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Actualités - INTERVIEWS

Entretien - Le candidat à la partielle du Metn accorde à « L’Orient-Le Jour » sa première interview à la presse écrite Gabriel Murr : Contrairement à Ghassan Moukheiber, ma ligne politique est fixe et franche(photo)

Il a été le premier à annoncer sa candidature à l’autre siège grec-orthodoxe du Metn, aujourd’hui vacant après le décès d’Albert Moukheiber. Il l’a fait dix jours après la disparition de ce dernier – et non pas au lendemain, comme d’aucuns le lui ont reproché –, publiquement, entouré de deux grands ténors de la région, Nassib Lahoud et Amine Gemayel. Gabriel Murr (le frère de l’ancien vice-président du Conseil et ancien ministre de l’Intérieur, l’oncle de l’actuel successeur de Michel Murr) fait parler de lui, aujourd’hui, bon gré mal gré, dans toutes les chaumières du Metn et bien au-delà. Parce que le grand patron de la MTV s’est, depuis plusieurs années, nettement ancré dans une opposition sans aucune ambiguïté. Parce qu’entre lui et son frère Michel, comme avec son neveu Élias, c’est la guerre ouverte. Et parce qu’il risque fort, dit-on, d’avoir pour principal rival – outre, jusqu’à nouvel ordre, Ghassan Moukheiber – le même Élias Murr. Le dimanche 2 juin prochain. Ou l’un des poulains de ce dernier : on parle notamment de Gebrane Tuéni. En attendant le quarantième du décès d’Albert Moukheiber – c’est cette date-là que Michel Murr a choisie pour s’exprimer publiquement pour la première fois, et, éventuellement, annoncer un candidat – Gabriel Murr a accordé sa première interview de candidat à la législative partielle de juin 2002 pour la presse écrite à L’Orient-Le Jour. Impossible de ne pas évoquer d’abord, avec le candidat Gabriel Murr, ce qui va le préoccuper au premier chef durant ces quatre semaines : la rue. Ce que les Libanais, et notamment les Metniotes pensent, ce qu’ils disent, les questions qu’ils se posent. Sur la finalité de votre candidature, son pourquoi, son but. Est-elle dirigée contre quelqu’un ? Ou a-t-elle été annoncée pour quelque chose, un idéal, une façon autre de voir et de concevoir la politique ? « Ce n’est contre personne. Au contraire. C’est pour. Pour cette ligne politique que je défends férocement depuis dix ans. Souvenez-vous juste de tout ce qui s’est passé l’an dernier. Il n’y a aucun point d’interrogation en ce qui concerne la moindre de mes prises de position ». Les Libanais parlent beaucoup également de cette saga familiale, de ces affaires de famille entre vous et vos enfants d’une part, votre frère et les siens de l’autre. Gabriel Murr rappelle que ce n’est pas nouveau, cite, entre autres, Sélim et Jamil Lahoud, précise que l’important, ce n’est pas qu’il y ait deux noms d’une même famille. Parle d’héritage politique – réalité libanaise qu’il refuse sans ambages. « Si Albert Moukheiber croyait en cet héritage politique, il aurait nommé son successeur. » Les contacts avec Élias Murr Soit. Mais le candidat Ghassan Moukheiber a assuré qu’il allait préserver le plafond fixé par son oncle, qui a été le premier à briser un des derniers tabous au Parlement en dénonçant la présence et la tutelle syriennes. Qu’avez-vous de plus à proposer aux Metniotes ? « Moi je n’ai aucune surenchère à faire par rapport à Ghassan Moukheiber. Au contraire. Ma ligne politique est fixe et franche. Moi je n’ai établi aucun contact parallèle, ni à gauche ni à droite. » Contrairement à Ghassan Moukheiber ? « Bien sûr. Au cours de mon entretien avec Gebrane Tuéni, je lui ai dit que Ghassan Moukheiber avait des réunions avec Élias Murr, il me l’a confirmé. Élias Murr a même proposé à l’avocat Ghassan Moukheiber, pour que le contact reste permanent, un contentieux à étudier, à propos de lois électorales législatives ou municipales. De plus, pour que Ghassan Moukheiber ne fasse pas sans cesse des aller retour au ministère de l’Intérieur, il y a eu un accord tacite : l’ancien attaché de presse d’Albert Moukheiber, Melhem Riachi, est aujourd’hui conseiller auprès du ministre de l’Intérieur. Il est le trait d’union quasi hebdomadaire entre Ghassan Moukheiber et Élias Murr. Laissez-moi vous dire quelque chose : Ghassan Moukheiber n’a aucune chance, parce qu’en fait, ce n’est pas lui le candidat. Il y aura un autre candidat, puisque – ils