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Actualités - ANALYSE

DIPLOMATIE - La liste des mutations est prête depuis longtemps, mais… Au palais Bustros, la grogne discrète des ambassadeurs

Des diplomates désenchantés, des fonctionnaires démotivés et une atmopshère de précatastrophe, rien ne va plus au palais Bustros, pourtant traditionnellement l’image de marque du Liban. La raison de ce désenchantement ? Des mutations diplomatiques bloquées depuis plus de dix-huit mois... pour cause de conflits entre le chef de l’État et le chef du gouvernement. Et le ministre Mahmoud Hammoud, qui a préparé une liste de noms, se retrouve avec ses propositions sous le bras, qu’il transporte d’un Conseil des ministres à l’autre. La situation ne serait pas si grave – puisque les conflits sont légion dans tous les domaines et sur tous les sujets – si elle n’aboutissait à une vacance des postes importants. Surtout à une période aussi cruciale pour le Liban et la région. Poste crucial : les Nations unies Ainsi, Beyrouth n’a pas de délégué permanent près des Nations unies depuis deux mois. La représentation libanaise est dirigée par un premier secrétaire qui, de ce fait, ne peut être reçu que par des diplomates du même rang et non par des ambassadeurs. Quand on pense à la multiplication des incidents à la frontière sud et à la nécessité de négocier, à partir du 1er juillet, la reconduction du mandat de la Finul, on imagine l’importance d’un tel poste. Comme il faut compter six mois entre la nomination et l’entrée effective en fonction du diplomate choisi, le Liban a peu de chances d’être prêt en juillet. Même situation pour la délégation permanente à l’Unesco. Sans oublier l’ambassade du Liban en Italie. D’ailleurs, Rome a muté son ambassadeur à Beyrouth, sans présenter une demande d’agrément en vue de la nomination d’un remplaçant, parce que le Liban n’a pas nommé d’ambassadeur dans la capitale italienne... Une première qui risque de devenir une pratique courante si les postes diplomatiques vacants ne sont pas pourvus. C’est notamment le cas de l’ambassade du Liban à Berlin, à Belgrade, à Djakarta, à Islamabad, à Khartoum, à Monrovia et à Kinshasa. Dans ces deux dernières capitales, des Libanais ont été récemment tués et, alors que l’État ne cesse de rappeler l’intérêt qu’il porte à ses émigrés, il n’a pas encore nommé d’ambassadeurs dans ces pays. Dans dix autres pays, les ambassadeurs du Liban sont en poste depuis plus de dix ans, alors que selon la loi-cadre qui régit le ministère des Affaires étrangères, un ambassadeur ne doit pas passer plus de dix ans à l’étranger. À l’issue de cette période, il doit être rappelé à l’Administration centrale pour deux ans, afin de permettre un roulement au sein du corps diplomatique et d’éviter un relâchement des liens entre les ambassadeurs en poste à l’étranger et leur pays. Les dix capitales où les ambassadeurs du Liban ont pris racine, grâce au blocage politico-administratif, sont Varsovie, Moscou, Brasilia, Montevideo, Oman, Alger, Tripoli (Libye) Rabat et Accra (Ghana). Cette situation accentue encore le malaise au sein du corps diplomatique, puisque ceux qui attendent leur mutation à l’étranger depuis deux ans se sentent injustement traités. Même si les responsables leur affirment qu’il ne s’agit pas de questions personnelles. En vérité, le problème est né une fois de plus d’un conflit entre le chef de l’État et le président du Conseil. Ce dernier souhaiterait nommer des ambassadeurs hors cadre, choisis parmi son importante équipe de travail, sans réellement tenir compte des limitations confessionnelles, et le président de la République est contre ce principe. Arguant de la loi qui prévoit la mutation des ambassadeurs au sein du corps diplomatique, il s’oppose à la volonté du président du Conseil. Même si, selon des sources diplomatiques, il craint surtout que l’allégeance des ambassadeurs nommés par Hariri n’aille d’abord à ce dernier. Pour Lahoud, le staff est suffisant, pourquoi aller chercher ailleurs ? Selon les mêmes sources, Hariri affirmerait de son côté que l’étape actuelle nécessiterait de plus importantes compétences. De plus, il rappellerait à son interlocuteur qu’en janvier 1999, le gouvernement Hoss avait nommé Raymond Raphaël ambassadeur hors cadre à Tunis. Pourquoi, selon lui, ne serait-il pas possible de rééditer l’expérience ? Pour la petite histoire, rappelons qu’à l’époque, le ministre de la Justice Joseph Chaoul s’était opposé à cette nomination et le vice-président du Conseil Michel Murr avait évoqué la raison d’État pour la justifier. Peu convaincu par l’argument et ne souhaitant pas ouvrir la voie aux nominations hors cadre, Lahoud rejette les propositions de Hariri, qui voudrait aussi changer l’ambassadeur du Liban à Washington. Les mutations diplomatiques sont donc bloquées depuis plus de dix-huit mois. Sous la présidence Hraoui, elles l’avaient d’ailleurs été pendant 4 ans et demi, pour cause aussi de désaccord sur les noms. 26 missions diplomatiques à l’étranger étaient restées sans titulaires. Mais la situation était sans doute moins critique. Aujourd’hui, au sein du corps diplomatique, le désenchantement est total. Les ambassadeurs qui traînent à l’Administration centrale ne comprennent pas pourquoi, alors qu’il a été convenu que chaque ministre nomme les fonctionnaires de son département, on ne laisse pas Mahmoud Hammoud muter les ambassadeurs. Ayant passé 35 ans au sérail, Hammoud connaît personnellement les ambassadeurs et leurs compétences. Il aurait même préparé une liste des mutations, en faisant appel aux membres du corps diplomatique mais, à chaque Conseil des ministres, il est prié de ne pas la sortir, les différends n’ayant pas encore été réglés. Ne voulant pas devenir partie au conflit, il s’exécute. Et, après chaque séance, les diplomates qui attendent ravalent leur déception. La situation est frustrante pour eux et pour le Liban, dont la diplomatie est déjà peu présente à l’étranger. Scarlett HADDAD
Des diplomates désenchantés, des fonctionnaires démotivés et une atmopshère de précatastrophe, rien ne va plus au palais Bustros, pourtant traditionnellement l’image de marque du Liban. La raison de ce désenchantement ? Des mutations diplomatiques bloquées depuis plus de dix-huit mois... pour cause de conflits entre le chef de l’État et le chef du gouvernement. Et le...