Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

ORGANISATIONS - L’Association libanaise des sciences politiques Le Liban en perspective comparée

La formation du nouveau comité exécutif de l’Association libanaise des sciences politiques, l’amendement des statuts de l’association et l’établissement de son programme triennal 2001 – 2004 interviennent à un tournant de l’histoire du Liban et de la région. L’association, fondée en vertu du récépissé du ministère de l’Intérieur no 660 du 20/5/1958 et reconnue d’utilité publique par le décret no 4 886 du 29/6/1966, jouit d’un patrimoine de plus de quarante ans de recherches appliquées et d’action. Elle a eu un rôle fondamental et pionnier dans l’inculturation et la consolidation de la science politique au Liban et dans le monde arabe. La raison en est que le Liban d’aujourd’hui se situe au cœur de trois grandes controverses internationales : la controverse sur l’efficience et la stabilité des systèmes de partage du pouvoir, la controverse sur les chances du dialogue entre les religions, et la controverse sur la place des petites nations dans le système international. Le Liban est l’expression et le modèle concrétisé d’un rêve de l’histoire, celui d’une coexistence intercommunautaire, conflictuelle certes comme toute réalité politique vivante et complexe, mais démocratique dans un environnement avide de liberté et régi, le plus souvent, par des coups d’État. L’équilibre des rapports internes de force au Liban implique acceptation mutuelle, concertation et partage. Cette cause ou ce rêve mérite d’être défendu, non seulement pour des raisons œcuméniques, humaines et politiques, mais aussi pour des considérations internationales. Le système international contemporain est composé d’une constellation d’États dont la plupart sont contraints de gérer leur pluralisme de manière à consolider l’unité et la concorde nationale. L’impératif de coexistence, il s’agit donc de l’assumer, non en tant qu’expédient, mais en tant qu’expérience originale et cause nationale, humaine, œcuménique et à dimension internationale. Le pluralisme communautaire au Liban est une richesse à l’échelle de l’universel et de l’humain. La concordance islamo-chrétienne au Liban, d’une manière ou d’une autre, est un phénomène vivant, quotidien, inhérent à la réalité et établi sur une même terre par un même peuple uni par la même histoire, les mêmes souffrances, les mêmes us et coutumes et le même destin. L’alternative, s’il y en a, est entre une coexistence sauvage, comme celle subie en 1975-1990, et entre une coexistence rationalisée en tant que modèle de société et facteur pragmatique de stabilisation régionale et internationale. En détruisant la coexistence rationalisée et harmonieuse, l’humanité détruit au Liban l’image de son propre avenir. Le nouveau comité exécutif Le nouveau comité exécutif de l’Association libanaise des sciences politiques, élu le 16 février 2001, a approuvé au cours de trois réunions de travail un programme triennal d’action pour les années 2001-2004 comportant notamment l’organisation d’un séminaire annuel, dans un cadre universitaire, sur le thème : «Observatoire de la science politique au Liban : Orientations de la recherche et besoins de la société libanaise», et la coopération avec d’autres associations, dans une perspective de réseaux, à des programmes concernant la gouvernance, l’évolution démocratique et la loi électorale. Le comité a en outre approuvé des amendements aux statuts qui remontent à 1958, amendements approuvés par l’assemblée générale le 29 mai 2001. Les amendements visent à élargir l’adhésion et, surtout, à renforcer le caractère scientifique de l’association qui n’est ni un parti ni un syndicat professionnel. Le premier comité exécutif en 1958 comprenait : Hassan Saab (président), Béchir Aridi, Nagib Hamdane, Amal Jabbour, Georges Jabr, Souad Tabbara, Antoine Fattal, Georges Dib, Adel Abdel Rahim et Salah Abbouchi. L’association a organisé son premier congrès en novembre 1959, auquel ont participé plus de 500 politologues du Liban et de l’étranger. Les actes ont été publiés sous le titre : «La démocratie dans le monde arabe». Un second congrès, les 13-15 janvier 1961, avait pour thème : «Représentation nationale et systèmes électoraux», le troisième congrès, les 30-31 mai 1963 : «Opinion publique et vie politique au Liban», le 4e en 1964 : «Rôle des jeunes dans la vie politique», et le 5e les 22-25 avril 1968 : «Le développement politique et administratif au Liban». L’association a également publié : «L’enseignement des sciences politiques au Liban» , fruit d’un séminaire tenu les 4-5 février 1959 avec notamment des contributions de Béchir Aridi, Boutros Dib et Hassan Saab. Un autre ouvrage Travaux sur l’organisation administrative au Liban contient les actes du séminaire organisé en février-mars 1959. L’association a aussi fait paraître un ouvrage documentaire : Recueil des documents fondamentaux relatifs au système politique libanais, à l’occasion du 25e anniversaire de l’Indépendance, et deux numéros de la Revue libanaise des sciences politiques (1970). Son siège central a été occupé et ravagé durant la guerre. C’est l’ancien comité exécutif, présidé par M. Nady Tyan, qui a assuré avec vigilance la continuité de l’association. Le Liban : un laboratoire Au cours du premier congrès, les 4-5 février 1959, congrès qui intervenait après la crise de 1958, Béchir Aridi souligne : «Il est judicieux que l’enseignement de la science politique soit dispensé dans des instituts diversifiés». Sous le titre : «Comment enseigner les sciences politiques», Boutros Dib écrit : «Quel autre laboratoire est plus approprié que la société libanaise pour l’enseignement de la science politique (…). L’histoire de l’Orient est chargée de leçons : prenons cette histoire dans toute sa réalité objective pour l’analyser, sans a priori, ni préjugés, combien nombreux, qui altèrent la perception. Il s’agit de libérer