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Actualités - CHRONOLOGIE

Procès - La cassette vidéo des aveux sera diffusée intégralement mercredi prochain Toufic Hindi au tribunal militaire : « J’ai subi tant de pressions que j’avais hâte d’en finir »

Il en avait gros sur le cœur, Toufic Hindi, depuis le 7 août, et devant le tribunal militaire qui procédait hier à son interrogatoire, il a déballé toute sa frustration, son humiliation et sa profonde révolte. Sans attendre les questions du brigadier Maher Safieddine – qui préside ce tribunal depuis des années –, le Dr Hindi nie tous les faits qui lui sont attribués et précise que lors de l’enquête préliminaire, il était dans un tel état physique et moral qu’il n’avait plus qu’une obsession : sauver sa tête. Le représentant du parquet militaire – qui, dans l’acte d’accusation, a requis la peine de mort contre Hindi – se contente de quelques questions, alors que Boutros Harb pousse la cour à reconnaître que la fameuse vidéo d’aveux est le fruit d’un montage... Après avoir empoisonné la vie politique pendant des mois, l’affaire Hindi-Bassil semble se dégonfler au fur et à mesure que le procès avance. L’audience d’hier, consacrée à l’interrogatoire des inculpés (deux principaux : Toufic Hindi et Antoine Bassil, et trois secondaires : Élie Keyrouz et Salmane Samaha (FL) et Jamal Nasser, accusé d’un vague commerce de maillots de bain avec Oded Zaraï), confirme d’ailleurs cette impression. Une impression à laquelle les avocats de la défense ne sont pas étrangers, faisant planer sans cesse le doute sur l’ensemble de l’affaire. Le président du tribunal accueille ces manœuvres avec son inaltérable sourire, donnant au procès une allure bienveillante, tout à fait inattendue dans un environnement aussi militarisé. Boutros Harb et le montage de la vidéo Vers 15 h, les inculpés sont donc introduits dans la salle et commencent à scruter l’assistance, à la recherche de leurs proches. Il leur faut d’abord dépasser la marée d’avocats, à leur tête cheikh Boutros Harb, mais aussi le bâtonnier Raymond Chédid (venu en observateur, il trouve le temps de dire à Toufic Hindi qu’il est convaincu de son innocence et qu’il fera tout pour que ses droits soient préservés) et l’ancien bâtonnier Issam Karam, défenseur de Keyrouz et Samaha, Fadi Ghantous membre du conseil de l’Ordre des avocats du Liban-Nord, et Me Khodr Haraké, avocat de Jamal Nasser. Viennent ensuite Fadi Hafez, de l’ambassade américaine, et Abdel Salam Sayed Ahmed, d’Amnesty International. Ce sont enfin les familles des inculpés. Lorsque les regards se retrouvent, ils ne se lâchent plus et ils sont bien plus expressifs que de longues déclarations. Les avocats soulèvent en début d’audience des exceptions de forme, concernant l’obligation de demander une autorisation à l’Ordre des avocats pour poursuivre un de ses membres, en l’occurrence Élie Keyrouz. Le tribunal répond qu’il fallait soulever cette question avant la publication de l’acte d’accusation, qui couvre toutes les irrégularités de l’enquête préliminaire. Les avocats demandent aussi que l’on retrouve les six premières pages de l’interrogatoire de Keyrouz et Samaha, qui commence à la page 7. Le tribunal répond aussi que ces pages ne concernent pas directement les inculpés présents, mais il promet de fournir une copie aux avocats. La seule victoire – et elle est de taille – est remportée par Me Boutros Harb qui demande que la vidéo dans laquelle apparaissent Hindi, Addoum et Azar soit incluse dans le dossier, en entier et non pas seulement l’extrait montré à la télé. Le commissaire du gouvernement (parquet militaire), Sami Sidki, s’y oppose, mais le tribunal y consent, reconnaissant ainsi implicitement qu’il y a eu un montage. A-t-il été jusqu’au trucage ? Avocats, proches et journalistes pourront en juger la semaine prochaine, puisque la cassette sera diffusée pendant l’audience. Terrorisé pendant 11 jours Commence ensuite l’interrogatoire de Hindi. Le président l’interroge sur ses dépositions pendant l’enquête préliminaire. Regardant droit devant lui, avec la sincérité d’un homme profondément blessé, Hindi évoque les pressions physiques et morales qu’il a subies au cours des 11 premiers jours de sa détention. Cela commence avec l’intrusion à son domicile de trois hommes en civil, le 7 août à 20 h, qui l’emmènent en lui recouvrant la tête avec sa chemise après lui avoir mis les menottes. Hindi est «débarqué» à Yarzé et, en traversant les couloirs du sous-sol où se répercutent en permanence les cris des détenus, on lui annonce qu’il va rejoindre Samir Geagea et que, comme lui, il ne sortira plus d’ici. «J’ai été terrorisé pendant 11 jours, dit-il, et si vous le voulez, je peux donner des détails». Il explique ainsi qu’il a 54 ans et que son père est mort à 59 ans, d’une crise cardiaque. «Je sentais que j’allais mourir dans ces conditions et je ne cherchais plus qu’à sauver ma tête». Le président lui demande la signification de ses propos devant le juge d’instruction, lorsqu’il déclare avoir dit aux enquêteurs ce qu’ils souhaitaient entendre. «En me regardant, comment pouvez-vous savoir ce que je veux entendre ?», Hindi explique au juge ce qu’il a subi, racontant comment on l’a interrogé sur les origines alépines de son père, lui annonçant qu’on va le ramener en Syrie. «Dès lors, à chaque convocation, je croyais qu’on m’emmenait en Syrie ou chez le responsable des SR syriens à Beyrouth». Hindi parle aussi des longues stations debout, mains liées dans le dos, avec une lumière crue sur le visage, au point qu’il s’est évanoui une fois. Il évoque aussi, et avec quelle amertume, son refus de boire et de manger car chaque aller-retour aux toilettes était une humiliation terrible, les inculpés devant faire leurs besoins sous les regards moqueurs de leurs gardiens. Sans compter les allusions sur sa femme, les menaces et autres commentaires visant à détruire son moral. «Dans ces conditions, je n’avais plus qu’un souci : dire ce qu’on attendait de moi pour en finir. D’abord pour sauver ma tête, ensuite pour aider mes enfants et ma femme, qui ont besoin de moi, puisque je ne me suis pas enrichi comme beaucoup d’autres dans ce pays». Hindi est ensuite interrogé sur son passé et le représentant du parquet cherche à le présenter comme un opportuniste ayant passé de l’extrême gauche à l’extrême droite. Hindi rejette ces classifications sommaires et précise qu’il était un nationaliste arabe et reste aujourd’hui un «arabiste», partisan d’un arabisme ouvert et tolérant. «Tous les politiciens actuels me connaissent et je ne crois pas que l’un d’eux m’ait entendu une seule fois défendre Israël. J’ai quand même porté un kalachnikov à Kfarchouba contre les Israéliens». Erreur sur la personne Le président veut savoir si Geagea a évoqué devant lui les relations avec Israël et Hindi répond qu’il n’était que son conseiller politique et que ce sujet n’a jamais été abordé devant lui. «Ce que je sais par contre, c’est que sous le commandement de Geagea, les principaux contacts des FL étaient avec les ennemis d’Israël, à savoir l’Irak et l’OLP. C’est peut-être pour cela qu’elles ont été punies». Hindi déclare avoir rencontré Antoine Bassil en 1986, lorsqu’il était en charge du département d’information des FL, mais qu’il ne lui a jamais donné un rapport afin qu’il le transmette aux Israéliens. Il raconte comment les enquêteurs lui ont dit : «Bassil a fait une grosse merde. Il a tout déballé au directeur général des SR», dans une tentative évidente de l’effrayer et de le pousser à suivre son exemple. «Je crois simplement qu’on s’est trompé de personne. Je ne me suis jamais rendu en Israël et je n’ai jamais eu de contacts avec les Israéliens. Tout ce qui figure dans l’acte d’accusation me concernant est faux». En disant cela, Hindi ne se retourne pas une seule fois, le regard fixé sur le président qui vérifie que tout est noté dans le procès-verbal. Avec le sourire bon enfant qui semble ne jamais le quitter, il lève l’audience et fixe la prochaine au 20 février. Hindi a juste le temps d’échanger un regard avec sa femme avant d’être emmené à Roumié avec Bassil, les autres inculpés ayant été remis en liberté. Dans la cour du tribunal militaire, l’ambiance est à l’optimisme. Avocats et proches sont convaincus que les inculpés seront innocentés. Me Harb a d’ailleurs présenté une demande de remise en liberté pour son client et la fête de l’amour ce soir-là ressemble bien à une fête de l’espoir. Scarlett HADDAD
Il en avait gros sur le cœur, Toufic Hindi, depuis le 7 août, et devant le tribunal militaire qui procédait hier à son interrogatoire, il a déballé toute sa frustration, son humiliation et sa profonde révolte. Sans attendre les questions du brigadier Maher Safieddine – qui préside ce tribunal depuis des années –, le Dr Hindi nie tous les faits qui lui sont attribués et...