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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - Comment répondre aux défis économiques planétaires Alfredo Sfeir-Younis : La Banque mondiale est jugée sur base de résultats dont elle n’est pas responsable(PHOTO)

Alfredo Sfeir-Younis, représentant spécial de la Banque mondiale près l’Onu et l’OMC à Genève, a exposé, à l’occasion du Forum mondial de la société civile, sa vision de la Banque mondiale qui peut, selon lui, notamment grâce à sa politique d’ajustements structurels, répondre à quelques-uns des défis planétaires auxquels nous sommes confrontés. Une mondialisation qui doit s’orienter vers des réflexions et des solutions tout aussi globales. Qu’il s’agisse de nouvelles perceptions économiques, de nouvelles valeurs morales, ou encore d’ajustements structurels tant décriés. « Nous avons besoin de réconcilier les expressions matérielles et spirituelles de la vie. L’économie et l’humain », a-t-il souligné dans une interview à «L’Orient-le Jour». Quel est le rôle de la société civile dans le développement économique ? Je pense que la société civile se retrouve dans chaque personne, chaque groupe de personnes organisé qui n’est pas directement rattaché à un gouvernement. Mais, à ce stade, la question n’est pas là. C’est ce que les gens réclament en termes de responsabilités qui ont été ou pas encore été prises dans la société. La question est qu’il y a un changement fondamental dans la façon dont la société veut être organisée. Nous sommes témoins d’un processus qui amène de nouveaux acteurs, de nouvelles idées et de nouveaux modes qui n’étaient pas entendus dans le passé. Si vous prenez, par exemple, la réduction de la pauvreté : il y a cinquante ans, il y avait une théorie qui disait que la croissance économique en finirait avec la pauvreté. Et que les conditions de la croissance devaient être liées à l’infrastructure (routes, écoles...). À la fin des années soixante, on s’est concentré sur les pauvres qui ont pris de l’importance dans le débat. Mais il y avait une illusion due au fait que les gouvernements pensaient savoir ce dont leurs populations avaient besoin. Les années soixante-dix et quatre-vingt ont ouvert une ère de crise du pétrole et des liquidités. Nous avons appliqué une gestion macroéconomique qui était orientée sur le court terme et pas sur le développement. Aujourd’hui, la pauvreté est abordée du point de vue du pauvre. Il y a donc une bonne chance de réussir à éliminer la pauvreté, si nous adoptons une approche globale. La pauvreté n’est pas seulement une question matérielle. Elle comprend aussi la dégradation de l’environnement, les problèmes de santé, etc. Le rôle de la société civile est très important : nous devons nous concentrer sur le rôle qu’elle joue au lieu de nous demander qui en fait partie. Sur quelles valeurs devrait être fondée la société civile ? Nous devons introduire des valeurs humaines dans l’activité économique. Je demande un changement fondamental de valeurs. Une révolution pour changer le cours de l’humanité. Si nous regardons les principes de base des religions, les plates-formes politiques des partis, la Constitution de tel ou tel pays, la Charte des Nations unies, aucun ne dit que nous voulons créer pauvreté ou racisme. Théoriquement, nous nous accordons à dire que nous avons besoin d’un ensemble de valeurs qui augmenteront le bien-être humain. Mais il y a un problème : nos sociétés ne sont pas capables de maintenir ces valeurs globales quand nous parlons de développement. Nous sommes tous d’accord, mais, quand nous regardons les résultats du développement, nous trouvons la pauvreté : il y a une panne dans le système. Il nous faut sortir de notre vision à court terme. Aujourd’hui, la société civile veut participer au changement du processus de décisions. Mais, à la participation, il nous faut ajouter la sagesse qui nous manque parce que les règles de comportement et de gouvernance sont basées sur l’ancien système. La spiritualité permet cela en ce qu’elle est le chemin vers notre propre rencontre. Si nous obtenons de mauvais résultats, nous sommes les seuls à pouvoir être blâmés parce que les décideurs sont le reflet de ceux qui les ont élus. Il est nécessaire de remettre en question les instruments que nous utilisons aujourd’hui, afin de rechercher les résultats que ces instruments ne peuvent atteindre. Nous allons vers une situation sans espoir, qui correspond à une pauvreté aussi bien matérielle que spirituelle, même là où la richesse spirituelle a toujours été forte. Nous avons absolument besoin de réconcilier les expressions matérielles et spirituelles de la vie. Justement, comment réconciliez-vous cette approche humaine avec votre travail à la Banque mondiale ? Je pense que la Banque mondiale est l’institution la plus humaniste au monde. Nous n’avons pas bien projeté cette image. La Banque est humaine dans la mise en œuvre de ses programmes parce qu’elle met les populations à leur centre. Elle leur donne le pouvoir. Pourtant, il y a une confusion : la Banque est jugée sur la base de résultats dont nous ne sommes pas responsables. La Banque ne peut pas simplement créer de nouvelles architectures sociales dans les pays où les résultats ne sont pas satisfaisants. Plus des deux tiers de notre politique de prêts va à l’éducation, à la santé, à la nutrition, à la sécurité alimentaire, etc. La Banque n’est pas une fondation ou une église. Nous jouons un rôle dans le développement et nous utilisons autant des moyens matériels que notre savoir. Nous ne pouvons pas maintenir un ensemble de valeurs humaines sans des expressions matérielles : infrastructure, écoles, politiques, argent, etc. À ce propos, qu’en est-il des critiques à l’encontre des ajustements structurels ? Les gens expriment un mécontentement qui reflète un mécontentement par rapport à notre système ; par rapport à la guerre, à la dégradation de notre environnement, au chômage, etc. Nous avons besoin de partager les responsabilités. Pour évaluer les impacts des ajustements structurels, nous devons regarder non seulement les résultats mais aussi la situation telle qu’elle était avant ces ajustements : les pauvres ne recevaient pas de bénéfices, les pays concernés n’étaient pas dans une bonne situation économique, etc. Ceux qui ne sont pas satisfaits des ajustements structurels proposent un nouvel ensemble de valeurs telles que la justice sociale ou la participation. Mais, si vous vous battez pour ces valeurs, vous avez besoin d’énormes ajustements dans ces sociétés. Propos recueillis par Zahi Haddad
Alfredo Sfeir-Younis, représentant spécial de la Banque mondiale près l’Onu et l’OMC à Genève, a exposé, à l’occasion du Forum mondial de la société civile, sa vision de la Banque mondiale qui peut, selon lui, notamment grâce à sa politique d’ajustements structurels, répondre à quelques-uns des défis planétaires auxquels nous sommes confrontés. Une mondialisation qui doit...