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Actualités - INTERVIEWS

RENCONTRE - Chantal Thomass marraine du défilé d’Esmod-Beyrouth Une discipline de fer dans un univers de dentelles(photos)

Frange à la Louise Brook, longue silhouette et tenue noire de rigueur, qu’égaie uniquement un rouge vif sur les lèvres, Chantal Thomass, la reine des dessous affriolants, a fait un passage éclair par Beyrouth le temps de jeter un regard sur les créations de la première promotion de stylistes d’Esmod. Rencontre avec une styliste qui a quasiment recréé la féminité. Et qui, à ce titre, a été nommée au grade de Chevalier des arts et des lettres, en 1986. Le seul nom de Chantal Thomass évoque des silhouettes de pin-up en dessous troublants, de belles filles en soutiens-gorge à balconnets, festonnés, en dentelles, en résilles, de sculpturales femmes en guêpière, en corset, en bas et porte-jarretelles...Bref, un univers de boudoir, une image exaltée de la féminité. Mais derrière ces créations coquines se cache une dame perfectionniste et rigoureuse qui ne croit qu’aux vertus du travail. À propos des travaux des élèves de deuxième année d’Esmod, qu’elle venait juste de voir, la créatrice affirme que « comme partout ailleurs, on trouve de très bonnes choses et de moins bonnes. Il y a quelques jeunes qui ont déjà un style bien précis, des idées très claires, une vraie personnalité et donc un bel avenir. On se rend compte qu’ils ont vraiment travaillé leurs projets : c’est abouti, il y a beaucoup de recherche, beaucoup de dessins... Il y en a d’autres pour lesquels c’est encore un peu flou. Ils n’ont pas fait le tri de ce qu’ils aimaient et de ce qu’ils n’aimaient pas. À ceux-là, je conseillerai de travailler beaucoup. Il faut qu’ils sachent que ce n’est pas un métier facile. Qu’il demande, à part le talent, beaucoup de réflexion, de travail. On part tôt le matin, on rentre tard le soir, il faut aller aux usines, ce n’est pas vraiment l’image du créateur en train de draper un tissu sur un mannequin que véhiculent les magazines. Il faut aussi de la solidité pour supporter le stress des collections, et aujourd’hui les notions de marketing et de business sont essentielles ». La longue dame brune parle d’expérience. Son succès, sa renommée, puis les moments difficiles, lorsqu’elle est licenciée en 1995, « pour désaccord », par ses associés japonais, et la remontée, deux ans plus tard, lorsqu’elle rachète sa marque, après avoir travaillé comme consultante artistique pour Wolford, Victoria’s Secret, Rien et Rosy, confirment ses dires. Que ressent-on lorsqu’on est obligée de racheter sa marque, son propre nom ? « C’est très désagréable, mais j’ai eu l’opportunité de pouvoir racheter, alors que d’autres comme Jean-Louis Scherrer ou Inès de la Fresange n’ont pas pu le faire ». Celle dont le nom est quasiment synonyme de lingerie fine et coquine a débuté sa carrière par le prêt-à-porter. « En fait, j’ai fais plus de prêt-à-porter que de lingerie dans ma vie, même si je suis plus reconnue pour la lingerie », souligne-t-elle. À 18 ans, elle improvise des vêtements à partir de foulards peints par son futur mari, Bruce Thomass. Elle dessine des robes de petites filles très courtes en toile de coton, en toile cirée ou en pilou, à smocks ou à fronces, avec des manches ballons, avec des cols Claudine géants et des tabliers à volants. Elle remporte un vif succès à Saint-Tropez, où Brigitte Bardot est sa cliente. C’est en 1975 que Chantal Thomass crée véritablement sa marque. Une ligne de prêt-à-porter qu’elle émaille de quelques pièces inspirées de la lingerie. « Comme beaucoup de femmes de ma génération, grandies en pleine période de mouvement de liberation de la femme, je ne connaissais pas la lingerie. Le soutien-gorge était alors complètement démodé. J’ai découvert le sous-vêtement glamour en regardant les films des années quarante, les pin-up américaines, puis les corsets des années 1900, et j’ai eu envie de ces accessoires de féminité qu’on ne trouvait pas sur le marché. J’ai alors créé quelques modèles pour accompagner ma ligne de vêtements. Il se trouve qu’ils ont eu beaucoup de succès très vite parce qu’il y avait beaucoup de femmes comme moi qui avaient envie de ce genre d’accessoires». Les « dessus-dessous » En 1979, elle crée le premier collant en dentelle et, un an plus tard, elle