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Actualités - CHRONOLOGIE

Criminalité - Aïn el-Héloué, terre d’asile pour les repris de justice Peine de mort requise contre Abou Obeida et ses deux complices

Le camp de réfugiés palestiniens de Aïn el-Héloué, zone de non-droit notoire et État dans l’État, est devenu une véritable terre d’asile pour tous les repris de justice du Liban. Les groupuscules intégristes qui y foisonnent planifient tranquillement leurs attentats sous la protection d’éléments armés palestiniens de tout bord. C’est ce qui ressort de l’acte d’accusation publié hier par le premier juge d’instruction militaire, Riad Talih, dans l’affaire de l’assassinat des trois militaires libanais par Badih Walid Hamadé (23 ans), alias Abou Obeida, avec la complicité de sa fiancée, Souheir Mahmoud Saïd (22 ans), et la mère de cette dernière, Nayfé Nayef Kounouane (52 ans), toutes deux de nationalité palestinienne. Abou Obeida, un intégriste libanais, avait assassiné, en date du 11 juillet 2002, trois agents des services de renseignements militaires libanais, le sergent-chef Ali Hamzé, le caporal-chef Radouane Melhem et le soldat Ali Saleh, au domicile de sa fiancée, à proximité du camp de réfugiés de Aïn el-Héloué. L’acte d’accusation précise que Abou Obeida, qui habitait à Saïda depuis plus de quinze ans, a commencé, en 1998, à assister à des cours et à des conférences d’instruction religieuse données à la mosquée de l’imam Ali par un groupuscule fondamentaliste salafite, al-Istijaba, qui se propose de répandre les principes de l’islam par le dialogue. C’est à la mosquée de l’imam Ali que Abou Obeida devait rencontrer Saadeddine Ays, plus connu sous le pseudonyme de Abou Hamzé. Les deux hommes se sont rapidement liés d’amitié jusqu’au jour où Abou Hamzé a eu maille à partir avec l’armée pour possession de tracts hostiles à l’État et s’est réfugié au camp de Aïn el-Héloué où il a adhéré au groupuscule intégriste de Isbat al-Ansar. Abou Obeida a alors suivi son ami à l’intérieur du camp où il a fait la connaissance de plusieurs repris de justice, notamment Mohammed Mahmoud, alias Abou Tabet, et Ali Abdo, alias Abou Abdel Rahmane, tous deux appartenant aux groupuscules armés impliqués dans les incidents de Dennié. Avec le commandant du groupe de Dennié Il a ensuite fait la connaissance du commandant du groupe armé qui a combattu les militaires libanais dans les jurds de Dennié, un autre repris de justice du nom de Ahmed Sélim Mikati, alias Abou Bakr. Convaincu de l’idéologie de ses nouveaux amis, Abou Obeida a commencé à assister aux cours d’instruction religieuse donnés par Abou Hamzé et Abou Bakr qu’il fréquentait assidûment et chez qui il a fini par habiter, se familiarisant avec les principes du jihad (guerre sainte) et de la foi. Toujours selon l’acte d’accusation, Abou Obeida s’entraînait entre-temps au maniement des armes légères avec Abou Hamzé. Durant ces séances d’entraînement, Abou Hamzé lui énumérait les pressions auxquelles il avait été soumis lors de son arrestation par les services de renseignements libanais qui, selon lui, l’avaient contraint à avouer des actes qu’il n’avait pas commis. Il lui enseignait aussi de ne jamais faire confiance aux agents des services de renseignements qu’il qualifiait de « kouffars » (infidèles). Parallèlement, Abou Hamzé avait convaincu Abou Obeida de quitter al-Istijaba et de ne plus en fréquenter les membres sous le prétexte qu’ils étaient des « poltrons, très éloignés des principes du jihad ». Abou Obeida devait suivre ses conseils et rejoindre les rangs du groupuscule de Dennié que présidait son autre ami, Abou Bakr, qui lui confiait des missions secrètes à l’intérieur et à l’extérieur du camp, ainsi qu’à l’étranger. Entre-temps, Abou Obeida avait acquis, auprès de Abou Hamzé, un pistolet Tokarev de fabrication russe, pour la somme de 275 dollars américains, et le portait sur lui, armé, en permanence. Le 11 juillet, à 20 heures 30, Abou Obeida, toujours armé de son pistolet, se dirige vers le domicile de sa fiancée situé au lieudit Hamchari, à proximité du camp de réfugiés. Accueilli par Souheir et sa mère, Nayfé, il s’installe, avec ces deux dernières, dans une courette intérieure clôturée par un muret