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Actualités - REPORTAGE

Sante - L’alcoolisme peut entraîner des dégâts irréparables, avertissent les médecins (photos)

«Tu noies tes chagrins dans l’alcool ? Méfie-toi, ils savent nager». Cette citation d’Yves Mirande, reprise par Jocelyne Azar, psychiatre, dans le cadre d’un séminaire sur l’alcoolisme à l’hôpital de La Croix, illustre parfaitement le problème de départ posé par la consommation excessive d’alcool. En effet, les mythes et les préjugés véhiculés par l’alcoolisme abondent, illustrant souvent à tort les «bienfaits» de l’alcool, voire ses «effets thérapeutiques». Tandis que les médecins reconnaissent de plus en plus les effets néfastes de cette substance sur la santé physique et psychique, les publicitaires continuent de vanter les vertus de la boisson alcoolisée. Organisée par la Société libanaise de psychiatrie, cette rencontre, qui a réuni plusieurs psychiatres, neurologues et gastro-entérologues éminents, était intitulée «La prise en charge multidisciplinaire de la maladie alcoolique». Une manière de dire que l’alcoolisme est souvent synonyme de comorbidité – un terme utilisé à plusieurs reprises par les conférenciers – et que son traitement nécessite la coordination entre plusieurs disciplines médicales, comme l’a fait remarquer le professeur Antoine Boustany, président de la Société libanaise de psychiatrie. C’est probablement le Dr Dory Hachem, psychiatre à l’hôpital de La Croix, qui exprimera le mieux la difficulté à définir l’alcoolique, qui présente souvent une forme quelconque de troubles psychiques. «L’alcoolisme n’est pas la quantité d’alcool ingurgitée, la sorte ou la fréquence, mais plutôt la relation que l’on a avec le produit alcoolisé», a-t-il affirmé en faisant allusion à la relation de dépendance et au type de «sensations» recherchées par le buveur à travers l’alcool. Que l’on fasse partie des buveurs quotidiens, des grands buveurs de fin de semaine, des alcooliques périodiques, ou de «ceux qui aiment tellement boire qu’ils ont développé un rituel absolument suave autour de l’alcool», l’important est de savoir pourquoi l’on boit. «Angoisse d’être abandonné, peur de la violence, isolement social, sentiment de honte ou d’impuissance, inhibition, timidité, recherche d’euphorie, moyen de sociabiliser, d’aller vers l’autre», autant de raisons, avancent les spécialistes, qui poussent tout un chacun à boire sans pour autant prévoir les conséquences d’un acte qui peut facilement mener à la dépendance et, par conséquent, aux multiples maladies qui s’ensuivent. Facteurs sociaux et culturels Bien que «l’alcoolo-dépendance» soit générée par de multiples facteurs biologiques, voire même psychiques, de très nombreux facteurs sociaux et culturels peuvent la favoriser. Ces facteurs ont souvent contribué à encourager et à inciter les gens à s’alcooliser, souvent sans se rendre compte des effets néfastes de cette substance. «Ainsi l’alcool, avec sa fonction psychotrope, a été longtemps vénéré comme médicament : contre la fièvre, les maux de tête, les problèmes de digestion et même pour guérir la débilité», affirme le Dr Samy Richa, psychiatre et alcoologue, en retraçant l’histoire sociale et culturelle de l’alcool. «Tout cela a contribué à laisser à ce produit une histoire qui lui est propre et dont l’étude aide largement à comprendre les effets néfastes mais aussi bénéfiques qu’il peut receler», poursuit le Dr Richa. Et le psychiatre de relever l’influence de certaines communications publicitaires sur la boisson alcoolisée qui misent souvent sur l’idée «des retrouvailles» autour d’un verre, «en associant rêve et réalité». Bref, il s’agit de vendre l’idée d’un véritable moment d’euphorie que procure l’alcool. Or, dit Samy Richa, on ne devrait plus être leurré aujourd’hui sur les méfaits de cette substance comme facteur de dysfonctionnement (et non plus de retrouvailles) au sein du couple. «Oui, dit-il, “ils iront effectivement à Venise”, comme le promet la publicité. Mais une fois là-bas, il lui offrira des fleurs avec des mains tremblantes». Comment devient-on alcoolique ? Et