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Actualités - OPINION

Un royaume pour un cheval

À deux ans et demi de la fin du mandat Lahoud, l’échiquier politique local commence déjà à tressaillir. Rien de bien notable, juste quelques petites secousses, par ci ou par là. Mais tout de même : des petits politicards qui se regardent et s’écoutent gigoter, de l’air brassé vainement, de la poudre balancée aux yeux des citoyens, des litres d’essence dépensés sans compter sur la Beyrouth-Damas, des mouches du coche par dizaines. L’inutilité façonnée par eux en art de vivre. Et le tout pour s’occuper de la première magistrature de la République, en 2005. Il est évident que chaque maronite plus ou moins encore enfoui dans les jupes de la sœur syrienne est un candidat potentiel. À commencer par l’actuel locataire de Baabda, « l’homme idéal pour Damas », dit le plus sage des (rarissimes) sages libanais. Mais de là à commencer les spéculations, les corridas de salons, les paris, les placements... En quelques jours, un 11 septembre, la face du monde a changé : comment font ces mouches du coche pour oublier qu’il reste encore plus de deux ans, et que les données régionales et internationales ne désigneront le successeur d’Émile Lahoud que quelques semaines avant la date du scrutin ? En face, rien de très important, semble-t-il, pour eux : des Libanais par millions perclus de dettes, des jeunes par milliers qui continuent d’aller faire la queue devant les ambassades, un Liban tout entier qui perd jour après jour sa spécificité, et toute une planète – à l’ostentatoire exception d’un Jacques Chirac, visiblement pas près d’oublier, lui, les amitiés de 20 ou 30 ans – qui se moque presque publiquement de nos trente milliards. À commencer par le très écouté secrétaire US au Trésor, Paul O’Neill. Qui a dit, en parlant de l’Amérique latine – mais en sommes-nous si loin ? –, qu’il en avait marre de donner des millions de dollars qui iront grossir des comptes suisses déjà bien dodus. Et Washington qui continue d’accuser le Hezbollah sur tous les toits de « financer le terrorisme avec l’argent de la drogue ». Et pendant ce temps, pendant que Fouad Siniora s’évertue à faire passer l’insensée pilule du budget 2003 – pilule qui aurait été tellement plus digeste si le gouvernement avait commencé par nettoyer les écuries d’Augias de l’administration –, le président de la République fait des bains de foule metniotes qui ressemblent à s’y méprendre à de bien oubliables carnavals électoraux. Louable initiative que de vouloir être à équidistance de tous les Libanais en se rapprochant d’une grande partie des chrétiens. Louable, mais tardive, et maladroite. Cela sans parler de cette occasion ratée, de la belle surprise qu’aurait été celle de voir Émile Lahoud en président de tous les Libanais, au-dessus de tout, de tous, serrer, au Metn, les mains de Nassib Lahoud, Amine Gemayel, Pierre Gemayel, Gabriel Murr, sans se contenter de celles, par trop familières, de Michel Murr, d’Antoine Haddad, de Myrna Murr Aboucharaf ou d’Émile É. Lahoud. Pendant ce temps, Nabih Berry, tout auréolé de sa gloire d’intermédiaire en chef entre les nos 1 et 3 de l’État, recommence, avec le budget nouvelle cuvée, à renier encore une fois son rôle de chef du Législatif au profit d’une participation plus qu’active dans l’Exécutif. Redevenant ainsi, à défaut d’homme d’État, le leader souvent menacé d’une communauté de plus en plus écartelée entre conservatisme et modernisme. Rafic Hariri, enfin. Personne n’oublie les coups que, volontiers, d’aucuns lui tirent, plus ou moins publiquement, dans les pattes. Ni l’herculéenne mission qui est aujourd’hui la sienne de sortir le Liban des tréfonds d’un endettement que l’on doit à... Rafic Hariri. Pyromane hier, pompier aujourd’hui. Sauf que personne n’oublie les insensées attaques confessionnelles dont ont été la cible les membres de Kornet Chehwane il y a quelques semaines, ni ce message clairement adressé à Damas : « Moi, j’ai mes chrétiens. » Rafic Hariri gagnerait beaucoup à modérer sérieusement un ultrasunnisme dont tout le Liban se passerait volontiers. Pendant ce temps, face aux 42 hommes du Rassemblement parlementaire de concertation que rien n’a pu réunir à la malheureuse exception de leur appartenance communautaire, et que rien ne semble occuper à part l’horizon bleu azur de 2005, il y a Kornet Chehwane. Gauches, malhabiles, pataudes, que ces Assises de KC. Mais comment ne pas voir que parmi tous ces hommes et ces femmes englués à leur fauteuil, leur portefeuille, les membres de KC persistent tout de même à appeler à un véritable dialogue. Emboîtant le pas à Omar Karamé, certes depuis par trop frileux, mais qui avait appelé, dès novembre 2000, le chef de l’État à parrainer cet indispensable dialogue-là en organisant un congrès national. Kornet Chehwane continue de jouir d’une très grande popularité au sein des Libanais, toutes confessions confondues. En serait-il autant si ses membres étaient un jour au pouvoir ? Ses membres, ainsi que leurs camarades musulmans animés des mêmes principes, vendraient-ils aussi vite leur peuple, leur pays, pour leur fauteuil ? C’est à essayer. En compagnie, de préférence, de celui qui restera leur partenaire naturel : Walid Joumblatt. Lorsqu’il aura compris que le Liban en général, et la communauté druze en particulier, ont besoin de lui cuvée septembre 2000-juin 2002. C’est-à-dire en incontournable leader national. Ziyad MAKHOUL
À deux ans et demi de la fin du mandat Lahoud, l’échiquier politique local commence déjà à tressaillir. Rien de bien notable, juste quelques petites secousses, par ci ou par là. Mais tout de même : des petits politicards qui se regardent et s’écoutent gigoter, de l’air brassé vainement, de la poudre balancée aux yeux des citoyens, des litres d’essence dépensés sans compter sur...