Sécurité - L’évêque melkite à nouveau agressé hier soir devant le siège de Télé-Lumière Mgr Haddad : « Pardonnez-leur car il ne savent pas ce qu’ils font »(photos)

La nouvelle agression – la seconde en une semaine – perpétrée hier soir contre Mgr Grégoire Haddad, devant le siège de Télé-Lumière, à Dora, ne relève plus de l’extrémisme ou du fanatisme religieux, mais plutôt du comportement criminel et déraisonné. Le jeune homme originaire de Zghorta, Carlos Abboud (28 ans), qui a asséné à Mgr Haddad deux violents coups de poing à la tête, est peut-être en désaccord avec les idées religieuses défendues par l’évêque melkite, mais son attitude inqualifiable ne saurait être excusable. C’est alors qu’il s’apprêtait à entrer au siège de Télé-Lumière, vers 20 heures, afin de donner sa dernière émission en direct sur la foi chrétienne, que Mgr Haddad a été apostrophé par un jeune à la stature imposante. Ce dernier a voulu entamer une discussion afin de dénoncer les propos tenus par l’évêque melkite lors de précédentes émissions sur Télé-Lumière. Des propos jugés par le jeune homme en question contraires à certains principes de la religion chrétienne. Mgr Haddad ne pouvait donner suite, dans la rue, aux critiques de son interlocuteur, d’autant qu’il devait passer en direct sur les ondes de Télé-Lumière. Il a fait quelques pas pour pénétrer dans le bâtiment de la chaîne de télévision, mais il a été stoppé aussitôt par son agresseur qui lui a porté des coups à la figure. Le jeune homme a également proféré des menaces contre certains prêtres présents, travaillant pour Télé-Lumière. Sous la violence des coups, Mgr Haddad (77 ans) est tombé par terre. Il a été rapidement secouru par les journalistes et les employés de la chaîne de télévision. L’agresseur ainsi que l’un de ses compagnons, Raymond Makhlouf (39 ans), ont été interpellés par les agents des Forces de sécurité intérieure qui avaient été déployés sur les lieux à la demande de la direction de Télé-Lumière. Les agents de l’ordre passifs À la suite de la première agression perpétrée contre Mgr Haddad il y a près d’une semaine, toujours devant le siège de la chaîne de télévision, la direction avait reçu des menaces dont il ressortait que l’évêque melkite serait empêché par la force de donner sa dernière émission. La direction avait alors alerté le ministère de l’Intérieur qui avait dépêché un détachement des FSI devant le bâtiment de la télévision afin d’éviter toute nouvelle agression. Mais les agents des FSI ont assisté passifs à l’incident d’hier soir et n’ont rien fait pour protéger Mgr Haddad. Il reste que le prélat melkite a quand même tenu, contre vents et marées, à donner son émission en direct, comme prévu. Cette négligence de la part des membres des FSI a été vivement dénoncée par Mgr Haddad lui-même ainsi que par plusieurs personnalités qui se sont rendues sur les lieux afin de stigmatiser l’agression. Tard en soirée, on apprenait que le commandant de la gendarmerie, le brigadier Saïd Eid, avait mis aux arrêts, sur ordre du ministre de l’Intérieur Élias Murr, une dizaine d’agents des FSI qui étaient présents sur les lieux et qui ont failli à leur mission qui était de protéger Mgr Haddad. L’incident ayant été retransmis en direct sur les ondes de la LBCI, peu après 20 heures, la classe politique s’est rapidement mobilisée pour condamner l’agression. Le président Émile Lahoud s’est enquis de l’état de santé de Mgr Haddad, rendant hommage à son action sur le double plan spirituel et social. Les sources de Baabda ont, d’autre part, indiqué que le chef de l’État a demandé au procureur général de la République, Adnane Addoum, d’arrêter l’agresseur. Le président Lahoud a, par ailleurs, donné ses instructions pour qu’une enquête soit ouverte afin de déterminer les raisons pour lesquelles les agents des FSI n’ont pas accompli leur mission. Le chef du gouvernement, Rafic Hariri, est entré en contact, pour sa part, avec Mgr Haddad, soulignant que « le gouvernement considère que la liberté de pensée et de croyance est sacrée et ne saurait être contrée par la violence ». De son côté, le ministre de l’Intérieur – qui se trouve à l’étranger – a donné ses instructions au brigadier Eid, lui demandant de se rendre sur les lieux afin d’entamer l’enquête. M. Murr a également ordonné l’arrestation des membres des FSI qui étaient censés protéger Mgr Haddad, de même qu’il a demandé l’ouverture d’une enquête pour prendre les mesures qui s’imposent à l’encontre de ceux qui ont failli à leur tâche. « Zèle intempestif » Peu de temps après la diffusion des images de l’agression, de nombreuses personnalités politiques et religieuses se sont rendues au siège de Télé-Lumière dont, notamment, les ministres Michel Pharaon, Ghazi Aridi, Ghassan Salamé et Négib Mikati, les députés Nassib Lahoud, Pierre Gemayel, Farès Souaid, Neematallah Abi Nasr et Élie Skaff. Plusieurs autres personnalités et partis ont publié, en outre, des communiqués stigmatisant l’agression, dont notamment le député Émile É. Lahoud, le ministre Jean-Louis Cardahi, l’ancien ministre Michel Samaha, le parti Tachnag, les membres du bloc parlementaire de M. Hariri. Le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, et le patriarche melkite, Mgr Grégoire Lahham, ont également condamné l’incident. Quant au directeur de Télé-Lumière, Antoine Saad, il a souligné que cette agression constitue une atteinte à la mission et à la raison d’être de la chaîne de télévision chrétienne ainsi qu’une atteinte à l’Église dans son ensemble. Après être passé sur les ondes de Télé-Lumière, Mgr Haddad s’est rendu, en fin de soirée, dans la grande salle où étaient rassemblées les personnalités politiques et religieuses. Prenant la parole devant les écrans de télévision, il s’est d’abord étonné de « tout ce tapage fait au sujet d’un incident après tout marginal ». S’adressant aux personnalités présentes, il a déclaré : « Je voudrais demander à tous ceux qui se sont dérangés aujourd’hui de s’engager et d’apporter leur soutien à une série de projets sociaux et économiques. Vous devez contribuer au renforcement de la société civile. Nous voulons mettre sur pied dans chacun des 26 cazas des commissions médicales pour venir en aide à la population. » Soulignant que ses agresseurs ont fait montre d’un « zèle intempestif en croyant défendre la chrétienté et l’Église », Mgr Haddad a déclaré qu’il se refusait de porter plainte. « Pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font », a-t-il conclu sur un ton ferme.