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Actualités - REPORTAGES

D’Osiris à Adonis et de l’Égypte à Byblos

De grandes fouilles ont été entreprises à Byblos, en l’année 1921. Les travaux se sont poursuivis, presque sans interruption jusqu’à ces derniers mois ; et le fait le plus important qui ait été révélé par ces recherches patientes, c’est que, dès l’aurore de l’histoire, Byblos entretenait avec l’Égypte les rapports les plus étroits – rapports de caractère économique avant tout, et dont le bois faisait l’objet principal. C’est qu’en effet, s’il y a des palmiers en Égypte, le bois de palmier, spongieux comme il l’est, est tout à fait impropre aux ouvrages de menuiserie ou de charpente. La forêt du Liban fournissait au contraire, et en quantité, non seulement le cèdre, mais aussi le pin, le sapin et bien d’autres essences encore. Dès les premiers coups de pioche, ces fouilles de Byblos ont fait apparaître les restes d’un sanctuaire qui était florissant au temps où ont été construites les grandes pyramides, c’est-à-dire au XXVIIIe siècle av. J-C. On a recueilli, en effet, dans les ruines de cet édifice, des vases d’albâtre, le plus souvent en forme de cynocéphales accroupis, et portant, inscrits sur leur flanc, des noms tels que ceux de Chéops et Mycérinus – chacun de ces vases contenant une offrande, adressée par les puissants pharaons de la IVe dynastie au dieu de Byblos, en remerciement de quelque bienfait, ou pour solliciter une faveur nouvelle. Mais l’on a trouvé aussi, mêlée aux décombres du même temple, toute une série de menus objets en ivoire, hauts de 0,04m environ, qui sont de ces symboles, si fréquents en Égypte, à toutes les époques, qu’on appelait zed, et qui étaient le signe ou la représentation du plus populaire des dieux de la vallée du Nil, à savoir : Osiris. On a beaucoup et longuement discuté, et dès les débuts de l’égyptologie, sur le sens ou la valeur de ce symbole. Champollion y voyait une sorte de nilomètre. D’autres ont pensé à une selle de sculpteur ou de modeleur, ou à un chevalet de peintre. Ou bien il s’agirait d’un autel avec quatre tables superposées, ou d’un pied soutenant quatre linteaux de porte, ou encore d’une série de quatre colonnes disposées en enfilade et dont on ne verrait que les chapiteaux, étagés l’un au-dessus de l’autre. On a proposé aussi de considérer cet objet comme une image idéale des quatre régions dont se compose le monde. Et, à côté de ces explications modernes, et si variées, il convient de faire une place à celles que donnaient les prêtres égyptiens eux-mêmes, qui assuraient que le zed, c’était l’épine dorsale d’Orisis. Sans s’arrêter à cette solution, les égyptologues d’aujourd’hui estiment, mais non point unanimement, que le zed figure un tronc d’arbre, d’un arbre aux branches coupées, d’un arbre écoté, comme disent les héraldistes. Mais, s’il en est ainsi, ne serait-il pas surprenant que le dieu d’un pays où il n’y a pas de forêts ait été représenté sous la forme d’un arbre, et, qui plus est, d’un arbre mutilé ? On est, de la sorte, amené à se demander si le zed n’a pas été d’abord l’image du dieu de Byblos, et si ce symbole n’aurait pas été emprunté à la Phénicie. Et à l’appui de cette thèse, on peut alléguer certain récit qui concerne, à la fois, Osiris et Byblos, récit qui nous a été transmis par Plutarque, lequel n’est pas seulement l’auteur de la Vie des hommes illustres, et dont l’esprit était ouvert à tant de curiosités diverses. Quand Osiris, raconte Plutarque, eut été tué par son frère, Typhon ou Seth – qui personnifie les ténèbres et le mal, tandis qu’Osiris est la lumière et le bien – quand donc Osiris eut été tué, son corps fut enfermé dans un coffre, qu’on jeta à la mer. Ce coffre, porté par le flot, était venu échouer sur la côte syrienne, en Phénicie même, et très exactement sur la plage de Byblos. Là, il s’arrêta au pied d’un arbre, de l’espèce appelée erica, qui absorba le cercueil d’Osiris et se l’incorpora. Ainsi, d’un côté, une scène de la légende d’Osiris – et la plus dramatique de toutes – s’était, au témoignage de Plutarque, déroulée à Byblos; et, d’autre part, le zed, ce symbole qui, en Égypte, représentait Osiris, s’est rencontré, à plusieurs exemplaires à Byblos, et dans les fondations d’un sanctuaire appartenant au début du IIIe millénaire av. J-C. Cependant, on ne saurait conclure de ce rapprochement qu’Orisis procède d’Adonis, car il se peut bien que le temple dont il s’agit ait appartenu à Osiris lui-même, et qu’il fût le lieu autour duquel ou dans lequel se réunissaient les Égyptiens qui venaient s’approvisionner sur le marché de Byblos. À dire le vrai, la question des rapports d’Osiris avec Adonis est de celles, fort nombreuses, qu’il ne suffit pas de poser pour les résoudre. Il faudrait, pour venir à bout de ces difficultés, connaître beaucoup mieux que nous ne le faisons, à la fois Adonis et Osiris. Or, si Osiris ne nous est guère connu, aujourd’hui encore, que par Plutarque, pour Adonis, Ovide et Panyasis sont, à peu près, nos seuls informateurs. Sans doute, le nom d’Osiris apparaît fréquemment dans les textes égyptiens; mais ces documents sont d’une interprétation très incertaine. Quant à Adonis, les fouilles de Byblos qui ont duré vingt-sept ans et qui nous ont d’ailleurs apporté tant d’indications précieuses, n’ont rien produit concernant ce personnage, ni monuments figurés, ni documents littéraires; seulement quelques statues, très mutilées, qui semblent représenter des déesses, ou bien une seule déesse, toujours la même, sans qu’on puisse discerner s’il s’agit d’Astarté, la compagne d’Adonis, ou de l’épouse d’Osiris, Isis.
De grandes fouilles ont été entreprises à Byblos, en l’année 1921. Les travaux se sont poursuivis, presque sans interruption jusqu’à ces derniers mois ; et le fait le plus important qui ait été révélé par ces recherches patientes, c’est que, dès l’aurore de l’histoire, Byblos entretenait avec l’Égypte les rapports les plus étroits – rapports de caractère...