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Actualités - OPINION

Il faut compléter les décisions plutôt que d’accuser l’opposition de tous les maux Les répercussions seront négatives si on ne donne pas la priorité au contrôle et à la qualité

Où l’on continue, évidemment, de parler de l’abolition de la protection des agences exclusives. Sauf que cette décision gouvernementale censée briser les monopoles et réduire les prix n’aura que des répercussions négatives si elle n’est pas flanquée d’une série de mesures qui viendront la compléter. À savoir : des mesures de contrôle effectives et drastiques pour préserver la qualité, empêcher la contrebande, éviter donc que cette mesure ne vienne servir des intérêts individuels au détriment du consommateur. Et du Liban. Ce qui fait peur, à en croire les instances économiques, c’est que cette décision n’a pas été étudiée au préalable : elle a été complètement bâclée, bouclée à la va-vite, parce que le gouvernement, et en particulier le Premier ministre, ont tenu à adopter le principe, refusant net tout ajournement ou toute annulation. Parce que la crédibilité et la réputation du gouvernement, comme la crédibilité de Rafic Hariri lui-même, sont en jeu. Cette peur, cette appréhension, le chef de l’État s’en est fait l’écho. Au cours du Conseil des ministres qui a avalisé la décision de l’abolition, il avait justement demandé que priment les intérêts du consommateur, et que soit effectif l’organisme de contrôle qui garantirait à cette décision un avenir sain. Il avait, rappelons-le, demandé qu’y soit adjoint, en «attached file», tout un «package» de mesures. Il n’empêche, des pôles politiques, les instances économiques, des experts et même certains ministres jugent que tout cela est loin d’être suffisant. Qu’il faut impérativement toute une série de projets de loi autour de l’exclusivité – et cela, à tous les niveaux. C’est-à-dire que le gouvernement travaillerait à la libéralisation de l’ensemble des marchandises, ce qui réduirait sensiblement les prix. Et même avec tout ce cadre légal, poursuivent tous ces opposants, cela ne suffirait toujours pas. Serait-il possible au commerçant libanais de faire la concurrence au commerçant des pays de la région, ou des pays du Golfe, de la même façon que ces derniers traitent avec le commerçant libanais ? Existe-t-il dans ces pays-là (les pays limitrophes, le Golfe…) des lois allant dans le sens d’une libéralisation du marché – comme c’est désormais le cas au Liban depuis la décision prise la semaine dernière par le gouvernement ? Ou bien les agences arabes sont-elles protégées ? Toutes ces questions poussent les antiabolitionnistes à appeler à une analyse bien plus élargie, à une vision régionale et non pas uniquement locale, étant donné que ceux qui ont applaudi, voire influencé la décision du gouvernement Hariri, sont ceux-là mêmes (pays donateurs, organisations et Fonds internationaux…) qui soutiennent le Liban ou qui concourent à la tenue d’un éventuel Paris II. Les antiabolitionnistes vont plus loin : au lieu de cette décision hâtive, au lieu de la TVA, le gouvernement devrait, selon eux, s’employer à redynamiser la production, endiguer le chômage, favoriser l’arrivée de capitaux et d’investisseurs, etc. Ces opposants, dont certains ministres, soulignent à l’adresse du gouvernement qu’il ne suffit pas de demander au citoyen de payer taxes et impôts parce que l’État est déficitaire, mais qu’il faudrait que l’équipe dirigeante prenne des mesures radicales pour réduire les dépenses et le gaspillage au sein de l’Administration. Même si cela devait lui valoir tout un wagon de critiques ou de campagnes politiques venues de toutes parts. Le n°1 de l’État avait d’ailleurs évoqué cette nécessité, lorsqu’il avait exhorté le gouvernement à améliorer sa performance, mettant l’accent sur le gaspillage, les pots-de-vin, et sur la mauvaise administration, en règle générale, au sein de certains ministères. Justement, les questions qui ne cessent d’être posées dans le landernau politique – mais sans réponses pour l’instant, du moins officielles – sont les suivantes : pourquoi le gaspillage continue ? à quoi (à qui) sert l’argent public ? pourquoi certaines Caisses (le Conseil du Sud, le Haut comité de secours, la Caisse des déplacés, etc.) continuent-elles à exister ? D’ailleurs, de nombreux milieux politiques estiment – avec comme toile de fond l’ambiguïté qui régit les mesures du gouvernement – que cette transparence que le régime a portée en étendard, la considérant même comme une de ses spécificités, un de ses piliers, n’existe pas. Puisqu’il y a conflit sur les chiffres, sur les avis, et ce, entre les différents pôles du pouvoir. Puisque l’on se perd entre ceux qui demandent que les responsabilités soient assumées, que l’opinion publique soit éclairée, guidée, et les autres. Comment le consommateur peut-il alors faire, comment peut-il avoir confiance, soutenir les initiatives du gouvernement, alors que de très nombreux points d’interrogation persistent ? Des sources de l’opposition disent même que le gouvernement n’a plus le droit d’accuser cette opposition de colporter rumeurs et allégations, ou de saper le travail de l’équipe en place. Mais que celle-ci devrait en finir avec les «ce sont des initiatives nécessaires pour régler la situation économique, elles auront des résultats positifs», pour ne donner au Libanais que des actes et des preuves. C’est uniquement de cela que le Libanais, à qui ses dirigeants promettent depuis des lustres monts et merveilles sans jamais passer à l’acte, a besoin. C’est uniquement d’actes et de preuves dont le citoyen a besoin, depuis que le gouvernement a clairement montré qu’il avait peur de prendre les mesures nécessaires à l’arrêt définitif du gaspillage. Et des «avantages politiques». Philippe ABI-AKL
Où l’on continue, évidemment, de parler de l’abolition de la protection des agences exclusives. Sauf que cette décision gouvernementale censée briser les monopoles et réduire les prix n’aura que des répercussions négatives si elle n’est pas flanquée d’une série de mesures qui viendront la compléter. À savoir : des mesures de contrôle effectives et drastiques pour...