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Actualités - REPORTAGE

Patrimoine - Les pierres des anciennes demeures mises en vente Batloun el-Tahta, un ancien village du Chouf, menacé de disparition(photos)

Batloun el-Tahta, un ancien village du Chouf qui regroupe près de 25 demeures traditionnelles et qui regorge de lieux historiques, est entièrement menacé de disparition. Et pour cause, les unes après les autres, les pierres de ses maisons sont vendues. Le seul tort de ce village est d’avoir un riche passé architectural. Ses pierres de taille à l’ancienne, ses voûtes, les rebords de ses fenêtres gardent les traces d’un lointain passé empreint d’authenticité et de souvenirs. Le village de Batloun el-Tahta a été construit il y a environ 800 ans par les premières tribus arabes qui s’y sont installées, à proximité du lit du fleuve du Barouk. Selon certaines sources historiques basées sur les innombrables vestiges archéologiques environnants, la vallée qui abrite ce village avait, à l’époque, acquis une grande importance. Elle représentait un important point de passage vers les villages voisins, ainsi que vers la région de la Békaa-Ouest. Par ailleurs, Batloun el-Tahta accueillait les paysans qui y venaient moudre leurs grains. Paysans dont la seule source de revenus était l’agriculture. Quant au célèbre pont de pierre qui relie les deux rives du fleuve, il demeure un des témoins essentiels de l’histoire de Batloun el-Tahta, au même titre que le moulin, les tombes islamiques, ainsi que les stèles de pierre sur lesquelles ont été gravés des versets du Coran. Non loin de la vallée, les vestiges d’une station commerciale témoignent de l’existence d’un village, bien plus ancien que Batloun el-Tahta, bâti il y a plusieurs centaines d’années de cela. Le compte à rebours avait déjà commencé pour Batloun el-Tahta, lorsque le tremblement de terre de 1956 avait détruit une grande partie du village et déplacé ses habitants. Ces derniers se sont en fait installés non loin de là, dans une localité qu’ils ont baptisée Batloun el-Haditha. Connue aujourd’hui sous le nom de Batloun, elle est considérée comme un des grands villages du Chouf, grâce notamment à son important souk commercial, le second après Békaata. Malgré cette remarquable évolution, une partie des habitants éprouve de la nostalgie envers leur ancien village. Certains ont même retapé leurs maisons alors que d’autres ont tout juste effectué quelques travaux d’étanchéité pour protéger ce qui restait de leurs demeures. Sauver les vestiges et la mémoire du village Walid Amin Hassan est un des habitants de Batloun el-Tahta qui œuvre activement à la conservation de son passé. Il raconte que son village s’étend sur près de 50 000 mètres carrés et regroupe des maisons si proches les unes des autres qu’elles se touchent parfois, alors qu’un étroit passage permet de se déplacer entre elles. Si les limites de certaines sont encore nettement dessinées, malgré leurs murs détruits, d’autres conservent leurs voûtes, leurs étables, leurs caves, leurs entrées et leurs fenêtres. Cependant, quatre ou cinq maisons ont totalement disparu, leurs pierres ayant été vendues. Et Walid Amin Hassan d’ajouter que ce village et ses vestiges représentent un héritage culturel et social d’une grande richesse, permettant de connaître les us et coutumes de ses anciens habitants. « Lorsque le cheikh évoque les jours passés, nous réalisons que nous avons perdu une grande partie des habitudes d’antan, comme la causette à l’ombre des vignes, les soirées magiques sur la terrasse, les rencontres nocturnes des jeunes sur la place du village, ainsi que les jeux villageois dont le port du mortier n’est qu’un exemple. Quant aux discussions, elles portaient toutes sur l’attachement des paysans à leur terre, sur les saisons, les cultures, les conserves, ainsi que sur les nouvelles racontées à la source. On faisait alors des projets, on partageait les récoltes, on parlait de ses mûriers et de ses vers à soie, on cherchait ensemble un moyen de capturer le loup qui s’attaquait aux troupeaux de chèvres ». Les habitants de Batloun el-Tahta formaient une seule entité. Preuve en est, l’histoire de l’unique tapis du village qui passait régulièrement d’une maison à l’autre lorsqu’un notable de la région venait en visite, afin que celui-ci ne fût pas accueilli dans une demeure vide de tapis. Car il était de rigueur qu’aucun villageois ne sente que ce tapis était sa propriété exclusive. « Ces merveilleux souvenirs, déplore Walid Hassan, n’ont pas empêché certains de vendre les pierres de quelques maisons, d’en détruire la trace et d’en effacer, jusque dans les moindres recoins, l’histoire de nos parents et de nos grands-parents. Certes, ajoute-t-il, chaque propriétaire a le droit de vendre les pierres de sa maison, mais qu’en est-il de celui qui achète ces pierres empreintes d’histoire et de souvenirs pour construire, dans un lieu totalement étranger à cet héritage culturel, un mur ou un pièce “à l’ancienne” » ? Réagissant à tout cela et dans le but de sauver les vestiges et la mémoire de Batloun el-Tahta, Walid Hassan a mis en place un comité local, en collaboration avec les propriétaires des maisons de l’ancien village. Il a, de même, fait appel au ministère de la Culture, lui demandant de protéger ce lieu en le déclarant zone archéologique et culturelle, afin de préserver l’identité culturelle traditionnelle de son village, pour la transmettre aux générations futures. « Car la civilisation libanaise, dit-il, est non seulement basée sur ses traditions, mais aussi sur la riche histoire d’un peuple, fort de son attachement à la terre ». Amer ZEINEDDINE
Batloun el-Tahta, un ancien village du Chouf qui regroupe près de 25 demeures traditionnelles et qui regorge de lieux historiques, est entièrement menacé de disparition. Et pour cause, les unes après les autres, les pierres de ses maisons sont vendues. Le seul tort de ce village est d’avoir un riche passé architectural. Ses pierres de taille à l’ancienne, ses voûtes, les...