signe les premières licences de lingerie et collants. Dans les années quatre-vingt, elle lance les « dessus-dessous » des corsets et des bustiers qu’on pouvait porter par-dessus les chemises, des tops inspirés de la lingerie, etc. Lorsqu’elle rachète sa marque en 1997, avec un groupe américain spécialisé en lingerie (Sara Lee/Dim), elle arrête complètement le prêt-à-porter pour se concentrer sur la lingerie. Dont elle élargit la palette de couleurs des traditionnels noir, blanc, rouge, de rose, de parme, de violet et autres tonalités chaudes, « plus seyantes », affirme-t-elle. Et à laquelle elle intègre les matières nouvelles et les textures seconde peau. Alors qu’en 1975, à une période encore dominée par le féminisme, elle avait gagné tous les suffrages en réactualisant le porte-jarretelle, la guêpière et le corset, plus de vingt ans plus tard, en 1999, elle provoque le scandale et heurte les féministes, lors d’une présentation de ses modèles sur des mannequins vivants dans les vitrines des galeries Lafayette. Là aussi, Chantal Thomass sait se défendre : «Ce que j’avais fait était joli, élégant et absolument pas vulgaire. C’était tout simplement une manière différente de présenter la collection ». Aujourd’hui, le tollé s’est apaisé, les choses sont rentrées dans l’ordre, et Chantal Thomass a repris sa place d’honneur dans la cour des créateurs. Une place qui lui revient de droit, puisqu’elle a été la première à considérer la lingerie comme un article de mode à part entière. « C’est vrai que lorsque j’ai commencé il y avait des marques de lingerie, mais pas de lingerie de créateurs. Il y a une dizaine d’années seulement que cette tendance est apparue », dit la dame en noir. Dont les créations pimpantes font voir la vie en rose à beaucoup de jeunes femmes. Les Libanaises, elles, devront attendre quelques mois pour en expérimenter les bienfaits. « La marque qui a longtemps été représentée au Liban ne l’est plus en ce moment. Mais là nous avons un agent, et je pense que la ligne sera à nouveau commercialisée à partir de la saison prochaine à Beyrouth », assure la créatrice. Qui vient, par ailleurs, de lancer son premier parfum. Une essence de féminité, comme toujours. Zéna ZALZAL Des incursions créatives qui font la différence Près de 150 modèles pour 30 minutes de défilé. La promotion 2001-2002 d’Esmod-Beyrouth, en présence de Chantal Thomass, a présenté son travail de l’année, qui vient de se terminer. De manière générale, les matières sont de bonne qualité et les finitions soignées. Les élèves d’Esmod connaissent sans doute l’enjeu du petit détail et ne se sont pas écartés du «carnet de tendances », la bible des couturiers qui change chaque saison. Leurs modèles ont donc scrupuleusement suivi le retour affirmé aux années 80, entre le punk et le bohème, la dominante du noir pour le soir et du blanc, alternant avec des couleurs acidulées ou, au contraire, très chaudes, pour la journée. Pour les formes, elles sont amples tout en serrant avantageusement le buste ; la jupe longue, froissée, ouverte ou destructurée, est très présente. Quant aux matières, elles sont dominées par l’effet brillant et caoutchouteux, un clin d’œil en forme d’hommage aux découvertes psychédéliques des années 70 façon Courrèges. Bien sûr, il est très difficile, pour chacun de ces futurs stylistes professionnels, de faire la différence dès la première promotion. Sans doute parce que le Liban est un pays où l’imitation domine et excelle, pour le meilleur comme pour le pire, laissant peu de place et d’envie à des prises de position audacieuse qui attireraient des regards avisés et désireux de dénicher une ébauche de style. À noter cependant une magnifique robe blanche couverte sur le devant et totalement dénudée dans le dos ; deux très beaux tailleurs-pantalons dans une matière froissée et une astucieuse robe du soir moirée, sans oublier une robe courte noire, où l’utilisation du motif plissé est très intéressante. D.G.
Frange à la Louise Brook, longue silhouette et tenue noire de rigueur, qu’égaie uniquement un rouge vif sur les lèvres, Chantal Thomass, la reine des dessous affriolants, a fait un passage éclair par Beyrouth le temps de jeter un regard sur les créations de la première promotion de stylistes d’Esmod. Rencontre avec une styliste qui a quasiment recréé la féminité. Et qui,...