Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

PERSONNES DISPARUES - Délégation libanaise reçue par le ministre syrien de l’Intérieur Une réponse de Damas d’ici à 3 mois(photos)

C’est en désespoir de cause que soixante personnes se sont rendues hier à Damas dans le cadre d’une démarche en faveur de leurs proches qu’elles estiment toujours détenus en Syrie. Après la clôture, sans résultats, la semaine dernière de l’enquête sur le sort des personnes disparues, les parents de ces dernières n’avaient plus rien à perdre. Et, comme une tentative de la dernière chance, ils ont décidé de rencontrer le président syrien Bachar el-Assad. C’est le ministre syrien de l’Intérieur, Ali Hammoud, qui les a reçus et les a écoutés une heure trente minutes durant, leur promettant une réponse sur le sort de leurs détenus d’ici à trois mois. Pourtant, tout avait mal commencé pour cette délégation formée de dizaines de femmes et de trois hommes âgés. Leur bus orné de drapeaux libanais et de pancartes a attendu plus deux heures à la frontière libano-syrienne. « Un appel d’amitié et de fraternité au président Assad, la fin de nos souffrances est entre vos mains », « Nous avons le droit de savoir si nos bien-aimés sont morts ou vivants », « Si vous voulez notre amitié, rendez-nous nos bien-aimés », pouvait-on lire, sur des pancartes collées aux vitres du bus. D’autres montraient des photos floues de disparus assorties de points d’interrogation sous lesquels on pouvait lire : « Jusqu’à quand ? » Une fois reçus par le ministre syrien de l’Intérieur, les parents des détenus n’ont pas perdu courage face au responsable qui affirmait qu’il n’y avait plus personne dans les geôles de Damas. Une à une, chaque femme a parlé de son fils, de son frère, ou encore de son mari, en présentant des preuves que son bien-aimé s’est bien trouvé à un moment dans une prison syrienne. Le ministre, qui les a reçus en présence du responsable des prisons syriennes, Gossob Sarrage, a finalement accepté d’écouter le message que Sonia Eid, présidente du Comité des parents des libanais disparus ou détenus dans les prisons syriennes, voulait adresser à Bachar el-Assad. Une liste présentant le nom de 176 prisonniers a été également remise au ministre syrien. « Le ministre leur a expliqué qu’il était mandaté par le président Bachar el-Assad », a déclaré Wadih Asmar, porte-parole de Soutien aux Libanais détenus et exilés (Solid). Avec Ghazi Aad, représentant de l’association Soutien aux Libanais détenus arbitrairement (Solida), il avait accompagné les familles jusqu’à Masnaa hier matin. En soirée, les deux hommes attendaient la délégation au même poste frontalier. Il semble que personne n’avait espéré de tels résultats. À la question de savoir si l’initiative des parents des détenus n’était pas risquée, M. Asmar a indiqué que « plusieurs associations, dont notamment la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) avait effectué dans ce cadre avant le départ des familles des contacts avec plusieurs chancelleries, dont l’ambassade de France au Liban, et avec le Quai d’Orsay ». Dans le message délivré hier à Damas par Sonia Eid, le Comité des parents affirme que ses membres « n’ont aucune appartenance politique » et qu’aucune motivation ne les pousse à être solidaires et unis « à part notre tragédie humaine qui a trop duré ». Parmi les parents des disparus, se trouvait la mère de Béchara Roumiyé, détenu selon elle en Syrie depuis 25 ans. « Nous venons en mission de paix », a déclaré Mme Roumiyé, tenant entre ses mains un portrait au crayon de son fils, enlevé en 1977 dans la Békaa alors qu’il était âgé de 16 ans. Saydé et Émilie Khawand, les sœurs du responsable Kataëb, Boutros Khawand, enlevé à Sin el-Fil en 1992, ont, elles aussi, effectué le voyage à Damas. Fatmé, elle, tient en main tout le dossier de son frère Ali Moussa Abdallah, arrêté à un barrage syrien en 1981 à Ramlet el-Baïda alors qu’il était âgé de 