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Actualités - CHRONOLOGIE

TOURNÉE PRÉSIDENTIELLE - Le Akkar en liesse accueille le chef de l’État pour une visite de quelques heures Lahoud : Concilier le nécessaire et le possible, dans un souci d’équité(photos)

Une voiture entièrement couverte de pétales de roses et une foule émue jusqu’aux larmes. C’est l’image forte que l’on retiendra de la visite de quelques heures du président Émile Lahoud au Akkar oublié. Malgré l’impressionnant dispositif de sécurité et l’accablante chaleur, jeunes et vieux, femmes en foulard et beautés endimanchées se précipitent sur le chef de l’État pour lui crier leur joie de l’accueillir chez eux. Et lui, se laissant porter par la foule, tient un langage simple. « Je ne vous ferai pas mille promesses, dit-il aux notables réunis à Halba. Vous savez que l’État traverse une période difficile, mais cela ne le dispense pas d’accomplir ses devoirs, en essayant de concilier le nécessaire et le possible. » Après la libération du territoire, c’est donc la guerre à la misère dans un souci de développement équitable. Pour les habitants du Akkar, c’est enfin la reconnaissance de leur appartenance à la nation. Cinquante-sept ans après Fouad Chéhab, le second général président, apporte aux habitants de cette région déshéritée une bouffée d’espoir, loin des zizanies internes. Pour accueillir le chef de l’État, le second à visiter la région depuis 57 ans, le Akkar s’est donné un fabulueux coup de neuf. Ronds-points fleuris, routes dégagées, drapeaux, banderoles et foule animée d’une joie réelle, le caza est véritablement en fête, malgré la multitude d’agents des renseignements, identifiables à leurs casquettes et tee-shirts assortis, sans oublier les lunettes sombres. En l’honneur du président Émile Lahoud, le Akkar a choisi de cacher sa misère pour se montrer sous son meilleur jour et, en ce dimanche de printemps, ses collines verdoyantes, ses villages espacés et ses enfants si gais sont un enchantement pour le regard. De Abdé à Bayno, une même joie Tout commence à Abdé, véritable porte du Akkar. L’immense rond-point, nouvellement aménagé, croule sous les fleurs, les drapeaux et les banderoles. Les bouchers ont préparé les moutons à égorger et la foule se presse, tentant de forcer le cordon de sécurité. L’attente est longue et les haut-parleurs renvoient des chansons entraînantes pour mettre de l’ambiance. Comme dans la quarantaine de villages que traversera le convoi présidentiel, les femmes ont préparé des paniers remplis de pétales de roses (achetés, selon elles, chez les fleuristes à 1 000 LL le gros paquet) et du riz en quantité. Des enfants en tenue folkorique répètent depuis le matin des pas de dabké et certains cavaliers émérites défilent sur leurs chevaux pour un accueil dans la plus pure tradition d’hospitalité de la région. Tous ces préparatifs ne parviennent toutefois pas à faire oublier l’essentiel : la joie réelle des habitants de la région, émus de faire l’objet de l’intérêt présidentiel. Au Akkar, les gens sont simples, ont peu d’exigences et luttent durement pour gagner leur vie. De la côte au jurd, en passant par le Akkar moyen, les habitants vivent de pêche et d’agriculture, loin de toute sophistication et, dans tous les villages, il n’y a pas de magasins de luxe ni de grands restaurants, rien que des épiceries, des boulangeries et des boutiques de téléphones portables. C’est pourquoi, dans un quotidien banal, la visite du président prend une dimension historique. Et les habitants n’ont pas besoin d’être aiguillonnés pour se précipiter dans la rue et acclamer l’hôte prestigieux. Ils veulent lui montrer par tous les moyens dont ils disposent que son attention les touche et c’est tout le Akkar qui frémit de bonheur en guettant le convoi présidentiel. Tekrit et Beit-Mellat, deux visages du Akkar Initialement, trois importantes étapes sont prévues pour le périple présidentiel : Abdé, Halba où se tient une réunion avec les notables au sérail, et Bayno où réside le vice-président du Conseil, Issam Farès. Mais, dans pratiquement tous les villages visités, le chef de l’État sera contraint par la foule à s’arrêter, à descendre de voiture et à distribuer accolades et poignées de main. Dédaignant d’ailleurs la nouvelle route, dont l’asphalte tout neuf brille sous le soleil, tracée grâce à M. Farès et menant directement à Bayno, coupant à travers champ, le chef de l’État, accompagné d’ailleurs du vice-président du Conseil et du chef de la garde présidentielle Moustapha Hamdane, qui ne le quitte pas d’un pas, emprunte l’ancienne route qui traverse de nombreux villages aux noms jusque-là inconnus, comme le fameux Tekrit qui n’a rien à voir avec le village natal du président irakien à quelques kilomètres de Bagdad et d’autres