Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

DÉBAT BUDGÉTAIRE - En soirée, les critiques contre le cabinet Hariri ont continué, de toutes parts, à fuser Fattouche : Avec le budget 2002, le gouvernement a inventé une nouvelle forme de terrorisme(photo)

Pas grand-monde à la reprise, hier soir place de l’Étoile, du débat budgétaire 2002. Et ce, malgré les injonctions du président de la Chambre Nabih Berry, qui avait demandé à tous les députés un maximum d’assiduité au cours de la session. Le Premier ministre Rafic Hariri n’était pas là, toujours souffrant du dos, et le ministre-star de ces quatre jours, Fouad Siniora, est arrivé en retard. Il a donc raté l’entrée en scène spectaculaire, un peu outrancière comme d’habitude, du tribun de Zahlé : Nicolas Fattouche. Acclamé par ses collègues, avec force «allah», le député de la Békaa sait qu’il sera, pendant plus d’une demi-heure, écouté. Un discours d’un très grand – et parfois très agaçant – lyrisme, mais dont on ne peut que retenir l’extrême virulence à l’encontre du cabinet Hariri. En vers comme en prose, Nicolas Fattouche déclame, amuse : c’est le roi de l’«entertainment». Sauf que derrière le clown, il y a une attaque, une diatribe en règle, un véritable brulôt contre le gouvernement Hariri. «Nous voilà aujourd’hui réunis en séance plénière, et face à nous, il y a le gouvernement. Comme partout ailleurs. Sauf que partout ailleurs, sauf ici, il y a un interlocuteur : le gouvernement». Le la est donné, le député de Zahlé peut se lancer, avec force citations, et accuser le gouvernement «d’ôter le pain de la bouche des gens, pour s’approprier lentement mais sûrement ses ressources». Ainsi que le budget, qu’il a qualifié de stérile, de superficiel, en égratignant au passage la TVA. Avant d’attaquer, en plein dans le mille : «Nous remercions le gouvernement d’avoir inventé, avec cette proposition de budget, une nouvelle définition du terrorisme». Soulignant que c’est le mensonge, désormais, qui fait la loi, l’absence de morale, «l’homme n’est plus responsable : c’est la machine»... Ghazi Aridi et Pierre Hélou, Nassib Lahoud et Ahmed Fatfat, morts de rire il y a cinq minutes, ne rient plus du tout. «On a dit que c’était un budget ambitieux. Je vous en prie, dites-moi où peut bien s’être cachée cette ambition ? Le déficit dépasse les 50 %. On a dit que c’était le budget de la confiance et du redressement, après celui de l’an dernier, qui avait pour titre la croissance. Mais la croissance s’est dissoute, et nous nous sommes réveillés avec un déficit ambitieux», assène-t-il. En citant Hô Chi Minh, s’adressant à son peuple : «La liberté est à vous, mais aussi la faim, la soif, la pauvreté, l’oppression et la souffrance. En contrepartie, il y a le repos, l’humiliation, la dignité bafouée. Que choisissez-vous ?». Nicolas Fattouche cite, puis il répond : «Nous, nous ne voulons pas l’État-police, l’État-oppression, l’État de droit. Nous voulons l’État qui convainc, l’État qui ouvre les prisons». Comprenne qui voudra. Ou qui pourra. «Nous avons ouï dire que le gouvernement avait vaincu. Mais où est l’ennemi ? À moins qu’il ne fasse partie de la famille. Et on sait qu’en famille, on se fait beaucoup de mal», explique-t-il, faisant sans doute allusion aux remous internes entre les gens du pouvoir. En axant son argumentation sur la famine, «infligée aux Libanais, au centre du complot», sur le clientélisme et, encore plus loin, «sur la division du Liban». S’arrêtant au passage, et avec un scalpel tellement il devient critique, sur quelques articles de la Constitution : le 18, qui implique l’arrêt des subventions aux céréales et à la betterave sucrière, le 24, qui exempte les compagnies affiliées à la MEA de la moitié de leurs taxes, le 31, qui autorise le ministère de l’Intérieur à vendre des terrains «qui appartiennent aux municipalités» pour «construire des prisons !!!», etc. Et puis c’est tout un laïus sur l’immunité parlementaire. Censée protéger, selon le fougueux député de Zahlé, le pouvoir législatif du pouvoir exécutif. «Le but de cette immunité, c’est d’empêcher le gouvernement, instigateur des poursuites judiciaires par le truchement du ministre de la Justice, de prendre n’importe quel prétexte pour emprisonner ou bannir de l’hémicycle un député». S’attelant à de nombreux rappels légaux (le règlement de la Chambre) et constitutionnels, Nicolas Fattouche fait allusion à son collègue de Zahlé, le député Élias Skaff, contre lequel l’ancien n°1 de l’État, Élias Hraoui, a porté plainte. «Ce qui lui arrive aujourd’hui est une atteinte au Parlement, nous devons nous y opposer, d’autant plus que le président Berry a assuré que l’immunité dure le temps du mandat parlementaire, que seul le Parlement peut s’attaquer à une immunité, et que nul n’a le droit d’expliquer la Constitution à l’exception du Parlement». Et après s’être attaqué aux nominations administratives, au sectarisme, au confessionnalisme, Nicolas Fattouche livre en plein hémicycle sa liste des oppressés : «Les étudiants sont oppressés, les syndicats, les institutions civiles de la société, les libertés de la presse – 11 journalistes ont été arrêtés en trois mois, tout cela au profit de qui ?»