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Actualités - OPINION

Trois mois pour redresser la barre Les opposants jouent les Cassandre. À les en croire, le pays est au bord de la ruine. Les loyalistes leur répondent qu’au contraire, le sauvetage se rapproche. Pour sa part, un expert réputé, qui n’appartient à aucun de ces deux camps, pense que les trois mois à venir sont cruciaux. Passé ce délai, le Liban basculerait de fait dans le rouge. Cet avis, piqué au vol, est venu conclure un bref dialogue entre le spécialiste cité et un ministre informé. Qui, à la question de savoir quand l’affaire du cellulaire, qui reste la plus facile des privatisations, pourrait être réglée, a répondu que cela devrait intervenir dans les cent jours. Détaillant un peu en privé son point de vue, le professionnel soutient que les dispositions adoptées jusque-là ne constituent que des palliatifs retardateurs ou amortisseurs. Schématiquement, dit-il, la réduction de la dette publique comme du déficit budgétaire nécessite un afflux de fonds que seules les privatisations, assorties d’un programme d’emprunts privilégiés et d’assistances diverses, peuvent assurer. Par le biais de Paris II, ou d’une autre source si ce forum tombe à l’eau. Le fait est que le Liban subit sévèrement le contrecoup de son endettement excessif au niveau socio-économique. L’épreuve, qui fait suite aux malheurs d’une trop longue guerre intérieure, est au-dessus de ses forces. D’autant qu’elle mord largement sur sa vitalité politique, dans la mesure où toutes les structures publiques se trouvent érodées par la corruption comme par un gaspillage anarchique. Le tout se trouvant fortement aggravé par les zizanies entre les pôles locaux. L’appauvrissement est double, puisque le marasme engendre le chômage et provoque un fort mouvement d’émigration touchant autant les cerveaux que la jeunesse. Dans ces conditions, une évidence s’impose, dit l’économiste cité : il faut que le gouvernement ne place pas toutes ses mises sur Paris II. Qui risque de ne pas se tenir, ou de ne pas tenir ses promesses. Probabilité d’autant plus forte que nul n’ignore les pressions restrictives exercées actuellement par les États-Unis au sujet du Hezbollah. De ce fait, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale pourraient bien ne pas voler au secours du Liban. Et l’Europe elle-même se laisserait éventuellement influencer par Washington. Notamment, redoute ce spécialiste, si M. Jacques Chirac, grand ami de ce pays comme de M. Rafic Hariri devait perdre l’Élysée face à M. Lionel Jospin, lors de la prochaine présidentielle française. Alors que faire, comment compter uniquement sur soi ? En mettant vraiment le paquet sur les privatisations, répète l’expert local. Qui fixe cependant la barre très haut, peut-être même un peu trop haut. Car, à son avis, le programme devrait produire un apport de quelque cinq milliards de dollars. Ce qui permettrait de décrocher une double timbale complémentaire : d’une part alléger la dette publique et son service (paiement des intérêts) ; ensuite obtenir de nouveaux emprunts à long terme et taux réduits. Ce qui constituerait une sorte de moratoire étalé sur des dizaines d’années. Pendant lesquelles le pays pourrait retrouver son souffle, ranimer son cycle économique, équilibrer son budget et se sortir progressivement du pétrin. En veillant, bien entendu, à combattre les vieux démons de l’anarchie, aussi bien au niveau de la praxis politique que de l’Administration. Et en se souciant, souligne cet observateur avisé, de préserver, de renforcer encore le seul domaine qui présente toujours des signes de bonne santé, le secteur bancaire. Parallèlement, et petit à petit, le Liban se montrerait attractif pour les capitaux arabes ou émigrés. Un trésor énorme puisque selon un rapport récent de Meryll Lynch, ces capitaux, disséminés dans le monde, étaient l’an dernier de l’ordre de 1 400 milliards de dollars. À quelque chose malheur est bon : les attentats du 11 septembre, ou plutôt leurs suites, ont provoqué un fort mouvement de reflux de ces capitaux d’Ouest en Est. Le Liban devrait s’efforcer d’en profiter, en usant des charmes du secret bancaire, estime donc le spécialiste cité. Pour qui il est nécessaire que nos dirigeants plaident avec insistance ce dossier lors du prochain sommet arabe qu’ils ont la chance d’organiser à domicile. De leur côté, les quelque 15 millions de Libanais de l’étranger représentent en gros plus de cent milliards de dollars. Ils sont en principe, et en général, disposés à aider la mère patrie. Mais il faut un minimum d’organisation. Ainsi, lors du congrès des émigrés tenu il y a deux ans à Beyrouth, les participants se sont plaints d’une seule et même voix des entraves rencontrées, de la routine bureaucratique, des trop lourdes formalités comme des taxations ou des législations opaques qui les empêchent de rapatrier une partie consistante de leur fortune. Sans compter, bien évidemment, la crainte des risques qu’engendre la situation régionalo-locale, notamment la tension persistante au Sud. Émile KHOURY
Trois mois pour redresser la barre Les opposants jouent les Cassandre. À les en croire, le pays est au bord de la ruine. Les loyalistes leur répondent qu’au contraire, le sauvetage se rapproche. Pour sa part, un expert réputé, qui n’appartient à aucun de ces deux camps, pense que les trois mois à venir sont cruciaux. Passé ce délai, le Liban basculerait de fait dans le...