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Actualités - INTERVIEWS

interview - Samy Richa met en garde contre les idées reçues Alcoolisme mondain et pathologique : les deux facettes d’un même mal (PHOTO)

« Il est peut-être temps de commencer à mettre au clair les fausses idées véhiculées dans la société à propos de l’alcool. Elles sont d’autant plus pernicieuses qu’elles peuvent mener à une alcoolisation massive et à une forme de dépendance grave à l’alcool». C’est ce qu’affirme le Dr Samy Richa, psychiatre-alcoologue qui estime qu’en encourageant – pour des raisons dites «sociales» ou parfois «médicales» la boisson alcoolisée, on risque souvent d’induire en erreur des personnes qui pourraient déjà avoir soit une tendance à la dépendance, soit une pathologie quelconque qui en fera par la suite de vrais alcooliques. Et le Dr Richa d’énumérer les préjugés qui circulent surtout au Moyen-Orient à propos de la boisson alcoolisée : «On devient plus fort quand on boit. L’ingestion de l’alcool est synonyme de virilité ; l’alcool augmente les performances sexuelles et la libido etc…». «Toutes ces idées sont fausses, affirme le psychiatre. Les études démontrent aujourd’hui par exemple que l’alcool est sexolythique». Autant d’idées répandues qui peuvent facilement, pousser le sujet vers une forme de dépendance grave à cette substance qui n’est d’ailleurs pas moins nocive que le tabac ou la drogue. Autre idée reçue, ajoute le psychiatre, est celle qui associe la consommation d’alcool à des messages de santé publique du genre «le bon cholestérol est augmenté par un verre de vin», ou encore, «si on boit de l’alcool, on est prémuni contre les maladies du cœur et contre l’Alzheimer». «Or, dit Dr Richa, même si certaines parmi ces affirmations sont vraies sur un certain plan, il est absolument dangereux d’en faire une communication publique et généralisée. Car il s’agit d’une recommandation médicale qui doit être faite au cas par cas. Elle ne saurait être applicable à tout le monde. Le danger est d’inciter à la consommation d’alcool des personnes qui pourraient potentiellement avoir tendance à la dépendance. Certaines personnes pourraient commencer par un verre et ne plus s’arrêter». Dr Samy Richa insiste sur l’importance du dépistage précoce qui doit se faire avant même de tomber dans la dépendance. Il s’agit, dit-il, de retrouver les deux grands groupes majeurs de consommateurs dits à «problèmes». «Il y a ceux qui ont une comorbidité entre l’alcool et une autre maladie, c’est à dire ceux qui souffrent d’une double maladie simultanément, “l’alcoolo-dépendance” et une autre maladie – telle que des troubles anxieux, la dépression, une schizophrénie ou une personnalité pathologique comme les psychopathes – où l’alcool est considéré comme étant un symptôme de la maladie. Dans ce cas-là, le dépistage se fait par le biais du diagnostic de la maladie elle-même. Ainsi, si on traite la maladie on évite l’alcoolo-dépendance» précise le psychiatre. «Il y a ensuite ceux qui ont potentiellement un capital addictif, c’est-à-dire qui ont plus d’addictions possibles que d’autres», dit-il. Ce sont généralement des personnes qui ont une grande propension à la dépendance. Ils commencent à 14-15 ans par le cannabis, ils passent à l’alcool à 16-17 ans, puis à l’héroïne à 18-19 ans. Plus tard, c’est le jeu pathologique, la prise de sédatifs etc., explique Dr Richa. Dans ce cas, il s’agit de personnes qui ont eu des parcours très chaotiques associés à une délinquance, avec beaucoup de déboires avec la justice. Elles proviennent généralement de familles où les parents sont déjà dépendants (drogue ou alcool). Et le Dr Richa d’insister : «Ce qu’il fait savoir, c’est que lorsque l’on tombe dans l’alcoolo-dépendance, on peut s’en sortir par une thérapeutique médicamenteuse et des psychothérapies». Aujourd’hui, nous avons des molécules qui diminuent l’appétence à l’alcool dite aussi «craving». La postcure ou réhabilitation n’est pas non plus à ignorer, car dit le psychiatre, les alcooliques, à l’instar des joueurs pathologiques, sont des êtres complètements démunis, qui ont dépensé toute leur fortune sur l’alcool, et ont dû parfois s’endetter en accumulant les problèmes familiaux. Certains se sont carrément retrouvés à la rue. Le traitement, qui se fait en plusieurs étapes, commence par un sevrage d’une dizaine de jours à l’hôpital. Il sera ensuite suivi d’une thérapie et d’une réhabilitation dans un centre – Oum Nour pour le Liban – où la personne traitée devra apprendre à se débarrasser de certains réflexes et des idées erronées. Bref, elle devra apprendre un nouveau mode de vie. «Il s’agit de retrouver de nouvelles habilités sociales et de réintégrer la vie tout en étant accompagné d’un spécialiste», souligne Samy Richa. Outre les deux grandes catégories de consommateurs à problème, les médecins relèvent une troisième catégorie de buveurs qui est souvent plus difficile à dépister puisqu’il s’agit des alcooliques sociaux. L’alcoolisme social et mondain peut recouvrir une sorte de nébuleuse sociale. Non seulement il n’existe pas de statistiques et de chiffres à l’appui, mais cette catégorie est souvent sous-diagnotiquée, explique Dr Richa. «Par exemple, il a des gens qui ont bu durant toute leur vie dans le cadre de ce qu’on appelle l’alcoolisme mondain, et qui ont présenté vers l’âge de 40-50 ans des signes brusques de troubles de mémoire, de perte de concentration, de lenteur dans le travail. Ils ont présenté des signes avant-coureurs d’une démence alcoolique sans le savoir. Du coup, ils ont perdu des éléments très importants de leur vie, le fait de lire, de retenir, et ce à un âge très précoce». Enfin, il existe un dernier préjugé dont il faut également se débarrasser, celui du seuil de tolérance des individus par rapport à l’alcool. Là encore, les idées fourmillent, et les susceptibilités abondent, précise le psychiatre. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a d’abord une différence entre les hommes et les femmes, une différence génétique entre certaines familles et d’autres qui ont des métabolismes tout à fait différents. Il y a enfin la question de la durée de l’alcool dans le sang. En attendant donc la création de la société d’addictologie qui devrait bientôt voir le jour, il serait peut-être bénéfique de se méfier des idées recues, ce qui permettra de se prémunir contre l’alcoolisme mondain... Jeanine JALKH
« Il est peut-être temps de commencer à mettre au clair les fausses idées véhiculées dans la société à propos de l’alcool. Elles sont d’autant plus pernicieuses qu’elles peuvent mener à une alcoolisation massive et à une forme de dépendance grave à l’alcool». C’est ce qu’affirme le Dr Samy Richa, psychiatre-alcoologue qui estime qu’en encourageant – pour...