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Actualités - ANALYSE

Vient de paraître - « Faites tomber les murs », de Carole Dagher Le Liban redécouvert

À l’occasion de la parution de l’ouvrage de Carole Dagher, Faites tomber les murs, le défi du Liban de l’après-guerre (Éditions l’Harmattan) (1), la Mission culturelle française, en partenariat avec la librairie Le Point, a organisé un débat de présentation soutenu par Me Pharès Zoghbi et M. Séoud el-Mawla. De L’Orient-Le Jour à Georgetown University, ou elle est chercheur associé, en passant par le Safir et la LBCI, Carole Dagher a parcouru un itinéraire passionnant dont ses ouvrages reflètent le dévorant souci : celui de déchiffrer l’histoire contemporaine, pour tenter de prouver que le Liban est possible, que cette synthèse de l’histoire n’est pas un rêve fou, un rêve brisé, bref, un rêve. Dans son ouvrage, Dagher tente donc de scruter les chances de vie du Liban, et en particulier l’effort des chrétiens du Liban pour faire échec à «l’assimilation culturelle, sous couvert d’appartenance à une même civilisation arabo-islamique». Et d’autres chances de vie, elle n’en voit que dans la fidélité des chrétiens, mais aussi des musulmans, à une responsabilité que Jean-Paul II et l’histoire ont placée sur «les frêles épaules» du Liban, celle d’être «un message». Présentant le débat, Carole Dagher a dit que «la libanisation», un terme passé dans le Larousse et devenu synonyme d’éclatement politique et de guerre civile, est en train de regagner lentement un sens qu’il n’aurait jamais dû perdre, celui de coexistence et de convivialité. Et de citer un mot de l’ancien président de la Chambre Hussein Husseini déclarant tout récemment à la télévision «qu’il ne faut plus réclamer l’arabité du Liban, mais la libanité du monde arabe». Lentement, oui, mais sûrement, un renversement de tendance est en train de s’opérer, auquel les chercheurs et penseurs sont plus sensibles que ceux qui sont plongés dans l’action, parce que leurs antennes paraboliques sont à l’écoute de ce qui vient. L’ouvrage, qui pose sans complaisance la problématique de la convivialité, prend encore plus de sens après les attentats du 11 septembre. «Choc des civilisations ou dialogue ?» «C’est là, dit Carole Dagher, que le Liban pend un peu plus de sens. Au cœur de cette équation, il y a les chrétiens d’Orient et leur avenir. Ils sont l’expression vivante que l’islam peut vivre avec d’autres religions, coexister, échanger, fructifier... C’est d’abord un défi pour le monde islamique lui-même que de prouver que le pluralisme et la démocratie sont possibles, que Samuel Huntington a tort, que Jean-Paul II a raison… Et pour cela, le monde arabe a besoin du Liban. Et par conséquent des Libanais...» «Mais nous, Libanais, y croyons-nous ?» s’interroge-t-elle. «Si nous n’y croyons plus, alors le Liban n’aura été qu’un accident de l’histoire». «Quand donc les Libanais, musulmans et chrétiens, se mettront-ils d’accord et partageront-ils, ensemble, la vision d’un même Liban ?» est sa question finale, à laquelle seuls l’avenir, l’histoire et le courage des Libanais apporteront une réponse. Le Liban, patrie ou champ de bataille ? Tour à tour Pharès Zoghbi, avocat et penseur, et Séoud el-Mawla, professeur, chercheur et longtemps représentant de la communauté chiite au Comité national islamo-chrétien pour le dialogue, ont donné la répartie à Carole Dagher et réfléchi sur les questions que soulève son ouvrage. D’emblée, Zoghbi a placé son effort sur le plan existentiel fondamental, celui d’un effort pour «restaurer l’âme du Liban». Rejetant avec J.F. Revel les radicalismes et les ghettos culturels que l’on a tenté d’imposer durant la guerre, Zoghbi finit sa présentation en dénonçant «le piège des certitudes qui nous fait croire que Dieu est toujours là pour sauver le Liban (...) ignorant que nous construisons notre éternel avec les mains du temporel, car l’Éternel est lui-même charnel, comme dirait Péguy». Zoghbi appelle donc à réagir contre «le réflexe de fuite qui nous fait croire que notre futur se fera tout seul, hors du temps et de l’espace qui sont les nôtres, avec à l’intérieur des exilés de l’histoire, et à l’extérieur les exilés tout court». Séoud el-Mawla devait, pour sa part, en une magistrale mais brève présentation historique, retracer le cheminement de l’idée du Liban au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. Faisant remonter la «guerre civile», c’est-à-dire la division du Liban à 1948, c’est-à-dire au partage de la Palestine, quand «les Libanais se sont divisés sur le sens et le rôle de leur pays sur base de cette polarisation régionale et internationale», quand le Liban a été transformé en «un champ de bataille, une “saha”, et non une patrie ou une nation». Poursuivant sa réflexion, Mawla date de 1990 le retour vers «l’idée libanaise». Citons-le : «En quittant les idéologies et les discours totalitaires et hégémonistes, après avoir fait par leur sang et leurs martyrs l’expérience de toutes sortes de fondamentalismes, les Libanais ont redécouvert leur Liban, leur identité et leur avenir. Les moments historiques et les figures historiques qui incarnent ce cheminement pour moi sont : le pape, l’imam Chamseddine, le patriarche Sfeir, le Synode et l’Exhortation apostolique. Avec ces chefs et ces moments, les Libanais ont redéfini le sens de l’arabité, qui est un lien culturel, linguistique plus qu’un projet politique porté par un parti totalitaire (...) Les Libanais ont redécouvert ce que leur système protégeait depuis 1943, c’est-à-dire l’unité dans la diversité, la pluralité religieuse et culturelle, la démocratie consensuelle, les libertés et l’ouverture, la tolérance et l’acceptation de l’autre sont aujourd’hui non seulement un rêve humain mondial, mais une nécessité pragmatique urgente pour protéger le tissu national et social de chaque pays, et protéger la paix civile ainsi que la paix mondiale (...) Le Liban donne l’exemple à tous les pays arabes quant à la présence chrétienne, facteur composant et source de richesse et de complémentarité». Et Mawla de citer les positions de l’imam Chamseddine qui soulevait la nécessité de créer une nouvelle théologie musulmane, un nouveau «fiqh», une nouvelle pensée et un nouveau «ijtihad» islamique sur le dialogue, la pluralité, le respect de l’autre, mais aussi et surtout sur la complémentarité et la participation de l’autre dans la direction des affaires de l’État». Fady NOUN (1) Écrit en anglais, «Bring Down the Walls» a paru aux éditions St Martin’s Press-MacMillan. Faites tomber les murs en est l’édition française.
À l’occasion de la parution de l’ouvrage de Carole Dagher, Faites tomber les murs, le défi du Liban de l’après-guerre (Éditions l’Harmattan) (1), la Mission culturelle française, en partenariat avec la librairie Le Point, a organisé un débat de présentation soutenu par Me Pharès Zoghbi et M. Séoud el-Mawla. De L’Orient-Le Jour à Georgetown University, ou elle est chercheur...