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Actualités - REPORTAGE

Métiers insolites Etre voiturier, un vrai marathon !(PHOTO)

Être rapide, efficace, souriant, telles sont les qualités requises pour le job de voiturier, celui qui doit dégainer plus vite que son ombre et faire sentir à chaque client qu’il est le seul à régner sur le royaume de la nuit. 20h30. Moustache, 35 ans, chemise bleue claire, anorak bleu nuit, cigarette à la main, l’homme est debout contre le mur, face à la porte d’entrée du restaurant. La circulation est dense en ce vendredi soir dans cette artère chargée de la capitale, la très célèbre rue Monnot. Il est planté là, comme tous les soirs, sauf le dimanche, jour de repos bien mérité. Il attend, fixe les voitures qui passent. Il égrène un presse-temps entre ses doigts, comme pour mieux entretenir sa patience. Son métier a vu son explosion au Liban il y a quelque six années. Élie est voiturier, responsable des clients et de leur véhicule depuis cinq ans maintenant. Le matin, il est livreur dans une société de catering ; le soir, il prend soin du bien-être des noctambules. Lui seul connaît le prénom de la plupart des habitués, a toujours le mot aimable. «Il y a longtemps que vous n’êtes plus venue. Passez au moins nous dire bonjour», lance-t-il à une jeune femme qui vient d’arriver et qui lui rend son sourire. Les Libanais adorent les voituriers, au même titre que les téléphones portables dont ils ne peuvent plus se passer. Car ils sont chargés d’assurer la meilleure place et la plus proche à leur voiture qu’ils aiment comme la prunelle de leurs yeux. Surtout, ils sont chargés de leur faire sentir, devant un client, une future conquête ou un probable rival, qu’ils sont les rois du monde pour un soir. Élie est donc chargé d’organiser l’opération accueil-récupération de ladite voiture et flatterie avec le sourire, sous une pluie battante, parapluie haut la main pour ces dames qui se disent bonsoir-au revoir sur le trottoir ou dans la chaleur suffocante des longues nuits d’été. La même opération se répétant, dans le sens inverse cette fois, quelques heures plus tard. Avec deux ou trois autres jeunes, suivant les soirées, qu’il a lui-même engagés et entraînés et qu’il rémunère en fin de nuit, le marathon peut commencer. Les qualités requises sont une super forme physique, car il faut au plus vite ramener la voiture à son propriétaire souvent très impatient, et donc de la patience pour deux. «Le client peut passer cinq heures à l’intérieur du restaurant, il ne peut pas attendre cinq minutes ici. Les vendredis et samedis soir, nous prenons la rue Abdel Wahab en marche arrière pour éviter les embouteillages et surtout des crises de colère. Il faut faire avec, le client difficile, le capricieux, celui qui a bu un verre de trop, l’insolent, l’avare. Il ne faut pas croire que tous nous laissent un pourboire, nous n’avons pas de salaire, nous vivons de leur générosité ; le restaurant assure le parking et les vêtements. Les bons mois et après avoir payé mes assistants, il me reste 400 000 LL. Depuis le 11 septembre, les choses ont beaucoup changé. Moins de gens, moins de pourboires !». Tout cet effort pour ça ? serait-on tenté de demander. «C’est un métier fatigant et ingrat. Les gens remercient et apprécient rarement. Mais nous n’avons pas le choix». Un homme vient de sortir du restaurant, Élie jette un coup d’œil rapide à Khaled qui est de permanence aujourd’hui, lui chuchote la marque et la couleur de la voiture. Ce dernier saisit la clef accrochée sur le panneau, se précipite vers le parking où veillent toutes les voitures et revient moins d’une minute plus tard, satisfait. La soirée qui ressemble à toutes celles des vendredis et samedis se poursuit avec des moments plus pointus, après minuit. À 2 heures passées, Élie et ses compères peuvent enfin rentrer chez eux. Pas d’incidents majeurs à signaler. Comme toujours «pas d’accidents, jamais de voitures perdues ni de clefs égarées», Élie est fier de ce label de confiance. La voiture de monsieur est avancée. Monsieur est content. Tout le monde a passé une bonne soirée. Tout le monde ? Enfin, presque… Carla HENOUD
Être rapide, efficace, souriant, telles sont les qualités requises pour le job de voiturier, celui qui doit dégainer plus vite que son ombre et faire sentir à chaque client qu’il est le seul à régner sur le royaume de la nuit. 20h30. Moustache, 35 ans, chemise bleue claire, anorak bleu nuit, cigarette à la main, l’homme est debout contre le mur, face à la porte d’entrée...