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Actualités - INTERVIEWS

ENTRETIEN - Le député de Baabdate répond aux questions de « L’Orient-Le Jour » et regrette l’échec de la médiation Chamoun Nassib Lahoud explique pourquoi la bataille du Metn n’est plus celle de Gabriel Murr, d’Amine Gemayel, ni la sienne...(photo)

La rue parle beaucoup depuis deux semaines. On ne peut pas ne pas l’entendre. Une grande partie des Libanais – s’ils continuent de louer sa constance, sa détermination, sa conception de la politique, sa vision pour un Liban autre – déplorent aujourd’hui, à tort ou à raison, son entêtement à vouloir régler de vieux comptes avec Michel Murr. Par le biais de son parrainage de la candidature du frère de ce dernier, Gabriel Murr, à l’élection partielle pour le second siège grec-orthodoxe du Metn, dimanche prochain. Nassib Lahoud, interrogé hier par « L’Orient-Le Jour », répond : non. « J’ai toujours refusé d’escamoter les batailles électorales. Refusé le compromis qui les aurait évitées. Parce que ces batailles-là sont partie intégrante du système démocratique. Et la tendance libanaise qui leur privilégie le compromis et la compromission va à l’encontre de toutes mes convictions. La partielle du Metn, c’est un référendum. » Nassib Lahoud a lâché le mot. Montrant du doigt ce que les Libanais devraient voir par-delà un éventuel règlement de comptes qui, somme toute, s’avérerait, dans ce cas-là, bien secondaire. « Un référendum pour les idées politiques sur lesquelles l’opposition a fondé son action. Il est demandé aux Metniotes de parler au nom de tous les Libanais, et de dire, par la voie des urnes, ce qu’ils disent chaque jour dans la rue et dans les salons. » Par cette bataille, le député de Baabdate veut que cette énorme contestation, qui va du Nord au Sud, se traduise dans les urnes et soit un message clair et net adressé au pouvoir. Nassib Lahoud est conscient des responsabilités qu’il fait incomber aux Metniotes, et il se dit, sans aucune hésitation, prêt à assumer les conséquences de son mot. De son appel à ce référendum. « Mais à condition que ces élections se passent dans un climat de liberté et loin des exactions du pouvoir. » Il est convaincu que les Metniotes et les Libanais ont compris « l’énorme enjeu politique » de cette partielle. Sauf qu’il leur demande de « ne pas se focaliser sur le fait que le candidat de l’opposition porte le même nom que le ministre de l’Intérieur et de celui de Michel Murr. Un des grands symboles de la défaillance de l’État pendant près d’une décennie. » Son argumentaire est sans appel. C’est, dit-il, Michel Murr qui a œuvré contre cette loi électorale, unique pour tout le pays, à laquelle appelaient tous les Libanais. Michel Murr, poursuit-il, est le symbole « de ce clientélisme que ne peuvent plus supporter tous les Libanais ». C’est Michel Murr qui, par sa politique sur les carrières, a détruit le rêve d’un environnement sain de tous les Libanais, continue Nassib Lahoud. C’est Michel Murr, insiste-t-il, qui équivaut à « la répression des mouvements estudiantins et démocratiques » que cautionnent tous les Libanais. C’est enfin Michel Murr, conclut-il, « qui était pendant dix ans le partenaire privilégié de Rafic Hariri dans les gouvernements qui se sont succédé depuis 1992 », alors que tous les Libanais espèrent aujourd’hui pouvoir sortir de la crise économique qui les noie. Bref, c’est à un véritable programme électoral que ressemble cette énumération quasi exhaustive de Nassib Lahoud. Le quiproquo avec Samaha Vous demandez aux Metniotes d’oublier que le candidat de l’opposition s’appelle Murr, vous leur demandez donc d’oublier aussi que l’un de ses parrains, vous en l’occurrence, a un compte à régler avec Michel Murr ? « Je n’ai pas de comptes à régler avec Michel Murr. Il y a une bataille à livrer contre la classe gouvernante et ses symboles, eux qui ont mené le Liban depuis 1991, à cause de leur gestion catastrophique, au bord du gouffre. Il est inconcevable d’être opposant et de ne pas mener un combat contre ceux qui représentent le loyalisme le plus sauvage. » Comprendre par là que la présence de Nassib Lahoud aux côtés de Gabriel Murr est, d’abord et surtout, un moyen de renforcer, de redynamiser, une démocratie et une praxis démocratique on ne peut plus vulnérables. Il explique que la candidature du patron de la MTV s’est imposée d’elle-même, grâce au grand capital politique dont il disposait, de par son partenariat indéfectible avec l’opposition depuis quelques années, et de par les appuis politiques, que déjà, il avait – les aounistes. « Des deux candidats de l’opposition, nous avons choisi celui qui avait le plus de chances de succès. Et nous n’allions pas nous priver de cette candidature forte et fédératrice uniquement parce que Gabriel Murr est le frère de Michel Murr. » Autre question que se posent bon nombre de Libanais qui ne comprennent pas très bien quelles valeurs communes vous unissent au second coparrain de Gabriel Murr, Amine Gemayel ? « Nous sommes tous les deux liés par le discours politique et les principes