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Actualités - OPINION

Pour les camps aussi, la Syrie devrait servir d’exemple

Généralement, de vrais jumeaux offrent la particularité de se ressembler. Même, ou surtout, dans leurs attitudes comme dans leur comportement ou leur approche de la vie. Si l’un d’eux souffre d’un problème, l’autre en ressent les effets. Et, souvent, c’est grâce à ses défenses propres, ou à sa bonne santé, que le patient guérit. Quand il ne lui a pas refilé son mal... Par chance, en quelque sorte, la Syrie sœur ne subit pas la présence forcée de réfugiés palestiniens comme une excroissance maladive. Alors que le Liban découvre, avec beaucoup d’inquiétude, vingt-sept ans après 75, le deuxième chapitre d’ennuis (euphémisme poli) qu’exsudent les camps du Sud. Ce qui se passe à Aïn el-Héloué peut se répéter, en plus grave encore, dans ce même site extraterritorial ou dans les autres agglomérations palestiniennes. Laissés à eux-mêmes, les éléments armés du Fateh et consorts risquent de plonger dans une interminable lutte perlée avec les extrémistes d’Isbat al-Ansar. Moins nombreux, certes, mais apparemment plus déterminés. Et plus aguerris : nombre d’entre eux sont ce que l’on appelle des Afghans, formés auprès des talibans ou d’el-Qaëda. À preuve que loin de se montrer impressionnés par l’étau fathiste, ils ne cessent de lancer de sanglantes menaces. En organisant à l’occasion des raids audacieux qui causent d’assez lourdes pertes chez l’adversaire. Pour qui, cependant, il n’est plus question de transiger : il faut nettoyer son territoire des intrus, libanais ou autres, et surtout des éléments subversifs, des « terroristes », dont la tête est mise à prix par l’Amérique. Qu’Arafat n’a pas envie d’asticoter, pour le moment. Le Liban peut difficilement jouer les Ponce Pilate et s’en laver les mains. D’abord, il est concerné au premier chef du fait que la plupart des repris de justice sont de ses ressortissants et se trouvent recherchés par sa justice pour des crimes abominables. Ensuite, parce qu’à la longue, les plaies béantes peuvent provoquer diverses infections, politiques autant que sécuritaires, rapidement contagieuses. C’est ce que laisse entendre Walid Joumblatt. Défenseur constant de la cause palestinienne, promoteur jadis de l’idée de construire en dur pour les réfugiés, mais également contempteur d’Arafat depuis Oslo, le leader progressiste déclare qu’il faut désormais une autorité effective à Aïn el-Héloué. À son avis, une fraction déterminée devrait en prendre le contrôle, afin d’éradiquer les abus et d’instaurer une ère de coordination sécuritaire cohérente avec les autorités libanaises. Afin que le camp se stabilise et cesse d’être un antre de hors-la-loi ou de fugitifs. Une position avancée, avancée justement au moment même où Joumblatt allait rencontrer le général Sleiman. Pour parachever de la sorte son virage sur l’aile et gommer ses anciennes positions antimilitaristes. Pour Joumblatt, comme pour beaucoup d’autres néoloyalistes, la question des camps représente un souci particulier, s’intégrant dans un dossier général articulé autour de la communauté de destin avec la Syrie. Il pense que cette dernière est la cible de pressions US malveillantes, illustrées par le Syria Accountability Act, projet de loi visant à clouer les frères au pilori, comme son nom le montre amplement. Ce texte doit être discuté en septembre au Congrès, vient de confirmer le parlementaire américain Elliott Ingel, membre de la commission des Relations extérieures du Capitole. Or, commentent d’autres politiciens, s’il est évident que les intérêts politiques de la Syrie se trouvent menacés par la détérioration de la situation dans les camps palestiniens du Liban, pourquoi n’adopte-t-on pas la solution syrienne à de tels problèmes ? Et pourquoi Damas ne conseille-t-il pas cette voie même, tout en sachant qu’il peut du reste contribuer efficacement à son pavage ? Ce serait d’autant plus nécessaire, ajoutent ces sources, que les heurts de Aïn el-Héloué peuvent représenter une sorte d’exutoire aux clivages interpalestiniens dans les Territoires. On sait que là, le Hamas et le Jihad islamique refusent l’armistice accepté par le Fateh. Il est vrai qu’au Liban même ces deux groupes sont dans le même camp, c’est le cas de le dire. Et s’opposent tous deux aux salafistes ben ladiniens. Mais ils s’affrontent, on le sait, sur l’exploitation ultérieure d’une éventuelle « victoire ». Pour être, l’un ou l’autre, plus forts ensuite sur le plan palestinien général, Territoires compris, à l’approche des élections l’an prochain. Le chapeau de tout cela, si l’on peut dire, restant, il faut le répéter, que Arafat ne veut pas que les Américains arrivent à le faire sauter. On arrive ainsi à ce vertigineux paradoxe : concrètement, les « terroristes » d’Isbat al-Ansar, bête noire des USA, apportent à Washington un concours plutôt précieux dans sa tentative d’affaiblir Arafat. Loin de ces vapeurs aussi étranges qu’étrangères, mais proche du quotidien local, un opposant s’étonne que l’on ait mis tant d’années à s’apercevoir que les camps d’ici représentent un lourd double problème. D’une part, au sujet de leurs rapports avec le pays, État en tête. Ensuite, en ce qui concerne leur propre gestion interne. Il souligne à ce propos que les responsables palestiniens se réveillent un peu tard. Les batailles de Denniyé remontent à deux ans pleins. Et c’est seulement maintenant qu’ils s’aperçoivent que la subversion fanatique s’est réfugiée chez eux. Pour cette personnalité, le pouvoir local n’est pas en reste d’amnésie. Car, malgré le massacre des quatre juges à Saïda, c’est aussi maintenant seulement, après le sinistre exploit assassin d’Abou Obeida, qu’il s’avise d’exiger les fuyards. Pour répéter ensuite que jamais tout cela ne se produit en Syrie. Et qu’il n’y a aucune raison pour qu’on ne suive pas son judicieux exemple. En mettant les camps sous contrôle de l’État (libanais) de droit. Ne serait-ce que pour y exercer son droit de traque et de poursuite. Qui est reconnu, et légitimé, de manière transfrontalière même entre pays différents. Et de conclure en soulignant qu’il est aberrant d’entendre les responsables soutenir à tout bout de champ, et quoi qu’il arrive, qu’il n’est pas question d’investir les camps. C’est-à-dire pas question pour le Liban d’être maître chez soi. Philippe ABI-AKL
Généralement, de vrais jumeaux offrent la particularité de se ressembler. Même, ou surtout, dans leurs attitudes comme dans leur comportement ou leur approche de la vie. Si l’un d’eux souffre d’un problème, l’autre en ressent les effets. Et, souvent, c’est grâce à ses défenses propres, ou à sa bonne santé, que le patient guérit. Quand il ne lui a pas refilé son...