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Actualités - REPORTAGE

COMMUNAUTÉS - Première messe solennelle à l’occasion du lundi de Pâques La cathédrale Saint-Georges des grecs-orthodoxes retrouve sa majesté d’antan(photos)

Lundi matin, 6 mai, la place de l’Étoile était noire de monde. Des milliers de personnes sont là pour assister à la messe du lundi de Pâques célébrée en la cathédrale Saint-Georges qui était en restauration depuis plus d’un an. Criblé de balles et incendié, ce monument du XVIIIe siècle, considéré comme l’un des plus importants de Beyrouth, devait être restauré avant d’être ouvert aux fidèles. Les travaux se poursuivaient à l’intérieur des murs depuis 1994. Archéologues, restaurateurs de peintures et architectes ont défilé, apportant chacun son savoir et sa technique pour redonner à la cathédrale sa majesté d’antan. Aujourd’hui, la cathédrale Saint-Georges est plus imposante qu’elle ne l’était dans les années 70. Les échoppes qui entouraient l’église ont été supprimées, et toute son esplanade a été dégagée. Dans sa restauration de la cathédrale, le Comité et M. Nabil Azar, l’architecte responsable de la restauration, ont tenté de concilier esthétique, modernisme et histoire. Dans cet objectif, ils ont décidé de garder intacts les registres supérieurs des deux absidioles et les pans des murs conservant d’anciens éléments d’architecture. «Les anciennes fenêtres, portes, arcs ou absidioles que nous avons découverts suite au décapage des murs sont des vestiges des différentes constructions qui se sont succédé depuis le XVIIIe siècle. Nous les gardons car ils témoignent de l’histoire de la cathédrale», affirme M. Nabil Azar. Des techniques modernes de restauration Dans les années 70, les murs extérieurs de l’église étaient enduits et peints en blanc. Aujourd’hui, ils sont décapés et la pierre «ramleh» bien évidente au regard. Mais pour qu’elle ne soit pas fragilisée par les intempéries et noircie par la pollution, elle a été imperméabilisée. «Il s’agit d’un nouveau produit créé et utilisé en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Il imperméabilise la pierre, en s’infiltrant jusqu’à quatre centimètres de profondeur, tout en lui permettant de respirer et de préserver sa formation géologique et sa couleur», explique M. Azar. Ainsi, après les pluies, les murs de l’église resteront intacts et la pollution ne pénétrera pas à l’intérieur pour les recouvrir de noir. Pour ce qui est de l’intérieur de l’église, l’ancien enduit, datant des XIXe et XXe siècles, a été remplacé par un autre produit, plus résistant. Fait d’un mélange d’eau de chaux, de sable et de terre blanche, il recouvre la pierre sablonneuse. M. Azar assure que «l’eau de chaux est en quantité suffisante pour permettre à la pierre de respirer». La restauration de l’église ne se limite pas à l’architecture : elle englobe aussi les parois intérieures des murs et le sol. «De nouvelles peintures murales vont recouvrir les parois, alors que des mosaïques seront placées dans les allées de l’église. Ces dernières remontent au IVe siècle et ont été offertes par un collectionneur». Tous ces travaux visent à conserver à la cathédrale un aspect s’inscrivant dans la plus pure tradition byzantine de la décoration. Une histoire centenaire tourmentée Le XVIIIe siècle a largement marqué l’histoire de la communauté grecque-orthodoxe de Beyrouth. C’est le siècle des grandes constructions et destructions. En 1715, la commune a transformé sa petite église de la paroisse en un ensemble cultuel. Une imposante cathédrale, dédiée à Saint-Georges, a été construite et lui ont été annexés un couvent, une école, un dispensaire, une imprimerie et un cimetière. Plus tard, même un souk, celui de «Nourieh», a été édifié à l’ouest de l’église et les revenus des échoppes de ce marché, grouillant de vie, revenaient à la paroisse. Malheureusement, cette période de gloire n’a duré que quatre décennies. Le tremblement de terre de 1759 a en effet détruit une grande partie de l’église et de tout son ensemble. Une large campagne de collecte de fonds avait alors commencé pour la reconstruction des lieux de culte. Ce n’est qu’en 1767 que la cathédrale est redevenue utilisable, mais cela ne va durer que quelques mois avant qu’une nouvelle tragédie ne frappe ce lieu. Au cours d’une messe, le toit de l’église s’est effondré sur les croyants. Quatre-vingt-sept personnes y ont laissé leur vie. La communauté a attendu alors quelques années avant de réunir les fonds pour la reconstruction de l’église, qui n’est redevenue opérationnelle qu’en 1783. Un peu plus d’un siècle plus tard, l’église a subi les dernières modifications architecturales qui caractérisent son allure actuelle. Le premier musée archéologique dans un sous-sol d’église La cathédrale Saint-Georges des grecs-orthodoxes de Beyrouth remplit désormais trois fonctions. Elle est à la fois un monument religieux, un édifice historique datant du XVIIe siècle et un musée souterrain de vestiges archéologiques. Le premier en son genre au Liban, ce musée d’une superficie de 255 mètres carrés illustre les différentes phases d’occupation du sous-sol de l’église. Les structures allant de l’hellénistique à l’ottoman se mêlent et se superposent afin de raconter une histoire plusieurs fois centenaire. Les fouilles archéologiques du sous-sol de l’église avaient commencé avant les travaux