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Actualités - RENCONTRE

RELIGION - Patrick de Laubier à l’Université La Sagesse La « civilisation de l’amour, utopie ou réalité ? » (PHOTOS)

Juriste, politologue, sociologue et théologien, Patrick de Laubier est au Liban, à l’invitation de la faculté des sciences politiques et des relations internationales de l’Université La Sagesse. Né en France en 1935, professeur honoraire à l’Université de Genève, il a donné une conférence intitulée «La civilisation de l’amour, utopie ou réalité ?», dans les nouveaux locaux de l’Université La Sagesse, à Furn el-Chebback. «Le premier millénaire chrétien, affirme le P. De Laubier, a connu une Église indivise, le deuxième millénaire a été celui des ruptures, le troisième pourrait être celui de l’unité retrouvée et de l’extension au monde entier, notamment à l’Asie, du message chrétien». Mais peut-on aller plus loin que cette «espérance assez vague à propos de l’avenir» ? «Peut-on attendre une civilisation de l’amour comme un événement circonscrit dans le temps ?», s’interroge le P. De Laubier. L’expression est de Paul VI. Selon De Laubier, le 25 décembre 1975, dans une homélie mémorable, Paul VI prophétisa l’avènement d’une «Civilisation de l’amour» s’étendant à la terre toute entière. Cette intuition prophétique est reprise par Jean-Paul II, qui ne cesse d’évoquer cette civilisation comme idéal historique pour la famille humaine enfin réconciliée. Tout dernièrement encore, pour la «Journée mondiale de la paix», Jean-Paul II est revenu à la charge, en annoncant assez mystérieusement un monde transformé. «Telle est l’espérance qui soutient l’Église au début de l’an 2002, affirme le message, avec la grâce de Dieu, le monde, où le pouvoir du mal semble une fois encore l’emporter, sera réellement transformé en un monde où les aspirations les plus nobles du cœur humain pourront être satisfaites, un monde ou prévaudra la paix». Ces lignes étaient publiées, rappelle-t-on, au lendemain du 11 septembre, un événement planétaire, que beaucoup ont interprété comme un désastreux choc des civilisations. Un choc que le pape avait eu la prémonition d’amortir, en convoquant, en 1986, la première Journée mondiale de prière interreligieuse pour la paix, à Assises. Une théologie de l’histoire Des astrologues aux extralucides et des fondateurs de sectes aux illuminés, les supputations au sujet de l’avenir pullulent aujourd’hui. La curiosité de ce que nous cache l’avenir nous rend vulnérables aux suggestions les plus invraisemblables et, souvent, les plus effrayantes. Loin de ces élucubrations plus ou moins fatalistes, Patrick de Laubier affirme : «L’histoire n’est pas une science, et on ne peut prédire ce qui se passera demain. Le prophète, au sens chrétien du terme, dispose d’une lumière qui lui permet de prévoir, soit au conditionnel, soit au futur des événements déterminés, sans pouvoir décrire le déroulement des futurs contingents. Isaïe annonce la venue du Messie huit siècles avant la naissance du Sauveur, en donnant l’impression que l’événement pourrait être imminent pour ses contemporains (…)». Ainsi, selon De Laubier «la philosophie de l’histoire ne peut prétendre à déchiffrer l’énigme du temps». Par contre, «une théologie de l’histoire est possible à la lumière de l’Évangile». C’est donc en théologien que De Laubier tente de scruter l’histoire. Avec Lactance, Bonaventure et Nicolas de Cuse (XVe siècle), De Laubier suggère d’établir «une analogie entre la vie du Christ connue par les Évangiles et le déroulement de l’histoire de l’Église : les persécutions des trois premiers siècles en parallèle avec le massacre des saints innocents ; la prédication de Jésus, dont on veut faire un roi temporel, en parallèle avec la formation des chrétientés orientale et occidentale et la tentation théocratique ; l’hostilité croissante à l’égard de Jésus, en parallèle avec la déchristianisation du monde chrétien». «Il faut nous arrêter à l’entrée de Jésus à Jérusalem, poursuit De Laubier (…) on accueille Jésus comme Messie (fils de David) et comme Dieu (hosanna au plus haut des cieux). Avec quelle situation de l’Église pourrait-on suggérer une analogie ? Ne serait-ce pas un rayonnement exceptionnel et temporaire du message chrétien, disons une civilisation de l’amour ?». Procédant toujours par analogie, De Laubier ajoute que «cette période serait suivie de l’apostasie annoncée par saint Paul et correspondrait à la mort du Christ. Le retour du Christ à la fin des temps, sa parousie, correspondrait à la résurrection». Messe et histoire «On peut aussi, ajoute De Laubier, esquisser une analogie entre le déroulement de la messe, surtout sous sa forme liturgique byzantine et la vie du Christ, d’une part, et l’histoire de l’Église, de l’autre. Le “Kyrie” serait l’appel au secours des premières persécutions, puis la liturgie de la parole mise en parallèle avec l’annonce de l’Évangile dans le monde. Le “Hosana” correspondrait à l’entrée de Jésus à Jérusalem, la consécration à la mort et à la résurrection du Christ, et la parousie à la communion». «Par ces analogies, dit le conférencier, il conviendrait surtout de retenir le sens de la civilisation de l’amour, située à l’intérieur de l’histoire et d’une durée limitée, suivie d’une apostasie avant le retour du Christ. Il faudrait aussi évoquer l’histoire du peuple juif, sa réconciliation avec le monde chrétien, dont parle saint Paul. Peut-être précisément dans le cade d’une civilisation de l’amour». «Aucun calendrier n’est possible, puisque nous ne pouvons savoir ni le jour ni l’heure de la réalisation des desseins de Dieu, mais les signes des temps doivent nous rendre attentifs, poursuit De Laubier. Le peuple juif aurait pu traverser le désert du Sinaï en quelques semaines, mais son endurcissement lui valut d’errer quarante ans dans le désert. Aujourd’hui encore, les délais dépendent de la bonne volonté des hommes, mais nous connaissons les structures d’une éventuelle civilisation de l’amour. L’Église en propose depuis 2 000 ans les traits essentiels dans sa doctrine sociale. Celle-ci doit pendre une dimension œcuménique grâce à l’unité de la famille humaine et s’acculturer aux différentes traditions culturelles qui font la richesse de l’humanité, cette humanité que le Fils de Dieu est venu sauver en vue de l’épouser». Fady NOUN
Juriste, politologue, sociologue et théologien, Patrick de Laubier est au Liban, à l’invitation de la faculté des sciences politiques et des relations internationales de l’Université La Sagesse. Né en France en 1935, professeur honoraire à l’Université de Genève, il a donné une conférence intitulée «La civilisation de l’amour, utopie ou réalité ?», dans les nouveaux locaux...