de deux mètres de hauteur et ne possédant qu’une seule voie d’accès, une porte en fer à double battant. Attirée par le claquement d’une portière de voiture, Nayfé se rend à une fenêtre donnant sur la rue et revient avertir Abou Obeida qu’un homme se dirige vers la porte d’entrée de l’appartement. Suspectant une descente des services de renseignements, Abou Obeida court se cacher dans la chambre de sa fiancée alors que Nayfé et sa fille tentent de gagner du temps avant d’ouvrir la porte pour laisser entrer deux hommes qui se font reconnaître comme étant des agents des services de renseignements à la recherche du militant intégriste. Les deux femmes commencent par assurer qu’elles sont seules, mais les deux militaires restent sceptiques et entament une perquisition des lieux. Le caporal-chef Radouane Melhem pénètre alors dans la chambre à coucher de Souheir où a lieu une empoignade avec Abou Obeida. Au cours de la lutte, ce dernier dégage le chargeur du pistolet que Melhem tenait à la main, mais ne réussit pas à éviter un coup de crosse qui le blesse à la tête. La lutte continue jusqu’au moment où, ayant réussi à dégager sa main droite de la poigne de son adversaire, Abou Obeida lui tire deux balles à bout portant, le tuant. Il ouvre ensuite le feu contre le sergent-chef Ali Hamzé qui se tenait dans le couloir attenant à la chambre et le blesse à l’épaule avant de doubler d’une balle qui le tue net. Il prend ensuite le fusil d’assaut de Hamzé et s’élance vers la porte quand il est prévenu par Souheir et sa mère qu’un troisième militaire, le soldat Ali Saleh, se trouvait tapi à proximité. Continuant sur sa lancée, Abou Obeida abat le militaire, et tous les trois prennent la fuite. Nayfé se cache à l’hôpital Hamchari avant de rejoindre Souheir au domicile de sa fille aînée, à Myé Myé, où elles sont arrêtés le lendemain par une patrouille de l’armée. À Aïn el-Héloué Dès son arrivée à Aïn el-Héloué, Abou Obeida se dirige vers le domicile de Abou Bakr et, ne le trouvant pas, se rend au domicile de deux Kurdes partisans d’un autre repris de justice, Oussama Chéhabi, où il est accueilli par un criminel notoire, Abou Saïd. À sa demande, les deux Kurdes l’emmènent au domicile de Ali Abdo et Mohammed Mahmoud qu’il informe des événements. Abdo fait alors appel à un habitant du camp pour nettoyer la blessure de Abou Obeida en attendant l’arrivée de Chéhadé Jowhar, membre de Isbat al-Ansar, qui a entrepris de lui poser des points de suture à la tête. Il se repose ensuite, quatre jours durant, sous la garde d’éléments armés du groupe d’Oussama Chéhabi. Le quatrième jour, Abou Hamzé vient l’informer que les hommes du Commandement de la lutte armée palestinienne, le Clap, sont déterminés à attaquer tout endroit où il se trouverait. Abou Obeida se rend alors au domicile d’un ressortissant égyptien, Abou Mohammed Masri, où il est informé que l’organisation palestinienne Fateh cherche à tout prix à se saisir de lui. Taha Chreidi et Abou Charif, deux repris de justice appartenant à Isbat al-Ansar, suivis de Abou Ahmed Blata du groupuscule Abou Khattab et de Abou Hamzé, arrivent ensuite pour avertir Abou Obeida qu’il devait quitter le camp le jour même. Dès leur départ, Abou Obeida prend la fuite pour être aussitôt rejoint par Chéhadé Jowhar et un autre élément armé qui l’emmènent de force dans un appartement où ils l’obligent à raser sa barbe. Dix autres hommes armés se présentent ensuite et l’emmènent en voiture au domicile de Mahmoud Sidami, l’un des responsables du camp, puis, une demi-heure plus tard, au domicile de Abou Tarek Saadi, frère du célèbre Abou Mahjan qui est recherché pour une série de crimes. Là, ils lui bandent les yeux et le conduisent dans un endroit situé à proximité, avant d’être livré à l’armée. L’acte d’accusation requiert la peine de mort contre Abou Obeida, sa fiancée et la mère de cette dernière.
Le camp de réfugiés palestiniens de Aïn el-Héloué, zone de non-droit notoire et État dans l’État, est devenu une véritable terre d’asile pour tous les repris de justice du Liban. Les groupuscules intégristes qui y foisonnent planifient tranquillement leurs attentats sous la protection d’éléments armés palestiniens de tout bord. C’est ce qui ressort de l’acte...