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Sécurité - Qui a tué l’ancien ministre et chef FL et pour quelles raisons ? Élie Hobeika est parti avec ses lourds secrets (photos)

Il est parti en emportant ses lourds secrets. Élie Hobeika en savait visiblement trop, sur tout le monde, et il est mort comme il a vécu, dans la violence. En 45 ans, cet homme avait tout connu, la guerre, les honneurs, l’exil, la perte d’une petite fille, le pouvoir et les longues périodes d’éclipse. En une seule et courte vie, il avait vécu plus de bouleversement qu’une centaine d’hommes dans une existence normale. Mais sa dernière grande affaire, celle qui lui donnait encore l’envie de se battre, c’était la plainte contre Sharon. Il espérait enfin pouvoir se décharger d’une partie de son lourd fardeau, mais le passé l’a devancé. Il laisse derrière lui un jeune homme de 19 ans, sous le choc, une épouse qui a connu à ses côtés plus de drames que de joies, et de nombreux amis, qui ne parviennent pas à réaliser qu’il est mort tant jusqu’au dernier moment il dégageait une puissante énergie. Dans l’entrée de l’immeuble où il habitait, les enquêteurs se succèdent, posant mille questions aux gardes effondrés. Au dernier étage, le silence est poignant. Des femmes en noir et des hommes aux yeux rougis entourent l’épouse et la mère totalement sous le choc. Joseph, le père de Élie, ne tient plus sur ses jambes et s’enferme longuement dans la salle de bains, alors que Joe, le fils de 19 ans, tourne en rond dans sa chambre. Élie Hobeika a quitté son domicile ce jeudi, vers 9h40, comme tous les matins et il n’y reviendra plus. En compagnie de trois de ses gardes du corps, dont le chauffeur – il ne pouvait conduire lui-même car il venait de subir une opération à l’épaule –, il n’emprunte pas le chemin habituel pour se rendre à son bureau à Sin el-Fil, et la voiture s’engouffre dans une ruelle à pente raide qui peut servir de raccourci. Contrairement à ce qui a été dit, il n’y avait pas de bonbonnes d’oxygène pour la plongée sous-marine dans le véhicule, puisqu’en raison de son épaule immobilisée, il ne plongeait plus depuis plusieurs semaines. Ce n’est donc pas à cause de ces bonbonnes que la déflagration a été si puissante. Un chemin inhabituel Elle était si assourdissante que, restée à la maison, son épouse Gina comprend très vite que son mari est visé, mais dans tout le quartier nul ne réalise l’ampleur du drame. Le souffle de l’explosion est si puissant que le corps de l’un des gardes est retrouvé sur un balcon, les autres sont à peine identifiables tant ils sont endommagés. Curieusement, le corps de Hobeika est le moins atteint – ses compagnons qui iront par la suite à la morgue de l’hôpital Sacré-Cœur le confirmeront –, mais l’homme qui gît dans les décombres de la voiture est bel et bien mort. Les forces de l’ordre bouclent aussitôt le secteur et l’enquête commence. Au domicile du défunt, proches et amis commencent à affluer. Son père est complètement assommé. Sa mère crie son désespoir et nul n’a de mots pour la consoler, tant sa douleur est immense. Ses amis, eux, se posent mille et une questions. Selon un premier bilan – qui n’a plus été confirmé – les services de sécurité auraient trouvé 5 corps déchiquetés, or, Hobeika et ses gardes du corps ne sont que quatre. Qui serait la cinquième victime dont nul ne revendique la perte ? Un ouvrier non identifié embauché sur l’un des chantiers tous proches, ou le chauffeur de la Mercedes qui a explosé au passage de la voiture de l’ancien député et ministre ? Des cassettes sur Sabra et Chatila De même, selon les premiers résultats de l’enquête, l’explosion, de la voiture piégée, placée sur le bas-côté de la route secondaire empruntée ce matin-là par Hobeika aurait été déclenchée par un dispositif de télécommande actionné à partir d’un immeuble en construction qui surplombe le coin et qui est situé face à un poste militaire. Or, toute cette opération a nécessairement