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Portrait Élie Hobeika, un fataliste au lourd passé (photo)

L’homme qui a été brutalement assassiné hier avait de nombreux ennemis. Son personnage était très controversé, mais il ne laissait personne indifférent. Il faisait peur, il choquait, mais son intelligence impressionnait. Milicien, chef de guerre, homme des renseignements, il restait une énigme même pour ses plus proches amis, malgré ses tentatives de faire oublier son passé et d’entamer une carrière politique. Né en 1956 à Kleiate, Élie Hobeika avait commencé très tôt à faire parler de lui. Il s’était enrôlé dans le parti kataëb, en 1972, avant de devenir l’un des membres de la troupe de choc de Béchir Gemayel dite les «BG». Il n’a ensuite cessé de gravir les échelons au sein des FL, occupant notamment les fonctions de chef du service des renseignements de la milice, un instrument puissant et efficace pendant les premières années de la guerre interne. Après la mort du président Béchir Gemayel, les FL se sont heurtées à son successeur Amine et, pour protester contre une mainmise de ce dernier sur les FL, Hobeika a participé, en 1985, à une première intifada au sein de la milice, avec Samir Geagea et Karim Pakradouni. Les deux derniers se sont ensuite retournés contre lui, en 1986, à la suite de la signature de l’accord tripartite, censé consacrer l’orientation prosyrienne de la milice chrétienne, et il a été sauvé in extremis de la mort par le général Michel Aoun alors commandant en chef de l’armée. Hobeika s’est alors réfugié à Damas puis à Zahlé, où il a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat. On le disait politiquement fini, mais en 1990, après le départ du général Michel Aoun de Baabda, il est revenu dans les régions est, poulain officiel des Syriens. Nommé député en 1991, il a été ensuite élu à deux reprises député de Baabda, en 1992 et 1996. Il a aussi occupé le poste de ministre dans quatre gouvernements successifs, celui de Omar Karamé (1990), de Rachid Solh (1991) et les deux premiers gouvernements formés par l’actuel Premier ministre Rafic Hariri (1992 et 1993). En 2000, il a essuyé une défaite aux législatives et depuis il n’occupait plus une place de premier plan dans le paysage politique libanais. Il ne cherchait même plus à relancer son parti Al-Waad, fondé au début des années 90, dont il avait voulu faire une formation laïque, avant de reconnaître que c’était une démarche prématurée. Il se consacrait donc, les derniers temps, à l’action en coulisses, utilisant ses partisans au sein des Kataëb et du courant des Forces libanaises pour créer un mouvement proche du pouvoir et des Syriens. Il était aussi très impliqué dans la plainte déposée par 24 survivants de Sabra et Chatila contre le Premier ministre israélien Ariel Sharon. Car, ce massacre perpétré en 1982 à la suite de la mort de Béchir Gemayel et qui a fait entre 800 et 2 000 morts palestiniens est la grande tache noire de sa vie. Hobeika a longtemps refusé d’en parler, alors que tous les rapports publiés à l’époque mentionnaient sa responsabilité dans cet épisode honteux de la guerre. Puis, pressé par les journalistes, notamment de la presse étrangère, il a commencé par nier simplement les faits. Mais lorsqu’en 2001, une plainte a été déposée à Bruxelles contre le Premier ministre israélien, il est devenu un peu plus loquace, affirmant détenir des preuves de son innocence et donc impliquant de façon évidente Sharon, alors ministre de la Défense. Il n’aura pas eu le temps d’être plus explicite et, au cours de sa rencontre de deux heures avec les sénateurs belges en visite au Liban au début de la semaine, il ne leur a pas divulgué les éléments en sa possession, préférant les garder pour le juge en charge de l’affaire. Élie Hobeika a-t-il été victime d’un complot israélien pour lui faire endosser la terrible responsabilité des massacres de Sabra et Chatila ? Dans ce cas, pourquoi n’a-t-il pas révélé les éléments en sa possession pendant toutes ces années ? Y a-t-il des personnalités impliquées à sa place, dont, lui, qui affirmait ne rien craindre, même pas la mort, ne voulait pas dire le nom ? Son passé est certes lourd d’actions que la justice condamne, mais à ceux qui le lui reprochaient, il déclarait que c’était la guerre, mais que, depuis des années, il n’avait plus d’activités militaires ou sécuritaires. Pourtant, il avait encore beaucoup d’ennemis et de nombreux politiciens le craignaient. Ses amis disaient de lui qu’il n’était jamais déprimé, toujours décidé à aller de l’avant et à surmonter les défaites, et dans sa vie mouvementée, il avait connu autant de moments terribles que d’instants intenses. La perte de sa fille, l’exil, la défaite, rien ne lui avait été épargné et il n’avait lui-même rien épargné à ses ennemis. Mais il savait que la mort le guettait. Elle a finalement eu raison de lui et, avec son fatalisme légendaire, s’il le pouvait, il en rirait aujourd’hui. S.H.
L’homme qui a été brutalement assassiné hier avait de nombreux ennemis. Son personnage était très controversé, mais il ne laissait personne indifférent. Il faisait peur, il choquait, mais son intelligence impressionnait. Milicien, chef de guerre, homme des renseignements, il restait une énigme même pour ses plus proches amis, malgré ses tentatives de faire oublier son passé et...