qui devient alcoolique ? «Bien que la consommation d’alcool soit fréquemment associée à des troubles psychiatriques (anxiété, dépression, troubles de la personnalité), la nature de l’interrelation entre l’alcoolisme et la pathologie mentale demeure malgré tout mal élucidée», affirme Jocelyne Azar. Toutefois, l’association d’une pathologie dépressive à l’alcoolisme est fréquente. «L’anxiété, comme la dépression, est souvent associée à l’alcoolisme. L’interrelation est souvent complexe : l’anxiété est un facteur favorisant les alcoolisations. L’alcool, lui, est un agent réducteur de tension “dans un premier temps”, puis générateur d’anxiété». Les femmes et l’alcool Josiane Skaff, psychiatre, s’est penchée sur le cas des femmes qui boivent, en considérant les effets de l’alcool sur le sexe féminin «bien plus vulnérable que les hommes face à la boisson alcoolisée». Les études ont montré que les femmes commencent à boire à un âge relativement plus avancé que les hommes alcooliques, souligne-t-elle. Par contre, dit-elle, elles développent des maladies dues à l’alcoolisme plus rapidement. Les femmes alcooliques sont prédisposées au suicide et elles ont une histoire de troubles psychiques. «Il faut souvent rechercher l’alcoolisme chez la femme, dit-elle, car elle le reconnaîtra rarement, et ce pour des considérations sociologiques. Il faut voir également s’il n’y a pas d’autres dépendances». Non seulement la femme risque deux fois plus que l’homme d’avoir une cirrhose, mais encore elle peut avoir une ménopause précoce, avec un taux de mortalité 5 fois plus que la normale, avance Mme Skaff. «La femme est encore plus prédisposée à l’alcoolisme, dans la mesure où elle donne beaucoup d’importance aux relations avec les autres», l’alcool ayant une fonction de «désinhibition» par excellence. On peut toutefois déceler seul aspect positif, relève Josiane Skaff, à savoir que l’alcool retarde l’ostéoporose chez la femme s’il est consommé modérément. «Certaines personnes pratiquent une autothérapie en buvant de l’alcool. Si elle est bien faite, elle n’est rien d’autre qu’une forme de toxicomanie adaptée», relève le Dr André Baladi, psychiatre lui aussi. Et de relever que les jeunes prennent de l’alcool comme de la drogue pour se déconnecter de la réalité. Si les problèmes psychiques qui accompagnent l’alcoolisme sont substantiels, ils ne doivent pas toutefois occulter les effets de cette substance sur la santé, principalement sur le foie et sur le système gastrique. Les effets délétères sur le foie ne sont plus méconnus. Dans un premier stade, l’alcool provoque une accumulation de graisses dans les cellules du foie, souligne le Dr César Yaghi, gastro-entérologue. «Avec des consommations importantes et épisodiques, le sujet est exposé au risque d’une inflammation du foie qui mènera par la suite à une cirrhose alcoolique, atteinte chronique et irréversible avec de multiples complications allant de l’hémorragie digestive au cancer du foie». Des études récentes ont montré que certains facteurs majoraient ces risques. Il s’agit du sexe féminin (qui est plus à risque), du surpoids et de l’obésité, de la consommation chronique excessive (plus de 7 verres par semaine pour les femmes, plus de 10 verres par semaine pour les hommes). L’alcool est une toxine, rappelle le Dr Philippe Saniour. Avec des effets multiples et nocifs sur le système digestif. L’alcool augmente le reflux gastrique, cause des hémorragies digestives secondaires et des lésions indirectes au niveau de l’œsophage et de l’estomac. Devant un tableau aussi sombre, il serait peut-être bon de méditer, comme l’a proposé le Dr Hachem, les mots de saint Augustin qui a dit que «l’abstinence est plus facile que la modération parfaite». Jeanine JALKH
«Tu noies tes chagrins dans l’alcool ? Méfie-toi, ils savent nager». Cette citation d’Yves Mirande, reprise par Jocelyne Azar, psychiatre, dans le cadre d’un séminaire sur l’alcoolisme à l’hôpital de La Croix, illustre parfaitement le problème de départ posé par la consommation excessive d’alcool. En effet, les mythes et les préjugés véhiculés par l’alcoolisme abondent,...