le voient bien – ils n’arrivent pas à conduire, à travers lui, une quelconque bataille. » Cela a au moins l’avantage d’être clair, mais est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que les deux seuls candidats en lice à ce jour proposent la même chose ? « Non, pas vraiment. Ce qui me distingue, c’est ma ligne politique claire depuis dix ans, mon travail sur le terrain, partout, depuis le mandat Hraoui jusqu’au mandat Lahoud. Nous étions toujours aux premières loges. Au congrès du Carlton, nous y étions. Où était Ghassan Moukheiber ? Au moment des rafles, où était-il ? Lui le défenseur des droits de l’homme, l’avocat, où était-il ? Albert Moukheiber ne lui a tout de même pas interdit d’aller devant le Palais de justice, non ? Il dit aujourd’hui qu’il porte l’étendard d’Albert Moukheiber ? Pourquoi ne l’a-t-il pas fait avant ? Si lui et moi commencions aujourd’hui le combat, il n’y aurait aucun problème. Sauf que moi, cela fait des années que je me bats contre une politique de répression, une politique barbare, même. » Aux yeux des électeurs, vous proposez donc aujourd’hui, face au nom et à un certain héritage, le travail sur le terrain, c’est bien cela ? « Absolument. Je refuse l’héritage en politique. » Et à tous ces gens qui disent appuyer votre programme mais qui ne veulent pas faire le jeu de votre revanche personnelle avec votre frère, vous leur dites quoi ? « Mon frère, c’est mon frère. Mais mon frère est loyaliste, moi je fais partie de l’opposition. Ce n’est pas une question de revanche. Si, par exemple, l’homme fort du Metn était Georges Saliba, j’aurais réagi de la même façon. Ce n’est pas une question de famille, mais de fidélité à une ligne politique claire, nette et précise depuis des années. » Allons jusqu’au bout. À ceux qui disent que Nassib Lahoud et Amine Gemayel vous utilisent pour régler leurs comptes metniens avec Michel Murr, vous dites quoi ? « Il n’y a rien de personnel. Nassib Lahoud et Amine Gemayel appartiennent à Kornet Chehwane, un regroupement clairement d’opposition. Même si chacun des membres a sa propre opinion. Ils ont un contentieux politique avec Michel Murr, c’est tout. » C’est un cadeau que l’opposition vous fait, après celui que vous lui avez offert pendant les législatives 2000 ? « En quelque sorte. Sauf qu’en politique, il n’est pas question de cadeau. Mais si vous parlez de prêté pour un rendu, on s’est réuni après la vacance du siège, et on a décidé... » Mais pourquoi cette célérité ? « Ghassan Moukheiber et Élias Murr ont dit la même chose : que j’ai annoncé ma candidature en plein deuil et en pleines condoléances. Le docteur Moukheiber est mort un 12 ou un 13, j’ai annoncé ma candidature onze jours plus tard. Il ne me restait que 25 jours. Moi je n’ai aucun passé, je n’avais aucun appareil électoral, rien. Pour 2005, j’aurais eu du temps, là je n’en avais pas. » Vous vous rendez compte qu’à travers vous, l’opposition a, c’est inédit, fait le premier pas ? « C’est vrai, c’est très important. Nous avons pris l’initiative pour la première fois. Les loyalistes ont été mis devant le fait accompli, ne sachant pas à travers qui ils allaient conduire leur bataille. Avec Ghassan Moukheiber ? Je ne crois pas, Michel Murr est loin d’être convaincu... » Aucun consensus possible On parle de plus en plus d’une candidature d’Élias Murr, ou d’un de ses poulains. Qu’en pensez-vous ? « Moi j’ai entendu Élias Murr, au sortir d’un entretien avec Nabih Berry, dire qu’il appuierait toute personne que choisirait la famille Moukheiber. En l’occurrence, Ghassan Moukheiber. Il a répété cela quatre fois. » Mais entre ce que l’on dit et ce que l’on pense ? « Je pense qu’en règle générale, Élias Murr se soucie de sa crédibilité. Sa crédibilité, c’est son appui à Ghassan Moukheiber. Maintenant s’il change d’avis, on verra. Jusqu’à nouvel ordre, il n’y a pas de lézard, et si la famille Moukheiber se met d’accord sur le nom de Gebrane Tuéni, eh bien il appuiera Gebrane Tuéni. Moi je ne doute pas de ses prises de position. Il est pro-Ghassan Moukheiber. » Donc vous serez surpris s’il annonçait sa candidature ? « Oui. Élias Murr ne se moque pas des gens, vous savez... ce n’est pas un jeu d’enfants. » Sans commentaires. Sauf que, d’un autre côté, dans n’importe quel pays démocratique, le ministre de