21 ans. Elle sait qu’il a été ensuite transféré en Syrie. « Vous avez fait un grand pas en avant, soyez optimiste désormais » Habouba, une autre femme à bord du bus, s’est mobilisée, elle aussi, pour son frère Tannous Tayar, enlevé en 1990 alors qu’il était âgé de 24 ans. Karim, septuagénaire, a fait le voyage pour son fils, Élie Wehbé, enlevé en octobre 1990, à Deir el-Qalaa. Alors qu’il raconte son histoire, Alice fond en larmes en s’exclamant, ayant presque pitié du vieil homme, « le pauvre ». Pourtant, elle aussi se trouve dans le même cas. Son fils, enlevé à Aïn Saadé, le 13 octobre 1990, au départ du général Michel Aoun de Baabda, devrait avoir « 37 ans aujourd’hui », dit-elle, ajoutant que son mari « l’a vu une fois en 1991 ». Sonia Eid, la présidente du comité, dont le fils Jihad a été porté disparu dans les mêmes circonstances, a elle aussi vu son fils en 1991. « Lui ne m’a pas vue. Il avait les yeux bandés et les mains et les pieds dans les fers », dit-elle, racontant une histoire qu’elle répète devant la presse depuis la création du comité des parents en 1997. Elle dit aussi qu’un ancien prisonnier a passé deux ans avec son fils de 1994 à 1995. Elle sait également que Jihad, enlevé à l’âge de 20 ans, a séjourné dans les geôles syriennes de Mazzé, de Tadmor et de Saydnaya. Hier en soirée, Sonia, qui est allée avec toute sa famille à Damas, était pleine d’espoir. « Même à Masnaa le matin, je croyais que notre initiative allait tomber à l’eau », dit-elle. Comme tous les autres, elle s’attendait au pire. Pour elle, la visite en Syrie du Comité des parents « est un pas en avant ». « En quittant Damas, un responsable syrien m’a dit “vous avez fait un grand pas, soyez optimistes désormais” », rapporte-t-elle. Et hier, comme tous les parents qui ont fait le voyage jusqu’à Damas, Sonia Eid était optimiste. « Les paroles de Bachar el-Assad au cours de sa visite officielle à Paris en juin 2001 nous ont fait sentir que tous les espoirs sont permis », déclare, pour sa part, Ghazi Aad. Et le porte-parole de Solida de rappeler que « le président syrien avait déclaré qu’il ne restait plus de Libanais emprisonnés en Syrie, mais qu’il était prêt à étudier tout demande présentée par les autorités libanaises ». Hier, à partir de Paris, FIDH a publié un communiqué appelant les autorités syriennes à « libérer immédiatement tous les Libanais détenus arbitrairement en Syrie ». « Les autorités syriennes ont récemment déclaré qu’il ne restait plus de Libanais emprisonnés en Syrie. La FIDH constate cependant que le sort de très nombreux citoyens libanais détenus dans les prisons syriennes demeure inconnu », poursuit-elle. « Des listes nominales – et non exhaustives – de personnes enlevées au Liban puis transférées en Syrie, établies par des organisations locales de défense des droits de l’homme, font état de plus de 250 Libanais ayant été illégalement extradés vers les prisons syriennes », ajoute-t-elle. « La FIDH demande instamment aux autorités syriennes de procéder à une résolution globale de la question des Libanais détenus dans les prisons syriennes, en libérant immédiatement tous les Libanais détenus arbitrairement en Syrie et en les rapatriant, et en rendant les corps des personnes décédées en détention », indique le texte. Cinquante-quatre Libanais détenus en Syrie ont été libérés en décembre 2000. Bien que Beyrouth et Damas aient assuré que le dossier était clos, le nombre des Libanais portés disparus mais qui, selon leurs proches, pourraient être encore en vie en Syrie est évalué à au moins 172 par Solid. Patricia KHODER
C’est en désespoir de cause que soixante personnes se sont rendues hier à Damas dans le cadre d’une démarche en faveur de leurs proches qu’elles estiment toujours détenus en Syrie. Après la clôture, sans résultats, la semaine dernière de l’enquête sur le sort des personnes disparues, les parents de ces dernières n’avaient plus rien à perdre. Et, comme une...