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Actualités - REPORTAGE

SOCIÉTÉ - Borek Sipek, un grand architecte tchèque, s’installe au Liban La vie, comme source d’inspiration (photos)

L’architecture, Borek Sipek en a fait un art de vivre. Cet architecte (faudrait-il plutôt dire artiste ?) tchèque de renommée mondiale est non seulement reconnu pour les grands projets dont il est l’auteur, mais aussi pour les meubles, les objets divers et les intérieurs qu’il a conçus. Les cheveux grisonnants coiffés vers l’arrière, l’œil vif et le sourire en coin, Borek Sipek donne surtout l’impression de ne pas se prendre au sérieux, malgré son impressionnant parcours. Ses réponses sont toujours imprévisibles et souvent teintées d’humour. Nous l’avons rencontré lors de son dernier séjour à Beyrouth, alors qu’il venait de signer un contrat pour l’ouverture d’un bureau au Liban avec des partenaires libanais. Avec un amusement non dissimulé, Borek Sipek explique que la première fois qu’il a été attiré par l’architecture, c’est quand il a rencontré, dans sa jeunesse, une personne exerçant cette profession et qu’il a… aimé la consonance du mot. Sans trop savoir, à l’époque, ce que cela signifiait vraiment. Ce souvenir d’enfance a apparemment pesé dans la balance lorsqu’il a pris la décision de prendre le chemin de la Faculté d’architecture en Allemagne en 1969, à l’âge de dix-neuf ans. Quand on l’interroge sur sa vision, sur les grandes lignes de son architecture, il vous surprend par une réponse toute simple : «Je ne crois pas que j’aie une vision. Et je ne suis pas sûr que ce soit une très bonne chose d’en avoir, parce que l’architecture est un exercice qui dépend très étroitement du contexte dans lequel est placé le projet qu’on est appelé à concevoir. À supposer que l’on ait une vision, il n’en faut pas moins l’adapter aux contingences du travail». Cela signifie-t-il que Borek Sipek tient davantage compte des besoins de son projet que de sa propre créativité ? «Disons que je satisfais les exigences du projet en y ajoutant ma touche personnelle», répond-il. «Il y a beaucoup de nécessités à respecter : le contexte culturel, les contingences physiques (le mouvement du Soleil, par exemple). Et si ligne directrice il y a dans mon travail, elle n’est pas très visible à l’œil nu, elle est plutôt sentie». Précisant sa pensée, il ajoute : «Si l’on n’aime pas un objet quelconque, on peut détourner les yeux et l’oublier. Mais comment détourner les yeux d’un bâtiment quand on est à l’intérieur ? On ne peut ignorer les murs qui nous entourent ou la qualité acoustique de l’endroit. C’est ce qui fait de l’architecture un métier si passionnant : s’il tient compte de tous les petits détails lors de la construction, l’architecte peut influer de façon très nette sur la vie des futurs habitants du lieu. Et même s’il n’y pense pas, il continuera d’avoir un impact sur leur vie, mais ce sera terrible parce qu’il aura peut-être commis des erreurs dans sa conception, et l’impact sera négatif». Les sources d’inspiration de Borek Sipek sont multiples. Il a commencé par être très admiratif à l’égard des grands noms de son métier, comme tout le monde, mais il a dépassé ce stade ultérieurement. «Ce qui m’inspire aujourd’hui, c’est la vie, tout simplement», dit-il. «J’observe les gens vivre et, pour moi, c’est ma plus haute source d’inspiration». Existe-t-il des limites à transgresser ? «Oui, et si l’on veut être d’avant-garde et pousser la discipline un peu plus loin, il est indispensable de les franchir», indique-t-il. «Mais la difficulté n’est pas de transgresser les limites, mais de les définir. Et c’est cela que je tente de faire continuellement». Créer des objets « irrésistibles » M. Sipek ne s’est pas contenté d’architecture, et il est également connu pour sa conception de meubles et d’objets de décoration. Cela dénote-t-il un intérêt particulier envers les objets ou une volonté de parfaire la conquête de l’espace ? Rien de tout cela… ce sont les circonstances qui ont mené l’architecte tchèque sur cette voie. «Je venais de déménager d’Allemagne aux Pays-Bas, après mes études, et je me retrouvai au chômage», raconte-t-il. «Personne ne me connaissait dans ce pays et je détestais entrer en compétition pour des projets. J’ai alors entrepris la création de meubles et d’objets d’intérieur, ce qui m’était plus facile, à