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Actualités - CHRONOLOGIE

HARMONIES DU SOIR - Un petit cours sur la grande musique L’orgue, un instrument polyphonique impressionnant(photo)

La séance des «Harmonies du soir» du lundi dernier au CCF (comme toujours animée par Étienne Kupélian) était consacrée à l’orgue, instrument par excellence de la musique religieuse et sacrée. L’orgue est apparu dans le monde hellénistique vers le deuxième siècle avant J-C. Le mot orgue vient du grec «organon», qui signifie machine, ustensile ou instrument. Par la suite, il prit le nom d’«organum». Les premiers orgues, appelés «hydraules» (orgue hydraulique), dérivaient de la modeste flûte de Pan. Ils étaient formés d’une série de roseaux, de différentes longueurs, disposés en ordre décroissant, accompagnés d’un mécanisme qui permettait ou empêchait l’entrée de l’air dans les tuyaux. L’air emmagasiné maintenait la pression grâce à un certain volume d’eau contenu dans un réservoir. «Le principe était exactement comme celui de la flûte à bec, indique Étienne Kupélian. Ces tubes avaient une embouchure en biseau. L’air, en passant à l’intérieur, sifflait et donnait le son. Les tubes courts formaient les aigus et les longs les graves. Il n’y avait pas de gamme. Mais l’instrument donnait, sans doute, des notes qui devaient bien sonner à l’oreille, à cette époque, puisqu’il était surtout utilisé dans les cérémonies sacrées». L’«hydraule» s’est amélioré au cours des siècles. Les Romains lui ont apporté quelques notes en plus et quelques perfectionnements de mécanisme. À la chute de l’Empire romain, cet instrument disparaît complètement pour ne réapparaître qu’à Constantinople, sous une forme beaucoup plus élaborée. C’est l’empereur Constantin V qui, en l’envoyant parmi d’autres présents à Pépin le Bref, roi des Francs, va introduire au VIIIe siècle l’orgue en Europe. «On a retrouvé, grâce aux documents d’époque (archives, plans et dessin de fabrication de cet instrument) la trace de deux genres d’“organums” au Moyen Âge: le portatif et le positif», déclare Étienne Kupélian. «L’instrumentiste de l’orgue portatif actionnait d’une main un système de soufflerie, tout en jouant de l’autre main sur un petit clavier. Et c’est là où apparaît pour la première fois l’idée d’un clavier», signale le conférencier. «Quant à l’orgue positif, plus volumineux, il devait être posé sur une table. C’est ce dernier qui aboutira plus tard à l’harmonium et aux grandes orgues positives que l’on trouve dans les petites paroisses et les chapelles». Désobéissance au pape Cet instrument toujours associé à la musique religieuse et sacrée a, paradoxalement, été introduit dans les églises «un peu en désobéissance au pape, qui exigeait que le plein chant grégorien ne soit pas accompagné, indique Kupélian. Mais comme l’orgue prenait déjà à l’époque beaucoup de place et qu’il avait besoin d’espace pour que le son puisse s’étaler, certains cardinaux et évêques, pour des raisons d’ordre pratique et de satisfaction personnelle, l’ont installé sous les grandes voûtes des cathédrales gothiques. Une fois dans l’église, il allait évidemment servir à accompagner les chants liturgiques». Durant tout le Moyen Âge, l’orgue se développe graduellement pour aboutir à la Renaissance «à la fabrication d’instruments avec des données techniques tellement élaborées qu’elles sont restées à quatre-vingt-quinze pour cent les mêmes que de nos jours, souligne Kupélian. Il y a même, paraît-il, dans les archives des conservatoires en Angleterre, les plans d’un grand orgue, qui aurait été construit à Westminster et qui à l’époque comportait déjà 10 000 tuyaux». Ces tuyaux, quel que soit leur nombre, fonctionnent toujours en groupes. Ce n’est jamais un tuyau seul qui donne un son, mais un groupe de tuyaux qu’on appelle un «jeu». «Et qui vont évoluer dans différents registres du plus grave au plus aigu. Ces mélanges de sons vont créer justement ce qu’on appelle des jeux, formés donc par des groupes de tuyaux, qui imitent chacun la voix d’un instrument, comme la flûte, le hautbois, le clairon, la trompette, les bassons, la bombarde, etc. Au XIXe siècle – qui a été l’aboutissement de l’orgue symphonique – on avait évidemment des jeux qu’on n’avait pas au XVIIIe et encore moins au XVIIe». Des milliers d’orgues différentes «Sur les milliers d’orgues qui existent, il n’y a pas deux orgues qui se ressemblent, affirme Étienne Kupélian. Ni du point de vue aspect extérieur (parce que l’on «construit» l’orgue en fonction de l’architecture du lieu où il va être placé), ni surtout du point de vue des jeux de sons. Parce qu’il existe différentes séries de tuyaux : tuyaux cylindriques, tuyaux coniques, à l’extrémité supérieure ouverte, fermée ou partiellement fermée... Et que dans les séries il y a des tailles différentes. Tout comme il y a aussi des systèmes d’enclenchements différents : avec des tuyaux à biseau et des tuyaux où le son est enclenché par des anches (qui sont là des lamelles métalliques extrêmement minces, qui vibrent comme des roseaux) . Et, là aussi, l’épaisseur de l’anche va influer sur le son...». Par ailleurs, alors qu’on se contentait au XVIIe siècle d’un ou de deux claviers, l’orgue romantique du XIXe siècle va avoir jusqu’à cinq claviers. Ces grandes orgues (avec quelque cinquante ou soixante touches par clavier, sans compter les pédales pour jouer les notes basses, ou encore pour produire des registres) pouvaient ainsi donner un véritable langage symphonique. «L’orgue est alors traité comme un orchestre, et les compositions à plusieurs voix sont écrites en fonction d’une orchestration de l’œuvre». Parmi les plus célèbres compositions pour orgue, on peut signaler : les nombreuses musiques religieuses, mais aussi certaines œuvres de pur divertissement comme cette Toccata et fugue en ré mineur, du grand musicien et organiste allemand J-S Bach. Une série de concertos pour orgue et orchestre de Haendel ; des symphonies pour orgue de Charles Marie Vidor ; des symphonies de César Frank, qui a été l’organiste, titulaire des grandes orgues de la Madeleine à Paris, et qui a écrit de très belles œuvres dont une magnifique Prélude, fugue et variation ; le fameux Ave Maria de Gounod, qui avait été composé pour orgue avant que le musicien ne lui adapte lui-même la ligne mélodique ; un très beau concerto pour orgue et orchestre de Poulenc ; et enfin, le Je rends grâce à Dieu de Naji Hakim, un morceau écrit par notre organiste national en hommage à Messiaen dont il a pris la relève à l’église de la Trinité à Paris. Z.Z. *Thème de la prochaine séance du lundi 18 février : le piano.
La séance des «Harmonies du soir» du lundi dernier au CCF (comme toujours animée par Étienne Kupélian) était consacrée à l’orgue, instrument par excellence de la musique religieuse et sacrée. L’orgue est apparu dans le monde hellénistique vers le deuxième siècle avant J-C. Le mot orgue vient du grec «organon», qui signifie machine, ustensile ou instrument. Par la...