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Actualités - OPINION

Une mission truffée d’écueils pour les conciliateurs

Quand, sous le doux régime chéhabiste, on demandait à un gaillard s’il faisait partie des services secrets, il répondait que c’était secret, qu’il n’avait pas le droit de répondre. En écho, ou en hommage, à cette période plus ou moins résurgente, M. Nabih Berry pose au médiateur qui ne fait pas de médiation. Il récuse en effet ce vocable quand on l’interroge sur les efforts qu’il déploie pour rabibocher MM. Émile Lahoud et Rafic Hariri. Une pudeur, une finesse sémantiques que le président de la Chambre justifie en affirmant que ses démarches ne visent qu’à détendre un certain climat électrique. Et qu’il a l’impression de revêtir pour l’occasion l’habit de feu le comte Bernadotte, infortuné acteur de paix en Palestine dans les années quarante. Mais dans les cercles proches du régime, on confirme, en se référant à des propos attribués au chef de l’État, que c’est bien de médiation qu’il s’agit et de rien d’autre. Cette petite querelle de mots n’est pas si vaine qu’il y paraît à première vue. En effet, le fort substantif de médiation signifie indirectement qu’il ne faut pas attendre une autre procédure de raccommodage. Ni lorgner, cette fois, du côté des décideurs. En d’autres termes, dignité nationale oblige, on se résigne localement – mieux vaut tard que jamais – à laver son linge sale en famille. Plus avant, mais dans la même logique, les réticences lexicographiques de M. Berry donnent à penser qu’il est parfaitement conscient des limites de son action. Et que pour sa part il ne souhaite pas exclure qu’en dernier recours l’on s’adresse à l’arbitre habituel. Bien qu’il ait été lui-même, lors de sa récente visite, dépositaire d’un conseil rare, un peu excédé, dispensé à Damas même: ce coup-ci, arrangez-vous entre Libanais. Ainsi, c’est presque dans la préciosité, dans la dentelle que l’on travaille pour l’heure. Plus exactement, dans de la vieille dentelle levantine parfumée à l’arsenic. Car les rapports entre les camps en présence restent fortement empoisonnés. Encore plus par les fuites perfides en direction des médias que par les prises de position publiques, affichées le plus généralement par lieutenants interposés. Toujours est-il que, selon son entourage, M. Berry progresse à petits pas. Indirectement aidé par la décision des fils Dalloul de retirer LibanCell de la course à l’adjudication. Un reflux qui soulage beaucoup Koraytem, les haririens en conviennent volontiers. Car de la sorte, le président du Conseil pare les accusations de favoritisme, pour ne pas dire plus ou pire, que certains lancent à son encontre. Au stade actuel, l’objectif des conciliateurs est d’obtenir que M. Hariri reprenne le chemin de Baabda. Où il aurait dû se rendre, n’était le malaise, après la Malaisie, les States, le Pakistan, la Chine qu’il a récemment démarchés sans faire ensuite son rapport au chef de l’État. Et où, ordinairement (et même constitutionnellement), il aurait dû également faire le point, une fois la semaine au moins, avec le président Lahoud sur les problèmes du pays. Autrement dit, la brouille politique entraîne un dysfonctionnement de la République. Pour y remédier, les amis communs souhaitent que le président du Conseil rende visite au plus tôt au chef de l’État. En indiquant qu’il n’est pas tenu de discuter du dossier conflictuel du cellulaire, puisqu’en principe, le débat à ce sujet doit reprendre sous peu en Conseil des ministres. Pour user d’un vocabulaire de prestidigitateur, on peut estimer que le truc conseillé par les médiateurs, c’est d’éluder les sujets qui fâchent. Selon M. Berry en effet, les présidents concernés peuvent facilement éviter les prises de bec et se rencontrer normalement, pour s’occuper ensemble des affaires du pays et de la bonne marche de l’État. À son avis, il ne faut pas dramatiser le problème du cellulaire, qui n’est pas plus ardu qu’un autre, ni en faire une question personnelle puisqu’en définitive, c’est au Conseil des ministres de trancher. Mais à dire vrai, comme l’avouent des ministres qui eux aussi tentent de recoller les morceaux, le conflit entre les deux pôles majeurs de l’Exécutif est loin de se limiter au cellulaire. L’antonymie est telle, le manque de confiance si évident, qu’ils ne sont à peu près d’accord sur rien. Ni sur le plan de redressement économique ni même sur la politique extérieure, notamment en ce qui concerne les rapports avec Washington. au bout d’un an et demi de cohabitation, la séparation de corps semble définitive, estiment ces ministres. Ainsi, attaquant M. Hariri sur son domaine réservé, l’économie, les fidèles de Baabda se répandent partout en critiques acerbes. Ils soutiennent, dans les salons comme sur les plateaux de télévision, que le gouvernement actuel n’a rien réalisé de bon. Qu’il n’a pas réduit mais alourdi la dette publique. Et qu’il se contente de fuir en avant, du moment qu’il refuse d’élaborer un plan quinquennal. Pour conclure qu’en entravant la solution rentable envisagée par les Télécoms au sujet du cellulaire, le camp haririen porte un coup sévère au programme global de privatisations. Ce qui constitue cependant, il convient de le relever, une remarque plutôt paradoxale. Dans la mesure où l’option que préfèrent les lahoudistes en matière de portable est que l’État garde les licences pour lui, sans privatiser, et fasse travailler un opérateur payé au pourcentage. À quoi les proches de Koraytem répondent que la crédibilité de l’État est en jeu. Et que, du moment que le choix de la privatisation a été pris officiellement par le Conseil des ministres, il faut s’y tenir. Sans quoi le Fonds monétaire international, qui reproche déjà au Liban d’avoir beaucoup tardé à privatiser, taperait du poing sur la table. Ce qui signifierait qu’il faudrait dire adieu à Paris II et à toute espérance d’un moratoire multiforme permettant d’alléger la dette publique. Qui écrase le pays. Philippe ABI-AKL
Quand, sous le doux régime chéhabiste, on demandait à un gaillard s’il faisait partie des services secrets, il répondait que c’était secret, qu’il n’avait pas le droit de répondre. En écho, ou en hommage, à cette période plus ou moins résurgente, M. Nabih Berry pose au médiateur qui ne fait pas de médiation. Il récuse en effet ce vocable quand on l’interroge sur...