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Actualités - CHRONOLOGIE

Vie politique - Cent minutes à Baabda entre le chef de l’État et le principal pôle d’opposition de l’Est politique : première étape réussie Lahoud à Kornet Chehwane : Le temps du dialogue est arrivé, et le Liban en a un besoin pressant(PHOTO)

Hier, de 11h35 à 13h15, le chef de l’État, Émile Lahoud, s’est entretenu avec une délégation très élargie de Kornet Chehwane (KC). C’est la deuxième (et très attendue) rencontre en deux ans entre l’incarnation du pouvoir, garant de la Constitution, et le principal pôle d’opposition de l’Est politique. Force est d’abord de constater que ce ne sont pas que ces 355 jours qui séparent l’une et l’autre de ces audiences. L’an dernier, en août 2001, on ne parlait que de ces inadmissibles atteintes aux libertés, aux droits de l’homme, à la dignité, on demandait vainement que soient poursuivis et arrêtés les auteurs des ratonnades – de celle du Palais de justice notamment. C’étaient, à l’époque, les rafles du 7 août. C’était aussi la réconciliation de la Montagne, le travail en tandem de KC et de Walid Joumblatt. En gros : c’étaient deux façons de voir et de concevoir la politique, qui, forcément, ne pouvaient pas se retrouver. Cette fois, tout cela est bien différent. Cette fois, il y a les attaques taurines du Premier ministre et de son clan contre KC, à force coups d’accusations d’incitation aux dissensions confessionnelles. Il y a le revirement et les flèches de Walid Joumblatt. Il y a le Rassemblement parlementaire (chrétien) en gestation. Il y a, enfin, cette règle (non écrite évidemment) qui veut qu’en fin de mandat, un président de la République libanaise se rapproche plus ou moins ostensiblement du camp chrétien. Même – surtout – l’angle de vision a changé. L’an dernier, les membres de KC s’en étaient allés à Baabda pour dialoguer directement avec le n° 1 de l’État. Cela n’avait rien donné pendant douze longs mois. Cette fois, ils ont rectifié le tir. Ils s’en sont allés lui rappeler, lui confirmer, que le sommet de la pyramide, c’était lui, qu’ils remettaient tout entre ses mains, que c’était à lui de créer un mécanisme. Pour que le lien entre les factions opposées se fasse à travers lui. Et que sans lui en parrain, il n’y aurait pas de dialogue. Ils n’ont pas été débattre des problèmes et dossiers de l’heure (même si cela a été fait), il n’ont pris ni mémorandum ni feuille de travail (même s’ils ont réitéré leurs positions), ils ont juste demandé au chef de l’État de parrainer le dialogue et de mettre sur pied, pour celui-ci, un véritable mécanisme. Et le président Lahoud a dit oui. D’ailleurs, c’était hier le même son de cloche. Tant du côté du palais que de celui de KC. Que c’était très positif, particulièrement ouvert, et serein. En gros : l’espoir est permis. Reste à voir les autres pions de l’échiquier politique libanais. Parce qu’il y a tout de même une question. Et qui se pose tout naturellement. Est-ce que cette rencontre est un nouveau pétard mouillé, une rencontre de pure forme qui n’aboutira, comme celle d’il y a un an, à rien du tout ? Ou est-ce que c’est la première pierre, solide, d’un new-deal – made in Baabda – dont le maître mot sera, enfin, le dialogue national et sa concrétisation ? Seul le moyen, voire le long terme, pourront y apporter d’éventuelles réponses. Le compte rendu Une source proche de KC a détaillé pour L’Orient-Le Jour une espèce de procès-verbal des cent minutes qu’ont passées ensemble le président Lahoud d’une part, Mgr Youssef Béchara, les députés Nayla Moawad, Salah Honein, Farès Souhaid, Boutros Harb, Mansour Ghanem el-Bone, Antoine Ghanem et Pierre Gemayel, ainsi que Dory Chamoun, Samir Frangié, Camille Ziadé, Nadim Salem, Jean Aziz, Antoine Klimos, Gebrane Tuéni, Simon Karam, Farid el-Khazen et Samir Abdel-Malak, de l’autre. Cent minutes passées en présence du directeur général de la présidence de la République, Élie Assaf, du conseiller aux affaires politiques extérieures, Georges Dib, du conseiller personnel du chef de l’État, Damien Khattar, ainsi que de l’attaché de presse du palais, Rafic Chalala. Voici le compte rendu