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Actualités - OPINION

Le huitième jour

Ce n’est pas au cœur, mais à la tête que l’Amérique a été frappée, le 11 septembre dernier. Le comportement primaire des dirigeants américains, aussi ivres de leur puissance et sûrs de leur bon droit que sommaires dans leurs jugements (Ariel Sharon décrit comme «un homme de paix»), le prouve amplement. Ce parti pris, c’est la victoire des vaincus. Le bien contre le mal. La nébuleuse islamiste regagne, dans les esprits, ce qu’elle a perdu en hommes et en terrain. Car la guerre de Palestine, qu’on le veuille ou non, est un choc de civilisations, dans sa monstrueuse vérité. Certaines des voix qui s’affrontent le laissent clairement entendre. Dans un même espace, il n’y a de place que pour un seul peuple, pas pour deux. Pour les uns, c’est le rêve dément d’un «transfert» des Palestiniens, ou des Arabes, de l’autre côté du Jourdain. Pour les autres, l’impossible utopie d’une destruction de l’État d’Israël et de l’instauration d’un État islamique. Ce qui se passe en ce moment n’est rien d’autre que ce duel d’intégrismes, au milieu duquel «la voix de la raison» tente timidement de se faire entendre. Mais pour réconcilier Israéliens et Palestiniens, les sept jours de la semaine ne suffisent plus. C’est désormais un huitième jour qu’il faut. En d’autres termes, pour faire vivre ensemble deux peuples qui se déchirent et se haïssent, pour faire avancer le processus de paix, c’est désormais non pas de nouvelles formules, mais une nouvelle échelle de valeurs qu’il faut. Ce qui se passe en Israël et en Palestine prouve bien que l’on se trouve toujours dans la préhistoire de l’humanité, que ce n’est pas une question d’armes, mais d’esprit et de cœur. Car c’est dans l’esprit et le cœur que l’espace de la coexistence est trouvé, avant de l’être dans le monde physique. Le conflit se situe bien ici et maintenant, du point de vue du temps linéaire. Mais il se situe aussi dans la préhistoire de l’humanité, au temps de Caïn et Abel, de la traite des Noirs, de la conquête de l’Ouest, du capitalisme sauvage du XIXe siècle, bien avant que les hommes ne se soient décidés à avoir une Charte des droits de l’homme et une organisation internationale pour gérer leurs problèmes et leurs conflits, bien avant que la démocratie n’ait émergé comme le meilleur système de gouvernement possible. Mais cette fois, la désinformation et le black-out n’étaient pas possibles. C’est donc aux yeux du monde entier que l’amère vérité a été jouée et rejouée : celle qui décrit cyniquement les rapports humains en termes de rapports de force, et non de droit, celle qui fait régner entre les hommes la loi de la jungle, la loi des loups. Et encore, n’insultons pas les loups. Quoi qu’on en dise, le chaos continuera à gouverner cette partie du monde, tant que cette nouvelle échelle des valeurs n’est pas trouvée, ou mieux, tant qu’elle n’est pas appliquée, et tant que justice n’est pas rendue à tous. En Palestine, bien sûr, mais au Liban aussi. Et de cette justice, nous n’entendons aucun des grands de ce monde parler. Il va de soi que c’est la monstruosité, injustice faite à la Palestine, qui frappe avant tout l’imagination. Mais s’est-on demandé la raison pour laquelle c’est uniquement une partie de la rue libanaise qui vibre à cet appel ? Pourtant, cette raison est toute simple. C’est qu’une partie du Liban n’est pas encore remise des souffrances que lui ont fait subir ceux qui voulaient faire passer le chemin de la Palestine par Jounieh. Aujourd’hui, c’est malheureusement dans une étrange indifférence qu’elle assiste à la passion de ceux qu’elle accuse de lui avoir fait subir violence sur violence. Comment se solidariser avec la Palestine occupée, quand son propre pays se bat contre une insidieuse occupation qui ne dit pas son nom ? Non, un certain Liban, et c’est navrant, restera à l’écart de ce qui se passe en Palestine, tant que la réconciliation entre les Libanais continuera à être traitée de «chimère» et tant qu’on fera tout pour perpétuer les rapports de domination auxquels il est assujetti et faire triompher la pensée unique en donnant en exemple de démocratie une société sans dialogue. Le conflit israélo-arabe est, par excellence, celui de deux visions du monde, de deux civilisations engagées dans une impasse. Pour en sortir, c’est d’une troisième vision que le monde a besoin. Une vision qui ferait sortir les rapports entre les États du monde de l’abstrait des idéologies, vers le concret des valeurs. Toutes les autres voies ne seront que de nouvelles formes de violence. Toutes les autres voies seront sans issue. Fady NOUN
Ce n’est pas au cœur, mais à la tête que l’Amérique a été frappée, le 11 septembre dernier. Le comportement primaire des dirigeants américains, aussi ivres de leur puissance et sûrs de leur bon droit que sommaires dans leurs jugements (Ariel Sharon décrit comme «un homme de paix»), le prouve amplement. Ce parti pris, c’est la victoire des vaincus. Le bien contre le...