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Actualités - OPINION

La querellite, un mal psychosomatique difficile à traiter

Encore une fois, il était moins une. C’est juste avant le Conseil des ministres décisif que le rabibochage interprésidentiel s’est accompli. Mais si l’accès de fièvre est surmonté, le mal n’est pas encore traité à la racine. Et le pays économique, qu’affaiblissent gravement les disputes entre dirigeants, risque d’en pâtir derechef dans les jours ou les semaines à venir. Hochant la tête avec commisération, un vétéran se souvient qu’en temps de crise, Saëb Salam disait : « Tout foyer divisé s’autodétruit ; et nul architecte ne peut le reconstruire, si le chef de famille ne s’y met pas. » Le temple commun risque aujourd’hui de s’écrouler sur la tête de tous. En emportant en premier les protagonistes locaux, gens du pouvoir, politiciens ou communautés. Le danger vient en partie du fait, fortement dénoncé naguère par le président Hraoui, que le pays a plusieurs têtes et non une seule. Il est difficile, dans ces conditions, d’opérer le redressement. Pour parvenir à ce salut qui, selon le mot récent du président Lahoud, passe par l’édification d’un État de droit et des institutions, via une double réforme administrative et politique. Le même professionnel d’expérience cité note que les chances d’arrangements rétrécissent à chaque épisode de la longue saga des empoignades entre les présidents. À son avis, il est en réalité très difficile de mettre au point une solution de fond. Car l’antagonisme relève de considérations sinon personnelles, du moins psychologiques mentales, qui abolissent toute confiance entre les deux hommes. Même quand ils dialoguent, ajoute cette personnalité, on a la nette impression que chacun d’eux reste sur ses gardes. Et qu’il dissimule un stylet derrière son dos. Il reste à savoir si les dirigeants concernés ont vraiment, cette fois, senti passer le vent du boulet. En effet, enchaîne ce témoin, la Banque centrale ne peut plus jouer longtemps le rôle de défenseur de la livre, en la rachetant sur le marché à coups de gros paquets de devises fortes. Parallèlement, sur le plan politique, il est clair que l’on courait à une crise très grave. Car, si la mission Berry de conciliation avait échoué, le Conseil des ministres aurait été sans doute ajourné sine die. Et ne se serait plus réuni de sitôt, ce qui aurait paralysé l’État. Le danger a été évité de justesse. Mais, répète cette source, rien ne garantit qu’il ne va pas y avoir de nouveaux dérapages, surtout que la voie, comme l’a également souligné le président Lahoud dans son discours du 1er août, reste longue et sinueuse. C’est-à-dire qu’il reste encore deux ans avant la prochaine échéance présidentielle. Et cela, alors que de notoriété publique, le chef du gouvernement est de fait aussi inamovible pendant cette période que le président de la République. Autrement dit, il n’est pas question que le combat cesse faute de combattants, puisque le régime ne peut pas espérer larguer le président du Conseil. Qui, même en cas de changement de gouvernement, se succéderait sans doute à lui-même. Grâce à des soutiens déterminés, à une assise parlementaire solide. Et à un système qui a pour effet de consacrer une pratique du pouvoir par des compromis conclus en dehors du cadre des institutions. Ce que l’on appelle le système de la troïka. Qui annule Taëf, dans la mesure où le pouvoir de décision est dévolu de fait à quelques personnes et non au Conseil des ministres ou à l’Assemblée nationale. Ces deux organismes sont en effet sous contrôle. Ainsi, il n’est pas possible d’obliger le chef du gouvernement à rendre son tablier, du moment qu’il n’existe pas de majorité ministérielle des deux tiers qui lui soit hostile ; ni de majorité parlementaire pour une motion de défiance. Sans compter, bien évidemment, que rien ne peut se faire sans le fameux mot d’ordre des décideurs. Inversement, si l’on peut dire, les rouages ordinaires se trouvent entravés par la règle non écrite du consensus. C’est-à-dire qu’en Conseil des ministres, le président de la République refuse que l’on mette au vote une question litigieuse, quand la majorité n’est pas de son côté. Et, généralement, la Chambre met de côté tout projet contesté, pour éviter les éclats ou les réactions en flèche. Alors, en pratique, plus rien ne passe que les banalités et le pays n’avance pas. Sauf dans la mauvaise direction. Émile KHOURY
Encore une fois, il était moins une. C’est juste avant le Conseil des ministres décisif que le rabibochage interprésidentiel s’est accompli. Mais si l’accès de fièvre est surmonté, le mal n’est pas encore traité à la racine. Et le pays économique, qu’affaiblissent gravement les disputes entre dirigeants, risque d’en pâtir derechef dans les jours ou les semaines à...