de la source proche du Rassemblement. « C’est Mgr Béchara qui a parlé en premier, assuré une sorte d’introduction, au cours de laquelle il a remercié le chef de l’État, lui a rappelé que l’an dernier, il n’y avait pas eu de suivi, et que cette fois, nous (les membres de KC) sommes venus rectifier le tir. Boutros Harb a ensuite pris la parole pour un petit tour d’horizon au cours duquel il a expliqué pourquoi KC est présent en ce jour à Baabda, comment le Rassemblement est visé alors que tout le monde reconnaît que ses buts sont nationaux, pourquoi KC insiste sur la nécessité du dialogue national, pourquoi KC a peur. Peur en ce qui concerne les relations libano-syriennes, qui doivent être définies ensemble, peur en ce qui concerne la souveraineté du pays... Samir Frangié a ensuite pris la parole pour s’étonner du fait qu’au moment où se multiplient les tensions et les pressions sur la scène régionale – lesquelles pressions demandent un maximum de cohésion interne – on voit se décupler les attaques contre KC. Des attaques, a précisé Samir Frangié, qui ont commencé il y a trois mois, bien avant le congrès de Los Angeles et le meeting d’Antélias. Une véritable guerre menée contre KC alors que nous redoublions d’efforts pour un éventuel rapprochement et un travail en commun. « Nayla Moawad a ensuite évoqué les attaques dont est victime le Rassemblement, mettant en exergue le côté confessionnel des coups de boutoir répétés du clan Hariri. Elle s’est également arrêtée sur le dossier de l’éducation nationale – sur le déséquilibre et la monochromie communautaire en ce qui concerne les nominations des fonctionnaires. Antoine Klimos a abondé dans ce sens. Gebrane Tuéni a évoqué l’information et les médias, rappelant au président qu’il avait promis qu’aucune chaîne de télévision, aucun journal, ne seraient menacés de fermeture. Il a parlé également de réconciliation et de la nécessité de clore tous les dossiers, dans une allusion tant à Michel Aoun qu’à Samir Geagea. « La réponse du président a été longue et calme. Il y avait beaucoup de compréhension mutuelle. Il nous a dit qu’il est tout aussi attaché que nous à ces dossiers que l’on a évoqués. Qu’il souhaite en même temps la souveraineté du Liban et les excellentes relations avec la Syrie. Parce que, historiquement, c’est la seule route du Liban en direction du monde arabe. Tout en réitérant plusieurs fois cet attachement à la souveraineté. Pour nous prouver son attachement à la souveraineté, il nous a raconté beaucoup d’anecdotes qui le concernaient. Comme cette fois où, fraîchement nommé commandant en chef de l’armée, il avait relevé de ses fonctions un officier qui n’avait pas exécuté un ordre qui lui a été donné. Des Syriens avaient demandé à le voir, il pensait que c’était pour intervenir en faveur de cet officier. Il ne les a même pas laissés placer un mot, et leur a dit tout de go que ce n’est même pas la peine d’essayer d’en parler, que c’était un sujet clos. Il nous a également assuré qu’il n’a jamais parlé à personne, que ce soit du temps où il était commandant en chef de l’armée comme depuis qu’il occupe la première magistrature de la République. « Le président est tout de suite entré dans le cœur du sujet : le temps du dialogue est arrivé, et nous avons un besoin urgent de ce dialogue-là. Voilà ce qu’il nous a dit. Ajoutant qu’il allait recevoir toutes les parties, qu’il allait recueillir les avis de tous en ce qui concerne la mise sur pied d’un mécanisme pour ce dialogue national. Il a demandé à Boutros Harb de revenir le voir, au nom de KC, pour parler de ce mécanisme. Il n’a pas évoqué les attaques contre nous de front, mais c’était sous-entendu que pour lui, toutes ces campagnes ne mènent à rien. Il a beaucoup insisté sur la solidarité. Et le fait qu’il nous ait reçus que pour la première fois il ait reçu un représentant des Forces libanaises, tout cela est un signe. Que c’est nous qu’il reconnaît et qu’il ne cautionne pas ces attaques. « Dans tous les cas, sa façon de nous recevoir, de nous parler, de s’attarder sur les sujets, les thèmes, qui nous sont chers (une loi électorale qui garantirait une participation maximale, les