... Pour finir, ou presque, en citant un ouvrage américain Le Liban, la nation improbable, et en citant Socrate : «Il n’est pas nécessaire que mes mots soient acceptés : il faut qu’ils soient sincères». Deuxième député à se rendre à la tribune, le (très) berryiste Ali Hassan Khalil. Qui axera son intervention autour du 11 septembre 2001 et de ses conséquences. Et une question essentielle : «La performance du gouvernement et l’appareil administratif, tous deux défaillants, peuvent-ils s’opposer aux défis politiques et économiques auxquels le Liban fait face ? La performance du gouvernement et celle de l’appareil administratif sont loin d’être satisfaisantes, et l’intérêt national nous impose des critiques franches et constructives. Surtout qu’on ne peut pas séparer réforme administrative et réforme politique : c’est donc le gouvernement qui est responsable, lui-même, de la dégradation de toutes ces performances», a-t-il accusé. Estimant que la taille du gouvernement a fini par créer, au sein de celui-ci, une véritable opposition, «les ministres faisant part publiquement de leurs positions souvent opposées, et s’opposant totalement ou partiellement aux décisions officielles prises en Conseil des ministres». Le résultat, selon lui, est une violation des procédés démocratiques parlementaires, «une atteinte de la Constitution que reconnaissent, directement ou pas, les ministres, lorsqu’ils affirment ne pas participer à la gestation et à la naissance de la décision politique». En fait, c’est une attaque en règle qu’a lancée le député sudiste contre la praxis politique, et contre le gouvernement, citant un ministre qui exigeait que le Conseil des ministres en soit effectivement un, «et non un Conseil de directeurs généraux». Et après avoir critiqué un certain nombre de chiffres présents dans la mouture 2002 du budget, et souligné qu’«il était absolument impossible de séparer le politique de l’économique», et que les constantes nationales étaient ainsi menacées, Ali Hassan Khalil a convenu qu’«il soutenait le gouvernement quand celui-ci appuie la Résistance, demande l’application de l’accord de Madrid ou fait le distinguo entre résistance et terrorisme». Le député du chouf Élie Aoun s’est également attardé sur le 11 septembre et ses répercussions, ainsi que sur les enjeux, pour le Liban, du nouvel ordre mondial. Mettant également l’accent sur la «réforme politique – un dossier toujours défaillant, et qui a un impact négatif sur la situation économique. Parce que à la base de tout, il y a la démocratie, la liberté et les droits de l’homme – tout cela reste encore très bancal au Liban, même parfois tout cela est violé», a-t-il rappelé. Quant au député hezbollahi Nazih Mansour, il sera le seul (outre l’ancien n°2 de l’État Hussein Husseini, qui a rendu hommage au président de la République pour son coup d’éclat) à faire allusion à ce qui s’était passé la veille en Conseil des ministres, et rendra un hommage appuyé au n°1 de l’État, Émile Lahoud. Estimant que le budget 2002 «ressemble beaucoup» à celui de 2001, examiné il y a sept mois, et s’en prenant violemment à la corruption, il s’est employé à critiquer le gouvernement sur la politique suivie au Liban-Sud, que ce soit au niveau de l’infrastructure, des transports ou de l’agriculture. Se demandant à quoi cela pouvait bien servir de rêver à Paris II ou au congrès des amis du Liban à Washington, «lorsque le gouvernement n’est même pas capable de s’entendre sur les nominations». Et ont également pris la parole les députés Marwan Farès, Georges Najm et Saleh Kheir. Ziyad MAKHOUL L’hommage à Berry et la pique à Ferzli Nicolas Fattouche n’a pas manqué, au cours de son intervention remarquée, de lancer, sans le nommer, une pointe au vice-président de la Chambre, Élie Ferzli. Qui avait proposé, il y a quelque temps, la réduction à deux ans au lieu de quatre actuellement du mandat du chef du Parlement. «Depuis que ce gouvernement est là, le Parlement est visé. Mais nous ne savons pas par qui. Ils ont parlé de réduction du mandat du président de la Chambre, et nous nous disons que celui-ci est le garant, le garde-fou de cette institution. Et le nôtre également. Le garant de la pratique démocratique, de celle des libertés, et on ne peut pas se permettre de chatouiller ce grand homme de tous les côtés», a-t-il dit, nommant le n°2 de l’État, Nabih Berry.
Pas grand-monde à la reprise, hier soir place de l’Étoile, du débat budgétaire 2002. Et ce, malgré les injonctions du président de la Chambre Nabih Berry, qui avait demandé à tous les députés un maximum d’assiduité au cours de la session. Le Premier ministre Rafic Hariri n’était pas là, toujours souffrant du dos, et le ministre-star de ces quatre jours, Fouad...