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Actualités - OPINION

VIE POLITIQUE - Pour une fois opposants et loyalistes d’accord La corruption, une lèpre létale qu’il faut combattre d’urgence

Le Liban officiel a pris corps à l’issue de la Grande Guerre, au siècle dernier. Et jamais depuis lors le pouvoir n’est parvenu à juguler la corruption. Mère occulte d’une dilapidation patente autant qu’anémiante des fonds publics. Opposants et loyalistes se rejoignent autour d’un tel diagnostic. Mais de remède, point. Les tentatives de réforme administrative se trouvent toujours étouffées dans l’œuf. Se limitant à quelques poursuites judiciaires contre de hauts fonctionnaires ou à la mise sur la touche de quelques autres. Sans autre suivi. Quant aux politiciens, ministres et députés en tête, il est rare qu’ils se trouvent formellement accusés. Et encore plus qu’ils se retrouvent derrière les barreaux. La loi sur l’enrichissement illicite, censée contrôler tous le personnel public, n’a produit jusqu’à présent aucun effet tangible. Les déclarations de patrimoine auxquelles les officiels sont tenus restent invérifiées, parce qu’invérifiables, à l’ombre du secret bancaire, comme des législations qui permettent par exemple de mettre les biens au nom de l’épouse. La pratique courante des pots-de-vin pour faire avancer les formalités est socialement, mais aussi économiquement, admise comme un moindre mal face aux pertes qu’entraîne pour les projets le retard dû à la pesanteur bureaucratique. Seule la direction de la Sûreté générale tire son épingle (de sûreté) du jeu. En appliquant un système de procédure postale directe, sans possibilité d’interventions et dans des délais fixes rapprochés. Quant au gaspillage persistant des finances publiques, il revêt des formes multiples. L’État emploie, par exemple, un trop-plein de parasites. Il lui arrive d’honorer des contrats salariaux mirobolants. Sans compter les larges indemnités qu’il verse aux ex-gouvernants ou députés, voire à leurs familles. Il lui faut entretenir une myriade d’organismes inutiles, comme les Conseils et les Caisses, extrêmement dispendieux. Sans compter les prestations de santé ou sociales parfois fraudées. Ou les travaux adjugés à des tarifs excédant de loin leur coût réel. Tout cela, et le reste, alors que le Trésor boîte fortement du côté de la perception. Le plus déprimant, soulignent des députés opposants et loyalistes, reste que le pouvoir se montre incapable d’appliquer la loi. Ils citent l’exemple retentissant de l’électricité, des branchements illicites, des quittances impayées, sans poursuites. Tandis que la facture de l’EDL fait perdre chaque jour à l’État un million et demi de dollars. Du côté de la mer aussi, la corruption prend le large avec les spoliations des biens publics. Dans l’éther, grisant, la dénonciation du piratage des communications téléphoniques extérieures (200 millions de dollars) n’a mené à rien côté tribunaux. Et n’a débouché que sur des mesures prises par le ministre concerné, M. Jean-Louis Cardahi, pour réduire les détournements. Sur le plan politique, ou plutôt politicien, des responsables avouent en privé qu’il est assez fréquent que des fonds publics soient déboursés pour régler des différends ou par complaisance pure. Pour tout dire, le chancre est si étendu qu’il affaiblit gravement l’organisme économique tout entier. Chiffres et études en main, des parlementaires et des experts prouvent que les plans de redressement, de réactivation de l’économie, d’augmentation des recettes, de compression des dépenses, de réduction de la dette (28 milliards de dollars) comme du déficit budgétaire ne sont que des coups d’épée dans l’eau. Tant qu’on n’a pas abattu l’hydre de la corruption en mettant au pas suborneurs et pourris. Sans se contenter de demi-mesures. Ou de fusibles commodes de second ordre, de boucs émissaires qui permettent aux grands d’en réchapper. Condition sine qua non, par ailleurs, pour l’édification d’un véritable État de droit et des institutions. Ce qui implique une évidence : il faut sévir et non pas gommer l’ardoise en affirmant qu’on va tourner la page. Car le nettoyage ne se fait en définitive que par l’exemple. Dont l’amnistie est l’antonyme anonyme. Émile KHOURY
Le Liban officiel a pris corps à l’issue de la Grande Guerre, au siècle dernier. Et jamais depuis lors le pouvoir n’est parvenu à juguler la corruption. Mère occulte d’une dilapidation patente autant qu’anémiante des fonds publics. Opposants et loyalistes se rejoignent autour d’un tel diagnostic. Mais de remède, point. Les tentatives de réforme administrative se...