, qui a échappé de justesse aux mains de la justice belge. En effet, le 26 juin dernier, la Chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles a mis fin aux poursuites engagées contre Ariel Sharon, en déclarant irrecevable la plainte déposée contre lui par 23 parents et rescapés de massacres. Cela n’a pas découragé pour autant les réfugiés palestiniens, qui ont voulu démontrer en force, hier, leur volonté de « renaître et de poursuivre la lutte malgré toutes les pressions qui sont exercées sur nous», comme l’affirme un responsable palestinien. Preuve en est, dit-il, la présence de toutes les factions palestiniennes à cet événement, plus que jamais unies par cet épisode douloureux. Les partis libanais de gauche et le Hezbollah ont également pris part à la « marche du souvenir ». Les enfants de Beit al-Soumoud, une ONG palestinienne, ont ouvert la marche, suivis des joueurs de cornemuse et du cortège de responsables politiques. Arborant la keffiyeh palestinienne, les activistes européens se sont noyés dans la foule, retenue par les services de sécurité, déployés en force, et les gardes du corps des chefs palestiniens. « C’est la seconde année consécutive que je participe à cette manifestation », affirme le représentant d’une ONG danoise, qui œuvre au nom de la solidarité avec les peuples en difficulté. « Bien que symbolique, notre présence pourra, je l’espère, constituer un moyen de pression sur l’opinion internationale », dit-il. Pour un activiste espagnol, Nacho Escartin, le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, « est responsable sans aucun doute du massacre d’innocents palestiniens ». « Je suis venu exprimer ma solidarité avec le peuple palestinien, qui, de Sabra et Chatila à Jénine, à Naplouse, à Gaza, est massacré par le même homme, Sharon », dit-il. Le militant « anticapitaliste » italien Andrea Fions est convaincu « à cent pour cent » que Sharon doit payer pour son « crime ». « S’il a échappé pour le moment au tribunal de Bruxelles, il n’échappera pas au verdict du peuple, à celui de l’opinion publique. Notre présence ici est une première condamnation », dit-il. Plusieurs députés italiens, notamment des représentants des partis de gauche et des partis écologistes, ont rejoint le groupe des manifestants. La députée européenne de nationalité française, Roseline Vachetta, est venue avec une délégation de cinq autres parlementaires et un membre du Sénat, Danièle Bidart, exprimer sa solidarité. « Sharon ne doit pas se sentir bénéficier d’une impunité, même s’il est difficile aujourd’hui de pouvoir le condamner par un tribunal, car il jouit de l’appui total du président américain » George W. Bush, dit-elle. La délégation turque était représentée par le Front de libération du peuple révolutionnaire, qui a pris part à l’événement pour « exprimer notre solidarité avec le peuple palestinien, mais aussi pour rappeler que nous luttons contre le même ennemi, l’État turc étant mains et pieds liés à Israël, et l’allié stratégique des États-Unis », affirme le représentant de cette formation politique. « Sharon, assassin du peuple palestinien », scandaient une soixantaine de manifestants espagnols. La manifestation, qui a pris pour point du départ la municipalité de Ghobeyri, s’est terminée par une cérémonie officielle à l’emplacement du cimetière des Martyrs. Jeanine JALKH
Les habitants de Sabra et Chatila n’ont jamais pu effacer de leur mémoire les terribles souvenirs des massacres commis dans leurs camps, il y a vingt ans. Le monde n’a pas oublié non plus. Hier, ils étaient plus de 200 étrangers à prendre part à la longue marche de solidarité organisée par les associations libanaises et palestiniennes. Des Français, des Italiens, des...