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Actualités - ANALYSE

Liban-Syrie - Les deux pays sont mécontents de ne pas avoir été consultés sur l’initiative du prince Abdallah Damas et Beyrouth se positionnent avant le sommet arabe

Quelle que soit la symbolique au plan bilatéral de la visite inopinée effectuée hier à Beyrouth par le président syrien Bachar el-Assad, c’est bien sur la scène régionale que les effets des décisions qui y ont été prises auront le plus d’impact dans les semaines à venir. À moins d’un mois du sommet arabe de Beyrouth, le Liban et la Syrie ont en effet pris leurs marques... et leurs distances à l’égard de l’évolution entamée par le triangle «modéré» saoudo-égypto-jordanien, tout en s’efforçant de maintenir un ton conciliant. Fait marquant de la journée, le communiqué conjoint publié au terme de la visite ne fait aucune mention de l’initiative officieuse de paix du prince héritier saoudien, l’émir Abdallah ben Abdel Aziz, avec lequel tant Beyrouth que Damas entretiennent d’excellentes relations. Les auteurs du texte ont pourtant assez clairement inscrit cette initiative en filigrane, non pas pour la dénigrer, certes, mais plutôt pour en mesurer les insuffisances. Car, aux yeux du Liban et de la Syrie, les idées exposées il y a deux semaines par le prince Abdallah à Thomas L. Friedman, le célèbre journaliste du New York Times, pèchent au moins par un défaut majeur : elles ignorent totalement la question du droit au retour des réfugiés palestiniens, consacré par la résolution 194 du Conseil de sécurité des Nations unies. L’homme fort du royaume wahhabite s’était contenté d’évoquer une normalisation complète des relations entre les Arabes et Israël en échange d’un retrait total de l’État hébreu des territoires arabes occupés depuis 1967. Or, dans l’énumération des conditions requises pour parvenir à une paix globale, le communiqué libano-syrien place la résolution 194 avant la 242, la 338 et la 425. Autrement dit, pour Damas et Beyrouth, la question des réfugiés est au moins aussi importante, sinon davantage, que celle de la récupération des territoires. D’autre part, on peut aussi supposer que la Syrie et une bonne partie de la classe politique libanaise n’ont pas beaucoup apprécié que le prince Abdallah parle aussi crûment de «normalisation» avec Israël, au lieu qu’il s’en tienne aux termes de références de Madrid, à savoir l’échange de «la terre contre la paix». La différence est en effet notable et Damas, malgré l’engagement pris à Madrid, a toujours cherché à entretenir le flou sur ses intentions après la signature d’un traité de paix. Une seule fois, en 1994, le défunt président Hafez el-Assad avait semblé franchir le pas, mais de manière tout à fait implicite. Il avait déclaré, dans un célèbre discours, que son pays était prêt à «se conformer aux impératifs de la paix». Depuis, plus rien, si ce n’est, au contraire, l’appel répété à l’arrêt de toute normalisation des pays arabes avec l’État hébreu. Pour en revenir à l’initiative du prince Abdallah, il faut tout de même souligner que, dans un premier temps, les dirigeants libanais l’avaient bien accueillie, certains du bout des lèvres, d’autres, comme le chef du gouvernement Rafic Hariri, avec davantage d’enthousiasme. La Syrie, au contraire, a jusqu’ici gardé officiellement un mutisme total à cet égard. L’insistance de la presse syrienne ces derniers jours sur la nécessité de soutenir l’intifada et le principe du droit au retour des Palestiniens a été généralement interprétée comme une marque de mauvaise humeur à l’égard de Ryad et de scepticisme envers la démarche du prince Abdallah. Quant au Hezbollah, il avait affirmé jeudi que «seul le jihad (guerre sainte) est capable d’assurer la victoire en Palestine, plutôt que de payer un prix politique élevé comme la normalisation des relations avec l’ennemi». Selon le quotidien saoudien al-Watan, M. Assad devrait se rendre demain mardi en Arabie saoudite. Mais l’information n’a pas été confirmée hier. Pas de « front du refus » Au cours de sa visite de cinq heures, qui a coïncidé avec une aggravation de la violence entre Israël et les Palestiniens, le président Bachar el-Assad a donc longuement passé en revue la situation au Proche-Orient, d’abord en tête à tête avec son homologue libanais Émile Lahoud, puis lors d’une réunion du Conseil supérieur de coopération bilatérale. De sources officielles à la présidence de la République, on indique que la visite du président Assad a été couronnée de succès, ses objectifs ayant été atteints. Selon ces sources, cette visite a permis que, quelques semaines avant la tenue du sommet arabe, les deux chefs d’État «en sortent avec des positions communes sur les plans interne et externe». Les sources de la présidence ont indiqué que l’initiative officieuse du prince Abdallah ben Abdel Aziz a bel et bien été débattue par les deux présidents. MM. Lahoud et Assad étaient d’accord, selon ces sources, pour estimer que «les idées saoudiennes ne peuvent pas encore être qualifiées à ce stade d’initiative diplomatique» et qu’il était encore nécessaire «d’intensifier les concertations et de développer ces idées afin qu’elles se transforment en une initiative à proprement parler». Cela dit, ajoute-t-on de mêmes sources, les deux parties ont clairement souligné qu’à leurs yeux, «tout effort destiné à mettre fin au conflit israélo-arabe doit nécessairement passer par l’application des résolutions internationales garantissant non seulement le retrait d’Israël de tous les territoires arabes occupés, mais aussi le droit au retour des réfugiés palestiniens chez eux». Les sources de la présidence ont également noté que les deux chefs d’État étaient «soucieux de ne pas donner de leur rencontre l’impression qu’ils ont voulu anticiper sur les résultats du sommet arabe». Il est cependant clair, poursuivent ces sources, que l’orientation prise par les deux présidents est «de faire en sorte que le sommet puisse déboucher sur des résultats renforçant la solidarité interarabe et la lutte du peuple palestinien, en traçant les contours d’une paix juste et globale», telle qu’ils la conçoivent. Dans les milieux proches de Baabda, on tient à faire savoir que la posture adoptée par le Liban et la Syrie ne signifie nullement qu’ils entendent faire figure de «front du refus» face aux «modérés» arabes, représentés notamment par l’Égypte, l’Arabie saoudite et la Jordanie. Selon ces sources, il est toutefois clair que les deux pays, qui sont avec les Palestiniens au cœur du conflit proche-oriental, étaient mécontents de n’avoir pas été consultés au sujet de l’initiative officieuse du prince héritier saoudien. Pour ce qui est du Liban-Sud, le communiqué libano-syrien est cette fois-ci peu disert, M. Assad se contentant d’évoquer «les parties toujours occupées» de ce secteur dans la liste des territoires qu’Israël est appelé à évacuer. Enfin, les deux pays ont réaffirmé leur «opposition commune au terrorisme sous toutes ses formes» et «condamné dans le même temps les tentatives d’Israël d’exploiter les événements du 11 septembre pour mettre sur le même plan terrorisme et droit à la résistance». Élie FAYAD
Quelle que soit la symbolique au plan bilatéral de la visite inopinée effectuée hier à Beyrouth par le président syrien Bachar el-Assad, c’est bien sur la scène régionale que les effets des décisions qui y ont été prises auront le plus d’impact dans les semaines à venir. À moins d’un mois du sommet arabe de Beyrouth, le Liban et la Syrie ont en effet pris leurs...