notre jeunesse des présupposés, lui inculquer le sens du réel, même s’il est amère. Les équivoques nous ont trop coûté. L’apprentissage du politique exige la fusion des approches fondamentales et des applications concrètes». Hassan Saab relève au cours de la même conférence : «Les périodes transitoires sont les plus fécondes. Nous n’avons pas encore entrepris l’analyse, avec authenticité, de nos réalités politiques, de nos expériences et de celles des autres. Aussi, la science politique n’a pas encore été profondément intégrée dans notre culture. Il y a là une investigation qui permet d’élucider notre propre identité. Le dictionnaire “Lisan al-Arab” définit la politique comme l’art d’entreprendre en vue de réformer une chose, ce qui explique la propension normative de la science politique arabe à étudier ce que doit être le pouvoir plutôt qu’à analyser ce qui est». Une certaine aliénation politique montre en effet tout l’intérêt de la culture politique, condition nécessaire à la viabilité et à l’immunité du pacte libanais de coexistence. «Une culture de coexistence, affirme encore Hassan Saab, implique un dialogue scientifique permanent entre les producteurs de science politique et dans le cadre d’associations ouvertes, dont l’Association libanaise des sciences politiques, le Cénacle libanais, le Cercle culturel arabe, l’Institut des études pour le développement, le Mouvement culturel d’Antelias… Quand certaines de ces associations ont suspendu leurs activités, l’interaction entre les acteurs de l’intelligentsia, appartenant à divers courants de pensée, a faibli. Les dénominateurs communs ne s’élaborent pas dans des commissions officielles, mais par le canal d’associations culturelles d’envergure nationale, associations qui ne dénient pas les allégeances primaires, mais les transcendent. Aussi faudra-t-il stimuler la formation d’organisations scientifiques spécialisées dans le cadre d’une politique culturelle publique. Commerçants, industriels et banquiers ont leurs associations, mais les spécialistes des diverses disciplines n’ont pas encore leurs formations qui les rassemblent et assurent l’échange et l’interaction». La perspective s’applique aux autres pays arabes, surtout après la fondation de l’Association arabe des sciences politiques au cours d’une assemblée générale à Chypre en 1985. Ali Dine Hillal souligne : «La science politique dans les pays arabes souffre d’une crise d’orientation et d’une crise d’authenticité». En effet, l’aliénation et le manque d’études de terrain font que le curé du village et le bey de la localité connaissent souvent mieux les réalités sociopolitiques du Liban que des théoriciens. Pluralisme et rationalité Hassan Saab, l’un des fondateurs de l’association libanaise et premier président de son comité exécutif, parle de «l’école rationaliste dans la politique libanaise». Il écrit : «Le vieux dilemme dans la politique libanaise entre la rationalité au niveau des superstructures et l’irrationalité traditionnelle et sectaire constitue le vrai problème du Liban. Il nous faut une rationalité humaine et politique globale, et non paroissiale, ainsi qu’une vision dynamique des faits». Hassan Saab définit la rationalité en tant que «comportement de celui qui appréhende les problèmes sous l’angle de la raison et de l’expérience, au lieu de l’affectivité et de la réaction instinctive, et celui qui est disposé à l’écoute des arguments critiques et à l’acceptation des fruits de l’expérience . Un tel comportement induit le recours à la négociation et au compromis. Le recours au compromis est nécessaire, pour faire avancer la politique nationale dans un petit pays pluraliste, ouvert mais divisé sur les plans idéologiques. Le décideur politique est ballotté entre des courants contradictoires». Hassan Saab parle des «fondements pragmatiques de l’intégration nationale» et de «la confrontation du président Chéhab aux limites de la rationalité libanaise». Selon Hassan Saab, les pères fondateurs de l’indépendance de 1943 sont les symboles de cette rationalité pragmatique(1). Recréer un corps libanais de science politique, comprenant la génération des fondateurs et la nouvelle élite de politologues, telle est l’ambition des continuateurs. L’association connaît jusqu’à fin mars 2002 une restructuration qui vise à élargir l’adhésion et à sauvegarder, en même temps, son caractère scientifique, et donc ni syndicaliste ni partisan. Recréer et revitaliser l’expérience libanaise, dans une perspective arabe et comparative, constituent un défi dans la conjoncture actuelle marquée par un clientélisme forcené, une régression dans l’excellence culturelle du Liban et un laminage progressif des droits fondamentaux. Les publications de l’Association libanaise des sciences politiques L’enseignement des sciences politiques, Beyrouth, 1959 Recherche sur l’organisation administrative au Liban, Beyrouth, 1959, 224 p. L’avenir de la démocratie et ses concepts, 1er congrès, commissions 1 et 4 , Beyrouth, 1959. La démocratie au Liban, 1er congrès, commission 2, Beyrouth, 1959. La démocratie dans le monde arabe, 1er congrès, commission 3, 1959, 416 p. Recueil des documents fondamentaux relatifs au système politique libanais, Beyrouth, imp. Sader, 1968. Revue libanaise des sciences politiques, 2 no, 1970. Le comité exécutif Le comité exécutif comprend : Antoine Messarra (président), Béchir Bilani (vice-président), Chaouki Attieh et Mary Yazbek Azouri (secrétaires), Joseph Doummar et Hoda Keyrouz (trésoriers), Marguerite Hélou, Nady Tyan, Mohammed Majzoub et Adnan Iskandar (conseillers). Antoine MESSARRA
La formation du nouveau comité exécutif de l’Association libanaise des sciences politiques, l’amendement des statuts de l’association et l’établissement de son programme triennal 2001 – 2004 interviennent à un tournant de l’histoire du Liban et de la région. L’association, fondée en vertu du récépissé du ministère de l’Intérieur no 660 du 20/5/1958 et reconnue...