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Actualités - OPINION

Que de progrès accomplis à reculons depuis 1943 !

Un vieux loup de mer, ancien ministre en lice depuis l’indépendance, s’inquiète : à son sens, la situation est aujourd’hui plus critique qu’en 1943. À l’époque, Georges Naccache relevait dans un éditorial resté dans l’histoire que « deux négations ne font pas une nation ». Une mise en garde sérieuse contre la césure profonde entre partisans de l’indépendance immédiate et de l’indépendance différée. Mais le clivage et le climat étaient alors bien moins confessionnels qu’aujourd’hui. Donc bien moins explosifs sur le plan intérieur, estime cette personnalité. Qui déplore ensuite la propension perpétuelle des Libanais à s’entre-déchirer, comme si rien n’avait changé en 60 ans. Ainsi, enchaîne le vétéran, on voit se reproduire, au sujet et autour de la bataille des libertés, le même schéma classique. C’est-à-dire que chacun aborde le combat sous l’angle de ses intérêts ou de ses objectifs propres. Dans un contexte global marqué, malheureusement, par la persistance de ces deux négations (sinon plus) qui ne font ni une nation ni un État. Et qui ne servent pas non plus les idéaux de liberté ou de démocratie, dont tout le monde se fait le chantre. En les interprétant à sa manière, sans souci d’objectivité. Comme on le constate pour les notions capitales de souveraineté, d’indépendance et de décision autonome. Sur tout point, il suffit qu’une partie dise oui pour que l’autre dise non, même si elle a tort et le sait. À la grande satisfaction des tiers qui divisent pour régner. En attisant au besoin les feux des rancunes par le dangereux combustible du confessionnalisme. On voit de la sorte qu’au lieu de se coaguler pour défendre un même principe, les fractions locales se disputent (librement ?) sur la liberté. Et se retrouvent finalement toutes perdantes, sans doute sans même s’en rendre compte. Car les dieux, comme disait Homère, rendent inconscients ceux qu’ils veulent détruire. Pour ce sage, le péril est en la demeure. Sinon au niveau de la paix civile, du moins à celui de l’émancipation. Car lorsque les Libanais ne parviennent pas à accorder leurs violons sur des critères basiques vitaux comme les libertés, ils sont promis à ne s’entendre sur rien d’autre. Et resteront dès lors à jamais voués à la tutelle étrangère, puisqu’ils sont incapables de s’autogouverner, de garder un même cap ensemble. Lorsque loyalistes et opposants s’affrontent au point de menacer l’unité du pays, poursuit le mentor, il est du devoir des autorités de calmer le jeu. Surtout lorsque de si lourds nuages s’amoncellent dans le ciel régional, notamment à travers les menaces américaines contre l’Irak. Et que la récession bat son plein à l’intérieur. Seul le pouvoir est en mesure de réfréner les débordements des uns et des autres. Pour veiller à ce que le temple ne finisse pas, sous l’effet des vibrations, par s’écrouler sur la tête de tous. Or, souligne amèrement cet ancien ministre, le gouvernement reste ostensiblement les bras croisés, à preuve que le Conseil des ministres a commencé par refuser de débattre des graves développements survenus ces derniers jours. La Chambre de son côté ne sort ni de sa léthargie ni de ses vacances. La personnalité citée estime cependant que c’est principalement la présidence de la République, gardienne constitutionnelle de la cohésion nationale, qui devrait intervenir d’urgence. En médiatrice ou, au besoin, en arbitre. Le chef de l’État est, en termes de nation politique, le capitaine du navire, dont il doit prévenir le naufrage quand le risque s’en présente, comme c’est le cas actuellement. Il doit être soutenu dans ses efforts par une troisième force qui s’interpose politiquement entre les deux camps opposés, pour faciliter leur rapprochement. Ou pour dégonfler, si possible, le bazar des surenchères aussi faciles qu’explosives. D’autre part, les corporations concernées auraient dû s’efforcer de ne pas laisser l’affaire de la MTV se politiser, selon cet ancien ministre. Mais sur ce point précis, on peut objecter que cela n’était pas possible, du moment que les raisons mêmes de la fermeture, à savoir la campagne électorale du Metn, sont d’ordre politique et même politicien. Ce qui a empoisonné le climat. Toujours est-il qu’à son avis, il faut maintenant laisser le dossier tout entier aux mains de la justice. Et si cela ne réussit pas, alors on verrait que faire. En tentant de garder à l’esprit qu’il ne faut pas laisser autrui jouer sur des contradictions internes pour garder la haute main sur le pays. Et qu’il faut toujours s’efforcer de promouvoir la coexistence et non la discorde. Émile KHOURY
Un vieux loup de mer, ancien ministre en lice depuis l’indépendance, s’inquiète : à son sens, la situation est aujourd’hui plus critique qu’en 1943. À l’époque, Georges Naccache relevait dans un éditorial resté dans l’histoire que « deux négations ne font pas une nation ». Une mise en garde sérieuse contre la césure profonde entre partisans de l’indépendance...