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Actualités - OPINION

La guerre du liquide, et des liquides, menace la région

Du dollar en liquide plein les caisses des riches, tandis que des peuplades entières crient famine. Du pétrole à profusion, mais une eau plutôt rare. Le Moyen-Orient, c’est bien connu, est un baril. De poudre. À cause de ces deux liquides. Le monde a soif de l’un. Et de l’autre, les gens de la région, les bêtes, la terre. Deux causes de conflits qui peuvent provoquer la guerre. Peut-être, d’ailleurs, d’un seul et même élan. En un même point précis, cet Irak où l’on trouve à la fois de l’or noir et ce grand fleuve que se disputent tant de pays, l’Euphrate. À une échelle moindre, mais plus angoissante à terme pour nous, c’est le bas de la carte proche-orientale qui commence à souffrir cruellement d’un manque d’eau. La Syrie, la Jordanie, les Territoires, le Liban, l’État hébreu sont régulièrement sujets à des sécheresses. Pour deux malheureux millions de mètres cubes par an, un pour cent du débit normal de ce modeste cours d’eau qu’est le Wazzani, Israël menace le Liban de ses foudres. Et parle officiellement de casus belli ! Selon une source diplomatique, Tel-Aviv exploite ainsi le fait que les USA se focalisent actuellement sur l’Irak, pour assouvir ses visées chroniques concernant les eaux. Tant du côté du Jourdain, dont le Wazzani est un affluent, ou du lac de Tibériade, que du côté de notre pays. Qui se suffit à peine de ses ressources hydrauliques. L’affaire du Wazzani remonte à près de quarante ans. En 1964, en septembre, huit mois à peine après le sommet du Caire, les Arabes avaient de nouveau été convoqués d’urgence à Alexandrie. Pour être saisis d’un projet israélien de détournement, des affluents arabes du Jourdain (Hasbani, Wazzani, Banias, Yarmouk). Nasser avait fait un exposé sur la question, qui concernait directement la Syrie, le Liban et la Jordanie. En proposant des travaux pour qu’ils tirent profit de leurs eaux respectives. À ce titre, un barrage et une station de pompage devaient être érigés sur le Wazzani, dans son lit libanais. À l’époque, le Amid Raymond Eddé, rencontrant le président Hélou, avait mis en garde contre une réaction israélienne d’agression qui aurait paru couverte par la légalité internationale. En effet, le Wazzani prend sa source dans la vallée du Hasbani à deux kilomètres seulement de la frontière libano-israélienne. Ses eaux se déversent dans ce qui fut la Palestine avant 1948 et sont considérées comme internationales, avec des droits acquis pour les pays riverains. Le détournement de telles eaux est interdit, sauf accord et dans des quotas déterminés. Il y aurait donc eu possibilité de guerre, une confrontation au-dessus des forces de ce pays. Le Amid avait donc prié Hélou d’indiquer à Nasser que l’on pouvait toujours exploiter le Hasbani mais qu’il fallait oublier le Wazzani. Mais l’on n’avait pas tenu compte de cet avis lors du sommet arabe d’Alexandrie. Il avait donc été décidé que le Liban entamerait des travaux sur le Wazzani et serait épaulé par les forces syriennes. Revenant à la charge, le Amid avait suggéré de demander une force d’interposition, et de protection, de l’Onu car le pays ne pourrait faire face à une éventuelle agression israélienne d’envergure et les armées arabes ne semblaient pas en mesure d’assurer sa défense. Hélou avait répondu que l’Onu n’accepterait pas la demande libanaise. Et lui-même n’a pas voulu que l’on se rabatte sur le Hasbani, en s’accrochant au Wazzani. L’opération de dérivation a donc commencé l’année suivante, sous protection de l’armée syrienne. Dans un mot à la Chambre, Raymond Eddé avait de nouveau mis en garde contre une possible frappe israélienne visant les installations. Répétant qu’il fallait solliciter une force d’interposition onusienne. Ajoutant qu’en cas de refus, cela signifierait que la légalité internationale se tenait aux côtés de l’État hébreu dans cette affaire. Les prévisions du Amid se sont avérées justes : dès le début du détournement, l’aviation israélienne a lancé un raid qui a détruit les installations. Le leader du Bloc national n’a jamais cessé de répéter que le principal problème du Liban, face à Israël, c’était la question des eaux. Il disait que son père, Émile Eddé, affirmait que, pour les sionistes, le contrôle des eaux libanaises était presque aussi important que la création d’un État à eux. Le président racontait à son fils que Haïm Weizman, alors directeur de l’Agence juive, lui avouait dès 1919 qu’il convoitait pour son peuple les affluents du Jourdain et du Litani. Le Amid a donc, tout le long de sa carrière, considéré les eaux du Sud comme capitales. Et il y a souvent accompagné des ambassadeurs étrangers, dont celui des États-Unis, pour leur montrer ce qu’il en était sur le terrain. Le diplomate cité enchaîne en indiquant que le Liban doit poursuivre sa campagne pour obtenir un soutien arabe et international actif, au sujet du Wazzani. Car il faut craindre que l’arbitrage américain ou onusien ne le défavorise, du moment qu’il est le plus faible. D’autant qu’Israël, durant l’occupation, a fait main basse sur des eaux qui ne lui reviennent pas. Enfin, selon nombre d’observateurs, les USA ne permettront pas l’ouverture d’un front au Sud à un moment où ils s’apprêtent à attaquer l’Irak. Ces sources pensent qu’en définitive Israël acceptera que le Liban se serve, à condition que cela soi sous surveillance, pour donner à boire à des villages, dans une petite proportion. Émile KHOURY
Du dollar en liquide plein les caisses des riches, tandis que des peuplades entières crient famine. Du pétrole à profusion, mais une eau plutôt rare. Le Moyen-Orient, c’est bien connu, est un baril. De poudre. À cause de ces deux liquides. Le monde a soif de l’un. Et de l’autre, les gens de la région, les bêtes, la terre. Deux causes de conflits qui peuvent provoquer la...