exigé un temps de préparation et pourtant les forces de l’ordre très présentes dans le secteur ainsi que la propre garde de Hobeika ne se seraient doutées de rien. Enfin, comment pouvait-on savoir qu’il prendrait cette petite route, alors qu’il y en a deux autres, bien plus larges ? Soit la voiture piégée avait un chauffeur qui le surveillait et qui l’a suivi, soit deux autres explosifs avaient été placés sur les deux routes restantes... L’enquête devrait permettre de répondre à toutes ces questions, mais pour l’instant nul n’évoque ces hypothèses, le choc étant trop grand. Dans l’entourage de Hobeika, on craint justement que l’enquête n’aboutisse pas à l’identification des coupables, commanditaires et exécutants. La version officielle qui veut qu’Israël soit le coupable est certes plausible et convaincante, mais n’est-elle pas lancée un peu trop vite comme pour couper court à tout autre soupçon ? Un des plus anciens compagnons de Hobeika n’en finit plus de ressasser les événements et à force de se poser des questions, sa tête est sur le point d’exploser. Il se rappelle comment au cours d’une entrevue télévisée, sur la NBN, avec Hobeika, un des lieutenants de Arafat, Bassam Abou Chérif, était intervenu par téléphone pour le menacer en direct. «Cela prendra le temps qu’il faudra, mais il paiera», avait dit le responsable palestinien, alors que la caméra était fixée sur Hobeika qui n’avait pas bronché. La cassette de cette entrevue existe toujours et la LBC a rediffusé hier l’extrait mentionné, tout en demandant au même Bassam Abou Chérif de le commenter. Ce dernier a confirmé ses propos, précisant toutefois que Sharon les a devancés, tuant Hobeika, comme il avait tué Béchir Gemayel... En tout cas, on entend partout que les Palesiniens ont, pour l’instant, bien d’autres problèmes à régler pour trouver le temps de planifier un tel assassinat. Alors, les Israéliens seuls coupables ? Un autre compagnon du défunt, sous le choc du drame, ne veut plus se taire. «J’étais moi-même à Sabra et Chatila, confie-t-il, et je peux vous assurer que lorsque nous sommes arrivés le plus gros du massacre était déjà accompli. Les soldats israéliens avaient tué 122 fedayines, mais pour que ces assassinats, visiblement trop planifiés, ne puissent les mettre en cause, ils ont fait appel à Akl Hachem (un des lieutenants du major Saad Haddad remplacé ensuite par Antoine Lahd), tué en 2000 par le Hezbollah, venu avec ses hommes finir le travail. Ensuite, nous sommes entrés et ils nous ont filmés pour nous impliquer dans le massacre. Je ne dis pas que nous étions des anges, mais il n’y avait plus grand-chose à faire. Hobeika avait d’ailleurs des cassettes de l’image qu’offraient les camps lorsque nous y sommes entrés. Il avait aussi enregistré des conversations qui prouvaient son innocence. Ces cassettes doivent se trouver en lieu sûr. Il faudra bien un jour qu’elles réapparaissent». En avait-il parlé aux sénateurs belges qu’il avait rencontrés mardi soir ? L’ancien compagnon de la victime ne le sait pas, mais une autre personne qui avait vu Hobeika mercredi précise qu’il était très motivé par cette plainte contre Sharon, déclarant qu’il allait enfin être délivré d’un grand poids... Son nom n’avait pas été cité dans la plainte, mais il était prêt à se rendre à Bruxelles, il voulait en finir avec ce dossier qui entachait sa vie. Mais il est parti avant, sans avoir pu se confier ou se délivrer. Hobeika dérangeait trop de parties et, au moment où il s’apprêtait enfin à livrer une partie de ses secrets, il s’est tu à jamais. Scarlett HADDAD
Il est parti en emportant ses lourds secrets. Élie Hobeika en savait visiblement trop, sur tout le monde, et il est mort comme il a vécu, dans la violence. En 45 ans, cet homme avait tout connu, la guerre, les honneurs, l’exil, la perte d’une petite fille, le pouvoir et les longues périodes d’éclipse. En une seule et courte vie, il avait vécu plus de bouleversement qu’une centaine...