administrations publiques, la participation au pouvoir), sa façon d’accepter immédiatement d’instaurer le dialogue et d’en créer les instruments... Tout cela prouve que nous sommes réellement entrés dans le cœur du sujet. Sauf qu’il ne faut pas que l’on oublie que nous sommes une partie d’un tout, le mécanisme doit être général. Il recevra par exemple le Rassemblement parlementaire de consultations, sans doute Amal, le Hezbollah, le courant du Futur, le PSP... » Attendre les résultats Quoi qu’il en soit, et selon des sources proches de Baabda cette fois, le chef de l’État a déclaré aux membres de KC, réunis autour de l’ex-table du Conseil des ministres, que « les Libanais sont unis autour des constantes nationales intérieures et régionales, en tête desquelles figurent l’unité du Liban et sa stabilité politique, économique et sécuritaire ». Soulignant que « l’économie libérale, la relation privilégiée avec la Syrie et le fait de considérer Israël comme étant l’ennemi du Liban ont renforcé » cette unité, cette stabilité, « ainsi que notre capacité à libérer nos terres », il a clairement indiqué que « dans la mesure où les constantes intérieures et régionales sont des valeurs communes à tous les Libanais, alors, tous les autres sujets peuvent être débattus ou amendés, et en particulier la loi électorale ». Il s’est longuement arrêté sur le dialogue, précisant que « les rencontres avec les forces politiques seront ouvertes et perpétuelles, afin de définir un mécanisme de dialogue national calme, sérieux et objectif ». Pour marteler devant KC presque au grand complet (manquaient Nassib Lahoud et Carlos Eddé, en voyage, ainsi que Amine Gemayel et Gabriel Murr, qui se sont excusés pour des raisons protocolaires) que « l’important, c’est que le pays perdure, et non pas que l’on débatte de telle attaque ou telle contre-attaque, non pas ce que l’on entend comme propositions de prorogation. La priorité, c’est de préserver les fondements du Liban », a-t-il répété. Quant à KC, il a publié hier un communiqué dans lequel sont exposées les grandes lignes de l’entretien avec le chef de l’État. Selon le texte, la discussion a porté sur la situation au Liban et dans la région. « La délégation a mis l’accent sur les risques découlant de l’exacerbation de la crise nationale, notamment sur le plan socioéconomique, ainsi que sur les dangers qui menacent la stabilité de la région », indique le communiqué. « Face à ces dangers, KC a précisé quels étaient les moyens auxquels il fallait avoir recours pour consolider l’unité interne. Cette unité nécessite un dialogue sérieux et profond entre les Libanais, autour des dossiers conflictuels exposées dans le document constitutif de KC », poursuit le communiqué, soulignant que « seul le dialogue escompté permettra de faire face aux échéances internes et régionales ». En revanche, a estimé KC, « les campagnes de diffamation lancées par certains visent à répartir les Libanais en groupes d’adversaires, ce qui affaiblit l’immunité nationale et expose le pays à des risques certains ». Et le Rassemblement de l’opposition d’inviter le chef de l’État à « parrainer le dialogue entre les Libanais afin qu’ils puissent surmonter les crises qui deviennent de plus en plus graves, et consolider leur unité ». Confirmant que le président a accepté de placer ce dialogue sous son égide. Il n’empêche, voilà un contrat de rempli. Reste maintenant à voir s’il sera mené jusqu’au bout. Si le président de la République, en réunissant toutes les parties politiques du Liban autour d’une seule et même table, en provoquant le débat d’idées, en faisant s’échanger les positions et les propositons, en arrivant à faire s’élever une plate-forme commune dont il serait le gardien, deviendra le tuteur de l’État. Le temps presse. Ziyad MAKHOUL
Hier, de 11h35 à 13h15, le chef de l’État, Émile Lahoud, s’est entretenu avec une délégation très élargie de Kornet Chehwane (KC). C’est la deuxième (et très attendue) rencontre en deux ans entre l’incarnation du pouvoir, garant de la Constitution, et le principal pôle d’opposition de l’Est politique. Force est d’abord de constater que ce ne sont pas que ces 355...