l’époque, compte tenu de mes moyens. J’ai gardé mes modèles et les ai peu à peu fait réaliser». À noter que les meubles et objets conçus par M. Sipek ne sont pas tous des exemplaires uniques, mais qu’ils sont généralement mis en vente en édition limitée. C’est une activité que, d’ailleurs, il n’a jamais cessé d’exercer. À quoi pense-t-il surtout quand il crée un objet ? Pour mieux exprimer sa pensée, Borek Sipek raconte cette anecdote qu’il a vécue : à une exposition d’un artiste autrichien inconnu, il avait été tellement impressionné par les objets décoratifs qui s’y trouvaient qu’il avait une envie folle de les toucher, de les caresser. «C’est cela qui m’a tant frappé dans le design et auquel je tends continuellement : présenter au public des choses dont il ne pourra tout simplement plus s’éloigner», poursuit-il. L’une des caractéristiques de cet artiste, c’est sa propension à mélanger les différents matériaux : bois et métal, par exemple, se marient très bien chez lui. «C’est l’équivalent de la fusion, qu’on trouve en musique», explique-t-il. «Utiliser différentes sources culturelles, marier le traditionnel au moderne, établir un dialogue entre l’organique et le géométrique… en un mot, le contraste». M. Sipek sourit à la question de savoir quel projet, de toute sa longue carrière, est celui qu’il préfère. «C’est toujours le dernier», répond-il. «Mais je garde une tendresse particulière pour mon travail au palais présidentiel de Prague (en 1991, il a été désigné architecte du palais par Vaclav Havel). Il est très intéressant de travailler pour le palais en raison de l’aspect historique de cette partie de la ville qu’il est impossible d’ignorer. J’aime aussi le musée d’art moderne en Hollande qui a présenté plusieurs difficultés lors de sa réalisation». Actuellement, Borek Sipek possède un bureau d’architecture à Prague, dans son pays natal, «Sipek Associates», et vient d’en fonder un autre au Liban, en partenariat avec l’architecte Maroun Mazen. Le contrat a été signé il y a deux semaines à peine. Bien que n’ayant encore aucun projet à son actif au Liban, M. Sipek et ses partenaires devraient commencer par organiser une exposition où l’architecte tchèque présentera de grands projets tels qu’il les conçoit pour Beyrouth. En somme, une présentation d’un projet (suggéré et non réel) en même temps que l’introduction de la compagnie sur le marché. Pourquoi a-t-il choisi le Liban ? «Le pays passe par une étape intéressante de reconstruction», dit-il. «Pour un architecte, il est intéressant de faire partie de cela». Mais ce n’est pas le travail qui avait attiré M. Sipek au Liban en premier, ce sont des amis tchèques qui l’y ont invité il y a trois ans. C’est la vie sociale et la chaleur humaine de la population qui l’ont le plus séduit, en plus du climat. Il voit en Beyrouth un grand potentiel pour de beaux projets. Pour sa part, M. Mazen, qui était un admirateur de Borek Sipek avant même de le rencontrer, explique que le bureau devrait devenir opérationnel dans les quelques mois à venir. Les deux architectes ont été reçus le 12 février par le président de la République, Émile Lahoud, qui a apprécié l’initiative de M. Sipek au Liban et suit de près son installation dans ce pays. Un parcours remarquable Borek Sipek est né à Prague (République tchèque) en 1949. Il a quitté son pays natal en 1968 pour l’Allemagne, et a suivi des cours d’architecture à Hambourg dès 1969. Polyvalent, il a également étudié la philosophie à Stuttgart et occupé plusieurs postes d’enseignement supérieur de sa discipline dans diverses universités. Il n’est revenu s’installer dans son pays qu’en 1996 bien qu’il ait été désigné architecte du palais présidentiel de Prague dès 1991. C’est en 1999 qu’il fonde sa société à Prague. Détenteur de plusieurs prix d’architecture, il a des dizaines de projets importants à son actif comme la Maison de verre à Norderstedt (Allemagne), l’entrée du théâtre de Göttingen dans le même pays, la boutique de Karl Lagerfeld à Paris... S.B.
L’architecture, Borek Sipek en a fait un art de vivre. Cet architecte (faudrait-il plutôt dire artiste ?) tchèque de renommée mondiale est non seulement reconnu pour les grands projets dont il est l’auteur, mais aussi pour les meubles, les objets divers et les intérieurs qu’il a conçus. Les cheveux grisonnants coiffés vers l’arrière, l’œil vif et le sourire en coin,...