que Kornet Chehwane défend. Nous sommes alliés pour cette partielle de 2002, et nous livrerons une bataille commune en 2005. Je n’ai aucun problème avec Amine Gemayel. » Le fait que vos anciens alliés, Riad Abou-Fadel et Michel Samaha entre autres, vous en veuillent à ce point ne vous dérange pas ? « Non. Riad Abou-Fadel n’a pas voulu comprendre que la logique d’une bataille partielle est différente de celle d’une législative générale. Quant à Michel Samaha, nous nous sommes concertés avant l’accord passé avec Amine Gemayel. Je regrette ce quiproquo, et je respecte sa décision de neutralité. » Le cas Moukheiber Pourquoi ne pas avoir accepté la candidature de Ghassan Moukheiber ? « Je ne vois pas la politique de ce point de vue. Nous avons un candidat fermement ancré dans l’opposition, et j’espère que Ghassan Moukheiber comprendra les enjeux de cette élection, et qu’il est important qu’il apporte son concours au candidat qui réunit la grande majorité de l’opposition. Et puis en l’an 2000, Albert Moukheiber a conclu, avec l’accord de son camp, une alliance électorale avec Michel Murr qui a eu pour résultat de porter un énorme préjudice à la liste de l’opposition. Nous aurions pu avoir sept députés au Parlement. Et tout a montré que cette alliance est restée jusque-là en très bonne santé. » Pourtant, dès son élection, Albert Moukheiber s’est placé en totale opposition avec Michel Murr et le pouvoir en brisant le dernier tabou place de l’Étoile. « Il a eu un discours violent contre la présence syrienne que j’admets, mais son alliance électorale a permis que le système Murr continue à sévir dans le Metn. » Vous punissez donc Ghassan Moukheiber ? « Non. Nous refusons simplement que des opposants s’allient avec un des grands symboles du loyalisme, nous refusons ce système qui permet à un opposant d’être élu par des voix loyalistes. » Et Gebrane Tuéni ? « Il se présente comme un candidat du compromis, or depuis le début, par son appui à Ghassan Moukheiber, il a perdu tout ce qui aurait pu faire de lui ce candidat de compromis : il est devenu partie. » Cela sans compter ses liens avec Élias Murr. « Ça c’est une autre histoire. » Il a dit hier matin que vous-même et Amine Gemayel avez provoqué la cassure au sein de Kornet Chehwane, et que Gabriel Murr était prêt à se retirer, mais que vos doubles pressions l’en ont empêché. « Cela n’a rien à voir avec la vérité. Un moment, Gabriel Murr avait accepté de se retirer, si tout le monde le faisait, pour un candidat franchement au-dessus de la bataille : Fouad Boutros, Ghassan Tuéni, Élie Salem même... » Un nouveau départ Si Gabriel Murr gagnait, si le Parlement avait un député de plus dans l’opposition, « cela ne changerait rien », reconnaît Nassib Lahoud. « Il s’agit surtout, si nous gagnons, d’arriver à un point d’inflexion entre l’opposition et le pouvoir. Il sera prouvé, par le biais du peuple libanais, que c’est bien l’opposition qui a la légitimité populaire et politique dans le pays. Cela est extrêmement important : il y aura un nouveau départ pour la vie démocratique. » Sans oublier que la candidature de Gabriel Murr et le coparrainage de Nassib Lahoud auront réussi à sortir Michel Aoun de son boycott vieux de dix ans. Ce qui est loin, même symboliquement, d’être négligeable. Ne serait-ce qu’au niveau du signal : que quelque chose se joue, que quelque chose a changé. D’autant plus que la médiation de Dory Chamoun pour unifier l’opposition a échoué, ainsi qu’il en a informé, il y a deux jours, Nassib Lahoud. « Et ça, c’est vraiment dommage », regrette celui-ci. « Au Metn aujourd’hui se joue une bataille politique primordiale. Ce n’est plus la bataille de Gabriel Murr. Ni celle d’Amine Gemayel ou de Nassib Lahoud. Si nous gagnons au Metn, c’est toute l’opposition démocratique qui insufflera au pays un élan nouveau. » C’est cela que Gebrane Tuéni et Ghassan Moukheiber doivent comprendre ? Un sursaut national ? « Absolument. Les voix dont Gabriel Murr dispose aujourd’hui sont pratiquement égales à celles de la coalition loyaliste. Si Ghassan Moukheiber apportait ses voix, la victoire serait certaine. » Et si vous échouez, vous imputerez cela automatiquement à Michel Murr et ses exactions antidémocratiques ? « Le peuple saura. Par les médias. Mais nous assumerons la responsabilité de cette défaite si le pouvoir gère cette bataille avec neutralité et transparence. » Nassib Lahoud l’affirme : tout se passe dans les mêmes conditions qu’en 2000, avec un interventionnisme évident du pouvoir et de ses services. Si Ghassan Moukheiber ne vous apporte pas ses voix, c’est perdu d’avance ? « Non. Cela sera plus difficile, mais cette bataille est gagnable. » À bon entendeur... Ziyad MAKHOUL
La rue parle beaucoup depuis deux semaines. On ne peut pas ne pas l’entendre. Une grande partie des Libanais – s’ils continuent de louer sa constance, sa détermination, sa conception de la politique, sa vision pour un Liban autre – déplorent aujourd’hui, à tort ou à raison, son entêtement à vouloir régler de vieux comptes avec Michel Murr. Par le biais de son parrainage de la...