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Actualités - REPORTAGE

Conference - Vers une meilleure protection des mineurs délinquants et maltraités Nayla Moawad : Les droits de l’enfance sont bafoués (PHOTO)

«Les droits de l’enfance au Liban sont de plus en plus bafoués». C’est par cette déclaration que Nayla Moawad a entamé la conférence qu’elle a donnée à l’Université américaine de Beyrouth, devant un parterre de membres d’ONG œuvrant pour les droits de la femme et de l’enfant. La députée a dressé un bilan des progrès de la législation libanaise protégeant l’enfance, tout en déplorant le manque d’application effective de ces lois sur le terrain. Le Liban est le premier pays arabe à avoir ratifié, en octobre 1990, la Convention des droits de l’enfance, adoptée en 1989 par les Nations unies. Depuis, explique la présidente de la commission parlementaire des droits de l’enfance, l’Unicef, le gouvernement, les ONG et la société civile suivent la situation de l’enfance sur le terrain et œuvrent de concert pour moderniser la législation libanaise concernant ses droits et les appliquer dans la mesure du possible. Mme Moawad insiste sur l’importance du travail entrepris par les ONG et la société civile, qui, par leur connaissance des problèmes et des besoins de la population, pavent la voie aux législateurs. «Certes, dit-elle, l’enfance opprimée et abusée est un phénomène mondial, mais il faut réaliser que ce problème va en s’aggravant, que c’est la société qui en est responsable et que nous courons vers une catastrophe si personne ne réalise le danger». Elle rappelle que 85 % des cas de violence contre des enfants sont d’origine familiale, autrement dit qu’ils viennent d’un proche parent, tout en déplorant l’augmentation de la violence sexuelle, elle aussi pratiquée par un membre de la famille. «Les voisins, amis, enseignants d’un enfant abusé ou maltraité doivent réaliser qu’ils ont un rôle à jouer dans sa protection», insiste Nayla Moawad, ajoutant que les pères de familles qui maltraitent leurs enfants se sentent libres d’en abuser, alors que les hôpitaux et médecins sont encore nombreux à ne pas déclarer les cas de violence contre l’enfance. «Le pire, dit-elle, c’est que ces violences entraînent souvent des décès. Cinq mineurs sont ainsi morts dans les hôpitaux de Tripoli après avoir été violentés par un père, un oncle ou même un grand-père». «Certes, nous avons fait du chemin, reprend-elle, mais nous espérons aussi faire adopter un nouveau projet de loi protégeant efficacement les mineurs délinquants et l’enfance maltraitée, même dans les cas où les parents sont les bourreaux de leurs propres enfants». Des droits bafoués malgré les lois Quant au travail déjà accompli au niveau, il se situe majoritairement au niveau de la législation. La première étape, explique la députée, a consisté à annuler, d’abord par un décret puis par une loi, la mention «enfant illégal» ou «enfant naturel», de la carte d’identité de l’enfant né de père inconnu. «Il devenait urgent d’épargner l’humiliation à ces enfants», insiste-t-elle, déplorant que l’entière application de cette loi se heurte encore à de nombreux tabous, car le statut personnel de chacun est lié à sa confession et pris en charge par les tribunaux religieux. «Éliminer de manière radicale la mention “enfant illégal” de la carte d’identité de l’enfant né d’un père inconnu, est le rêve de ma vie, car il est honteux que les droits de ces enfants soient ainsi bafoués», dit Nayla Moawad, qui avoue vouloir y parvenir par le dialogue. Le droit de l’enfant à la vie et à la survie est un autre droit qu’elle a contribué à défendre. Un droit qui implique pour les futurs époux de se soumettre à un examen médical prénuptial afin de mieux connaître leurs conditions physiques et de prendre conscience des risques pour leur enfant, au cas où ils présentent une consanguinité ou souffrent d’une quelconque maladie. Malheureusement, déplore-t-elle, «cette loi n’est pas appliquée de manière rigoureuse, d’autant plus que l’examen médical n’est pas gratuit et que nous sommes conscients que de nombreux certificats sont falsifiés». Et d’ajouter que pour une meilleure application de la loi, l’examen prénuptial devrait être gratuit ou bien encore pratiqué à un tarif, abordable. Les cotisations des écoles publiques, trop élevées Rendre obligatoire l’éducation primaire gratuite jusqu’à l’âge de 12 ans est la troisième priorité de Mme Moawad concernant la protection de l’enfance. «Voter cette loi, tout en portant l’âge légal du travail à 14 ans, est le meilleur moyen de réduire le nombre sans cesse grandissant d’enfants qui travaillent, explique-t-elle, d’autant plus qu’il est difficile d’interdire le travail des enfants, de manière radicale, vu la crise économique». Et de préciser que lorsque la loi autorisait le travail des mineurs à partir de l’âge de 8 ans, l’exploitation des enfants était chose courante, plus spécifiquement dans les zones qui forment une ceinture de pauvreté autour des villes. L’accès de ces enfants à l’éducation était refusé et ils ne pouvaient prétendre obtenir le moindre droit. De même, nombreux étaient les agriculteurs qui faisaient travailler leurs enfants dans les champs durant des journées entières, sans se soucier de leur fatigue ou de leur besoin de jouer. «À l’instar des textes précédemment cités, la loi rendant l’éducation primaire obligatoire n’est pas encore réellement appliquée», déplore la députée. Et de mettre en cause le système selon lequel les parents d’élèves doivent verser des droits d’inscription souvent au-dessus de leurs moyens. Elle cite aussi la pauvreté qui oblige certains parents à faire travailler leurs enfants. Dans une étape ultérieure, chaque enfant devrait avoir droit aux soins, estime Mme Moawad, en précisant que l’aide des institutions privées, notamment de l’AUB et de l’AUH seraient des plus précieuses. «Nous sommes conscients de la difficulté de la chose, conclut-elle, mais nous sommes ouverts aux suggestions, car il est indispensable d’assurer les soins médicaux aux enfants, ne serait-ce que jusqu’à l’âge de trois ans». Anne-Marie El-HAGE
«Les droits de l’enfance au Liban sont de plus en plus bafoués». C’est par cette déclaration que Nayla Moawad a entamé la conférence qu’elle a donnée à l’Université américaine de Beyrouth, devant un parterre de membres d’ONG œuvrant pour les droits de la femme et de l’enfant. La députée a dressé un bilan des progrès de la législation libanaise protégeant...