de restauration, indispensables en raison des dégâts causés par la guerre. Mais avant de toucher à la superstructure du monument, le Comité pour la restauration de la cathédrale Saint-Georges a décidé de financer les fouilles archéologiques dans son sous-sol. C’est ainsi qu’en décembre 1994, une équipe d’archéologues du musée de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), sous la direction de Mme Layla Badr, a entamé sa première campagne de fouilles. «Notre travail dans cette église avait un double objectif, explique Mme Badr. D’une part, nous aspirons bien sûr à retracer l’histoire de l’église à travers les strates déterrées, et d’autre part chercher à situer l’église byzantine de l’Anastasis accolée à l’École de droit romaine. Il est certain, que les sites cultuels occupent toujours le même emplacement, et dans la superposition des églises sous la cathédrale, on espérait trouver la grande église byzantine». En fait, les textes historiques révèlent souvent l’existence de cette imposante cathédrale byzantine de la Résurrection ou l’Anastasis. Elle aurait été construite au Ve siècle, à proximité de l’École de droit, et toutes deux devraient être situées aux alentours de la place de l’Étoile. Ces deux célèbres monuments avaient disparu à la suite du tremblement de terre qui a détruit la capitale en 551. «Allant de l’ottoman à l’hellénistique, les vestiges découverts ont montré une occupation continue du sol de l’église, souligne Mme Badr. Les installations domestiques datant des périodes hellénistiques et romaines ont ainsi été remplacées par des églises à partir de la période byzantine. Nous avons déterré cinq églises superposées, allant du byzantin au médiéval, dont les sols étaient tantôt dallés de marbre, tantôt recouverts de mosaïque. De nombreux objets cultuels ont été découverts dans les vestiges de ces monuments cultuels autour desquels étaient creusées des tombes. Les structures relatives aux différentes périodes sont aujourd’hui conservées dans le musée souterrain» poursuit-elle. Ce musée, connu aujourd’hui sous le nom de la crypte de Saint-Georges, mettra l’accent sur les principaux objets de la collection. Les mosaïques byzantines, les objets en marbre, les pierres tombales datées et les éléments architecturaux permettront au visiteur de comprendre la superposition des couches historiques qui seront dotées de panneaux explicatifs. Il est également important de souligner que sur ce site, la conservation des vestiges archéologiques ne s’est pas limitée à l’intérieur de l’église mais a englobé aussi la salle de réception qui lui est annexée. Les fouilles, entreprises dans les environs de la cathédrale, où sera édifiée la salle de réception, avaient en fait mis au jour quelques dalles relatives au Cardo Maximus, dans la continuité de la grande route romaine déterrée dans le parc archéologique situé au nord de la cathédrale. La découverte de ces vestiges a modifié les plans architecturaux prévus pour la salle de réception. Désormais, son sol est dallé de verre et les blocs du Cardo Maximus, préservés à leur emplacement premier, sont exposés au regard des passants. La cathédrale Saint-Georges des grecs-orthodoxes est pionnière au Liban dans la sauvegarde des vestiges archéologiques dans son sous-sol. C’est même l’unique édifice religieux du centre-ville de Beyrouth à avoir révélé son histoire à partir des vestiges archéologiques déterrés lors des fouilles. Les peintures murales, restaurées et déposées Au début du XIXe siècle, les parois de la cathédrale Saint-Georges ont été ornées de peintures murales. Certaines d’entre elles sont d’une grande valeur artistique et l’œuvre de grands peintres de l’époque, d’autres sont plus modestes et portent des traits artistiques typiques de l’art occidental. D’ailleurs, même leur emplacement sur les parois suivait le canon occidental. Aujourd’hui, la plupart de ces peintures n’existent plus sur les parois. Certaines avaient été en fait très touchées par l’incendie de l’église, d’autres étaient criblées d’éclats d’obus. Leur conservation nécessitait, par conséquent, une restauration. Pour cela, une équipe de spécialistes russes est venue remettre en état les peintures préservées sur les murs. Car certaines d’entre elles ont été démontées pour être ultérieurement remplacées. Le mauvais état de conservation et le style occidental des représentations étaient les critères du choix fixé par le Comité de la restauration de l’église Saint-Georges pour la sélection des peintures à préserver. «Dans la restauration de ces peintures, nous avons exigé que les “stigmates de la guerre” (éclats d’obus) soient sauvegardés, comme témoins de la barbarie de la guerre», explique M. Ghassan Tuéni, président du comité. Quant aux peintures démontées, elles ont été déposées sur des tuiles et seront exposées dans le musée de la cathédrale, témoins d’une tranche de son histoire. Suivant les normes des décorations des églises byzantines, de nouvelles peintures vont orner les parois de l’église.
Lundi matin, 6 mai, la place de l’Étoile était noire de monde. Des milliers de personnes sont là pour assister à la messe du lundi de Pâques célébrée en la cathédrale Saint-Georges qui était en restauration depuis plus d’un an. Criblé de balles et incendié, ce monument du XVIIIe siècle, considéré comme l’un des plus importants de Beyrouth, devait être restauré...