liés à de tristes événements, comme Beit-Mellat. Partout la même scène se reproduit à l’infini. Est-ce à Gebrayel, à Tekrit ou peut-être à Beit-Mellat qu’un vieil homme se précipite sur la voiture présidentielle à la plaque d’immatriculation ordinaire et s’empare de la main tendue à travers la vitre pour l’embrasser ? Ému, le chef de l’État donne au chauffeur l’ordre de s’arrêter et descend donner l’accolade à l’homme qui manque s’évanouir de bonheur... Tout au long des 28 kilomètres de route à travers le Akkar, les vivats se succèdent et le trajet programmé pour une demi-heure se prolonge pendant plus d’une heure. À Bourj el-Arab, par exemple, le président est entraîné sous une tente de bédouins où lui est remise la abaya traditionnelle, symbole de l’allégeance sans faille des habitants à leur hôte. À Gebrayel, à Miniara, Hakour et dans d’autres localités, il reçoit des listes de revendications, émouvantes dans leur simplicité, qu’il remettra solennellement à ses adjoints afin de les étudier ultérieurement. Le convoi se déplace si lentement que le président renonce à descendre à Ouyoun (dernier village avant Bayno), à la grande déception des habitants, contraints de ramener leurs chevaux à l’étable et de se lancer à la figure les pétales de roses inutiles. Le Akkar ne sera plus jamais oublié À la question « qu’attendez-vous de cette visite ? », les habitants répondent par un regard étonné : « Que pouvons-nous attendre ? L’État est en crise. Mais ce qui compte, c’est qu’il soit venu. C’est la première fois que nous voyons un président. En général, les officiels préfèrent oublier notre existence. » Un homme grincheux marmonne : « En fait, il vient demander la main de la fille de Farès pour son fils. » Aussitôt, un tollé de voix choquées s’élève : « Pas du tout. Il est là pour nous, pour nous écouter. » La grande majorité des habitants du Akkar ne veut pas, en ce jour béni, écouter les mauvaises langues. Pour eux, en faisant le trajet jusqu’à chez eux, dans cette région presque coupée du reste du pays, le président a montré qu’il appréciait leur attachement à l’État et que, pour lui, dans la mesure de ses moyens, le Akkar ne sera plus jamais oublié. Devant les notables réunis au sérail de Halba, notamment les députés de la région, les chefs de municipalités, les directeurs d’écoles et les hauts fonctionnaires, Lahoud rend hommage aux habitants de la région, reconnaît que la liste des revendications doit être longue, alors que les moyens de l’État sont limités et promet qu’il fera en sorte de concilier le nécessaire et le possible, afin de réaliser en priorité des projets qui répondent aux besoins de la région. Lahoud ajoute que l’on mesure la réussite d’un État à sa capacité à assurer le développement et le bien-être de ses citoyens. Le président précise ensuite que le Akkar peut être une région modèle, à cause de ses potentialités agricoles, touristiques et industrielles. Tout en appelant à une coopération entre les institutions publiques et les ONG régionales, Lahoud précise qu’il est venu pour écouter sur place les doléances des habitants, ajoutant que cette visite n’est que le début d’une série d’autres déplacements qu’il accomplira dans toutes les régions libanaises. Au passage, il rend hommage au rôle de la Syrie au Akkar, une Syrie très présente dans la région, puisque la route la plus large est baptisée autoroute Hafez el-Assad. Mais les relations privilégiées sont ici naturelles et nul ne songerait à les remettre en question... Le chef de l’État entre aussi dans les détails des projets de développement, évoquant le réaménagement de l’aéroport de Kléïate, des plans d’irrigation, etc. Toujours accompagné de Farès, qui est à l’origine de l’invitation adressée au chef de l’État, Lahoud reprend son lent périple vers Bayno qu’il atteint à 13h. Nouveau bain de foule, salutations de notables et long tapis rouge avant d’écouter le discours de Issam Farès qui le presse d’accélérer le processus de décentralisation administrative dans le respect du principe de développement équilibré. Au retour, la foule attend encore le long de la route, malgré la chaleur et les appels à la prière des muezzins. Le Akkar ne sait comment exprimer sa gratitude au président qui a pris la peine de venir jusqu’à lui et, pour beaucoup d’habitants, c’est la découverte d’un sentiment nouveau : l’appartenance à part entière au Liban. Scarlett HADDAD Michel Hallak
Une voiture entièrement couverte de pétales de roses et une foule émue jusqu’aux larmes. C’est l’image forte que l’on retiendra de la visite de quelques heures du président Émile Lahoud au Akkar oublié. Malgré l’impressionnant dispositif de sécurité et l’accablante chaleur, jeunes et vieux, femmes en foulard et beautés endimanchées se précipitent sur le chef de l’État...