l’Intérieur, au moment de toute élection, se doit de garder une totale impartialité. Apparemment, ce n’est pas le cas. « Malheureusement. Moi je lui ai demandé, publiquement, de laisser son ministère au ministre par intérim s’il souhaite s’impliquer dans les élections du Metn. Et qu’il ne permette pas au ministère de l’Intérieur, par le biais de toutes ses composantes – le caïmacamat, jusqu’aux gendarmes ou aux FSI en passant par toutes les administrations, les municipalités, la Sûreté générale – d’être le moins du monde partial. Or ce n’est pas le cas. » Et parce qu’il affirme que Kornet Chehwane est une « nécessité nationale », Gabriel Murr rappelle qu’il a refusé de faire en sorte qu’il s’implique en tant que regroupement, qu’en aucune façon on essaye de nouveau de le torpiller à cause de lui. Même s’il estime que le fait que la grande majorité de Kornet Chehwane le soutienne ne pose pas de problèmes. Les Libanais sont assez frustrés de voir l’opposition se déchirer sur ce siège, vous ne trouvez pas que c’est dommage ? « Si les positions de Ghassan Moukheiber étaient aussi claires que les miennes, il n’y aurait eu aucun problème. Nous nous serions concertés et nous nous serions mis d’accord. Mais il y a confusion, je vous l’ai déjà dit. » On laisse entendre que vous accepteriez de vous retirer s’il y avait consensus sur un autre nom. « Pour tout ce qui sert l’intérêt du pays et du Metn, moi je suis partant. Je ne suis pas contre le consensus, mais je ne vois personne sur qui le consensus se ferait. Il est hors de question que je me retire au profit de Ghassan Moukheiber ou Gebrane Tuéni. Et Charles Malek est décédé malheureusement... » Gabriel Murr veut sortir du cercle du député classique, qui court derrière l’État pour assurer les intérêts de ses concitoyens. Il estime que c’est du devoir de l’État. Lui, ce qui l’intéresse, c’est la légifération, le contrôle de la politique générale. Mais tout cela, selon lui, ne se base que sur une « entière souveraineté, une libre décision, l’entente nationale, l’État de droit et des institutions, de la justice. Tous ces principes basiques manquent cruellement aujourd’hui. Voilà ce que sera ma principale bataille si j’arrive au Parlement. Avec évidemment, le changement de la loi électorale. » Et en ce qui concerne la super-crise économique, Gabriel Murr rappelle les responsabilités de tous les gouvernements depuis la fin de la guerre, insiste sur le fait que ce ne sont pas seulement les dépenses liées à la (re)construction qui sont à l’origine des trente milliards de dette. « Voyez les dépenses liées aux forces armées, à l’entraînement militaire, au nombre de soldats. A-t-on réellement besoin de 60 000 soldats ? D’autant plus qu’ils n’ont pas été envoyés au Liban-Sud ? De plus, j’ai appris que la Sûreté générale enrôle. Pour quoi faire ? Les voir tabasser les Libanais devant le Palais de justice? Nous avons 60 000 soldats... Et tout est à l’avenant. Je ne comprends pas les intérêts à 40 % ou à 16 %, par exemple. » Gabriel Murr est persuadé que toute réforme économique dépend en premier lieu d’une réforme politique. Et il répond, lorsqu’on l’interroge sur son opposition, si elle est dirigée contre un, deux ou les trois membres de la troïka, par un grand sourire. « Moi je ne m’oppose pas à des gens. Je m’oppose à des prises de position... Et je n’ai demandé à aucun de ces trois présidents de me soutenir. » Enfin, il appelle les Metniotes au réveil, qu’ils choisissent, naturellement, la meilleure ligne politique, « la mienne », et qu’ils ne confondent à aucun moment, la MTV et Gabriel Murr. Enfin, en deux mots comme en cent, le frère de Michel Murr insiste sur l’état déplorable de sa région, tant au niveau des infrastructures routières, que de l’eau, ou des multiples constructions sauvages – une région « tenue de main de maître par le ministre abadaye »... Il fera effectivement très chaud, le dimanche 2 juin prochain, au Metn. Ziyad MAKHOUL
Il a été le premier à annoncer sa candidature à l’autre siège grec-orthodoxe du Metn, aujourd’hui vacant après le décès d’Albert Moukheiber. Il l’a fait dix jours après la disparition de ce dernier – et non pas au lendemain, comme d’aucuns le lui ont reproché –, publiquement, entouré de deux grands ténors de la région, Nassib Lahoud et Amine Gemayel. Gabriel...