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Actualités - CHRONOLOGIE

Mgr Béchara : « L’Exhortation, comme projet politique , n’a pas encore vu le jour » « Kornet Chehwane est malheureusement plongé dans le court terme », ajoute le prélat

Après le passage du cardinal Jan Schotte, venu mesurer le chemin parcouru depuis la proclamation de l’Exhortation apostolique (1997), il convenait de faire le point des réalisations nationales inspirées du Synode pour le Liban (1995). Dans un premier survol de la question, L’Orient-Le Jour avait effectué le point des réalisations inspirées du Synode et de l’Exhortation dans la vie spirituelle de l’Église au Liban ainsi que dans la vie sociale (écoles, hôpitaux, couverture sociale, logement). Il convenait d’aborder plus en détail l’aspect national de l’Exhortation. « L’Exhortation apostolique comme charte nationale n’a pas encore eu sa chance. Le projet politique qu’elle porte en elle n’a pas encore vu le jour. » C’est en ces termes que s’exprime l’archevêque maronite d’Antélias, Mgr Youssef Béchara, qui supervise le comité libanais chargé du suivi du Synode et anime les Assises de Kornet Chehwane. Cet aspect national est abordé dans diverses parties de l’Exhortation, qui invite les Libanais à « construire ensemble leur maison commune », et à être « tous vraiment responsables de tous ». Mais selon Mgr Béchara, cet acte d’appropriation du Liban ne s’est pas encore réalisé. « Il y a une vision de la vie nationale qui n’a encore été ni reçue ni assumée, que ce soit par les chrétiens ou par les musulmans. » « Nul, précise encore l’évêque, à l’exception de quelques personnes, n’a vraiment tiré les conséquences de la guerre et n’a réfléchi à une manière nationale d’envisager l’avenir ensemble. » « L’avenir du Liban, estime l’évêque, dépend d’abord de son élément humain, ensuite d’une volonté commune des chrétiens et des musulmans du Liban et enfin de facteurs régionaux et internationaux. » « Et d’abord, les Libanais veulent-ils du Liban ? » martèle l’évêque, qui souligne les dangers d’un dégoût qui inspire à certains Libanais l’envie de partir et d’abandonner le Liban à son sort. « Je comprends, dit-il, qu’un homme décide de quitter le pays, faute de trouver un travail pour subvenir à ses besoins ou à ceux d’une famille. Mais autrement, c’est de la trahison pure et simple. Regardez autour de nous. En Palestine, on se bat pour quelques mètres carrés. Nous, nous désertons. Il y a là une incohérence inexplicable. » « Je crois, enchaîne l’évêque maronite, que ces départs sont tributaires d’un manque de vision, d’une ignorance du passé qui est une sorte de crise d’identité. Et sans passé, nous n’avons pas d’avenir. Les jeunes n’ont d’autres références que le présent et la pospérité. » « Si les Libanais condamnent le Liban, qu’on ne s’étonne pas que des étrangers viennent le remplir. La nature a horreur du vide, même en démographie », met-il en garde. « L’avenir du Liban dépend ensuite de la volonté commune des chrétiens et des musulmans », insiste Mgr Béchara. «Ils doivent accepter leurs différences et les intégrer dans la pratique constitutionnelle. Il y a là un effort islamo-chrétien à produire. Mais attention, ce n’est pas un modus vivendi dont le Liban a besoin, une espèce de réédition de la formule des deux négations, mais un véritable vouloir vivre en commun. » Et ça non plus, l’évêque de Kornet Chehwane ne le voit pas s’incarner dans la vie nationale. Enfin, Mgr Béchara est conscient que l’avenir du Liban dépend d’un facteur régional. « Va-t-on arriver à la paix régionale ? Va-t-on pouvoir assainir les relations libano-syriennes ? Voilà des questions dont dépend l’avenir du Liban. » Et Kornet Chehwane ? Pour son rassembleur, ce groupement politique est malheureusement « plongé dans l’immédiat, dans le court terme. Ce qui ne l’empêche pas d’assumer certains des thèmes de l’Exhortation, notamment l’ouverture sur le monde arabe et la solidarité avec la cause palestinienne, des thèmes qui ne faisaient pas partie du langage des chefs politiques chrétiens, il y a deux ans. Mais évidemment, il y a sur ce plan bien du chemin à parcourir encore, bien des thèmes à expliciter. » Mgr Béchara évoque aussi la dimension libératrice de l’Exhortation apostolique, que l’Église maronite s’est efforcée de réaliser. L’article 17 de l’Exhortation cite explicitement « la présence de forces armées non libanaises sur le territoire » comme étant l’une des difficultés qui compromet « les valeurs de démocratie et de civilisation » et empêche le Liban d’assumer pleinement sa vocation. Pour l’évêque maronite, faisant référence à l’appel historique au départ des troupes syriennes du Liban lancé par le conseil des évêques maronites, en septembre 2000, « l’Église maronite a fait de son mieux pour incarner cet aspect libérateur » de l’Exhortation. « Cet appel a insufflé un nouveau moral à la population. Les gens sont désormais plus libres de parler, plus ouverts. » Il reste que, comme l’affirme Carole Dagher dans son ouvrage Le défi du Liban d’après-guerre, le Liban, comme la Pologne du pape, « ne devait pas être défendu uniquement par l’épée, mais aussi et surtout par le renouveau spirituel ». C’est la conclusion de Mgr Youssef Béchara. « Les chrétiens, soutient l’évêque maronite, doivent être convaincus que leur présence au Liban n’est pas une présence d’utilisateur, de consommateur, mais de témoignage et de mission. Il est capital, pour l’avenir, qu’on s’en rende compte et qu’on en soit convaincu. » Propos recueillis par Fady NOUN
Après le passage du cardinal Jan Schotte, venu mesurer le chemin parcouru depuis la proclamation de l’Exhortation apostolique (1997), il convenait de faire le point des réalisations nationales inspirées du Synode pour le Liban (1995). Dans un premier survol de la question, L’Orient-Le Jour avait effectué le point des réalisations inspirées du Synode et de l’Exhortation dans...